La biodiversité connaît une crise mondiale, avec la perte de nombreuses espèces animales et végétales. À l’échelle planétaire, les forêts sont un réservoir important de biodiversité, mais elles ne sont pas épargnées par cette crise. Les suivis à long terme des écosystèmes forestiers mettent en évidence un paradoxe : alors qu’à l’échelle globale, le nombre d’espèces végétales diminue, à une échelle locale, celui-ci a tendance à augmenter.
Le consortium international auquel ont participé Guillaume Decocq et Jonathan Lenoir, 2 chercheurs de l’UPJV, apporte un nouvel éclairage sur ces observations contradictoires.
1162 espèces européennes étudiées sur des décennies
Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont utilisé la base de données forestREplot (
http://www.forestreplot.ugent.be/), créée et alimentée par un réseau européen d’écologues forestiers. Ils ont ainsi déterminé l’évolution individuelle de 1162 espèces végétales forestières provenant de 68 sites différents et représentatifs des forêts tempérées d’Europe, et ce sur des intervalles de temps variant de 15 à 78 ans.
L’analyse a révélé que, d’une manière générale, les espèces ayant une aire géographique de répartition limitée régressent au profit d’espèces plus « banales » ayant une distribution plus étendue. Les espèces les moins répandues ont donc tendance à décliner, présentant un risque accru d’extinction.
L’azote en causeLes chercheurs ont pu montrer que les tendances observées sont liées à la composition en nutriments des sols, perturbée par les retombées atmosphériques d’azote (via les eaux de pluie, après dissolution dans l’atmosphère des gaz azotés issus de l’utilisation des combustibles fossiles par l’industrie, le chauffage et les transports).
En enrichissant le sol en azote, les pluies acides favorisent la croissance rapide des espèces les plus répandues et gourmandes en éléments nutritifs, comme l’ortie. Disposant ainsi d’un avantage concurrentiel, ces plantes prennent le pas sur les plantes moins communes et peu adaptées aux sols riches.
Conséquences sur la biodiversitéDe fait, bien que le nombre d’espèces puisse rester constant localement, voire augmenté, la perte des espèces rares à plus large échelle induit une érosion de la biodiversité à une échelle régionale ou globale. En effet, la perte d’espèces végétales peu communes se répercute directement sur le maintien de certaines espèces d’insectes et d’organismes. Tout l’écosystème est perturbé et est de moins en moins en mesure de s’adapter aux changements des conditions environnementales.
Ces travaux de recherche proposent un mécanisme expliquant l’homogénéisation floristique à l’échelle globale, dans l’objectif de mieux contrer le phénomène, en limitant notamment les activités humaines à l’origine des pluies acides.Publication :Ingmar R. Staude, Donald M. Waller, Markus Bernhardt-Romermann, Anne D. Bjorkman, Jorg Brunet, Pieter De Frenne, Radim Hedl, Ute Jandt, Jonathan Lenoir, František Mališ, Kris Verheyen, Monika Wulf, Henrique M. Pereira, Pieter Vangansbeke, Adrienne Ortmann-Ajkai, Remigiusz Pielech, Imre Berki, Marketa Chudomelova, Guillaume Decocq, Thomas Dirnbock, Tomasz Durak, Thilo Heinken, Bogdan Jaroszewicz, Martin Kopecky, Martin Macek, Marek Malicki, Tobias Naaf, Thomas A. Nagel, Petr Petřik, Kamila Reczyńska, Fride Hoistad Schei, Wolfgang Schmidt, Tibor Standovar, Krzysztof Świerkosz, Balazs Teleki, Hans Van Calster, Ondřej Vild, Lander Baeten (2020).
Replacements of small- by large-ranged species scale up to diversity loss in Europe’s temperate forest biome. Nature Ecology & Evolution, DOI: 10.1038/s41559-020-1176-8ContactsChercheur CNRS | Jonathan Lenoir : 03 22 82 54 67 | 07 62 82 94 40 |
jonathan.lenoir@u-picardie.frProfesseur UPJV | Guillaume Decocq : 03 22 82 77 61 |
guillaume.decocq@u-picardie.fr