Socialisations morales et politiques

Rapports sociaux, institutions, indicateurs

Dans ce dernier sous-axe, les recherches programmées envisagent les rapports sociaux (de classe, de genre, de racialisation, de génération) à la fois comme outils et objets d’analyse. Les paradoxes soulevés par certaines politiques publiques (pour la petite-enfance, la jeunesse ou le droit des femmes, contre la dépendance des personnes âgées mais aussi toutes les politiques de « lutte » : contre l’échec scolaire, la délinquance, la pauvreté ou le surendettement) seront ici des objets privilégiés pour étudier les rapports sociaux et rendre compte des logiques qui président à la division et la construction des groupes sociaux. Les chercheur-se-s interrogeront notamment la façon dont certains dispositifs (sociaux, judiciaires, résidentiels, sécuritaires ou scolaires) tendent à (re)produire les inégalités sociales et explorent de nouvelles façons d’en rendre compte (notamment par la mise en place d’une base de données temporelle d’indicateurs sociaux nationaux). Si l’essentiel des recherches porteront sur des terrains français, d’autres concerneront la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Mali ou le Sénégal. Par ailleurs, deux projets ANR (l’un sur la justice et l’école, l’autre sur les parcours scolaires et les situations résidentielles) abordent ces questions dans une perspective comparative (Nouvelle-Calédonie, Guyane et Polynésie pour le premier, France et Brésil pour le second). Mais, ces recherches prennent aussi pour objet les pratiques de catégorisation et de classement de ces populations jugées « à risques », les usages savants de ces mises en catégorie et leurs évolutions. Elles permettent non seulement d’alimenter les réflexions sur les institutions d’encadrement et les formes de contrôle social qu’elles exercent mais aussi de comprendre comment ces rapports de pouvoir, au travers des mises en catégorie et des résistances qu’elles peuvent générer (entre discours d’institution et représentations des acteurs), peuvent participer de la fabrique des identités et de la construction de rapports politiques au monde social.

Famille et socialisations morales

La famille est au centre de cette ultime thématique en tant qu’instance privilégiée de socialisation morale. Mais l’école n’est pour autant pas délaissée tandis que d’autres modes, plus diffus, de transmission des valeurs sont aussi explorés (littérature, séries télévisées). Des sociologues, des psychosociologues, des philosophes et des juristes s’interrogent plus précisément sur les cadres normatifs produits par la famille, dont la définition, mouvante et plurielle, oblige à la penser comme nécessairement articulée à la politique et à la société. Le projet ANR DEVHOM sur les familles homoparentales et le projet qui s’inscrira à la suite du projet ANR VENIROMOND – sur les rapports entre socialisation langagière et socialisation morale – développent, dans une perspective longitudinale, l’étude des liens entre structure familiale, conditions de vie et socialisations enfantines, en proposant d’analyser les processus précoces d’intériorisation des principes structurants du monde social, la place qui tiennent les différents éducateurs et le rôle qu’y jouent les enfants eux-mêmes. Le PIA « De nouvelles opportunités pour les jeunes de Picardie maritime : devenir acteurs d’un projet de territoire fondé sur l’économie de proximité », permettra également d’analyser les représentations de la famille, de leur avenir professionnel et de la politique qui caractérisent les jeunes d’un territoire rural en voie de désindustrialisation. Ces différentes recherchent interrogent ainsi les rapports au corps, à la sexualité, à l’institution scolaire, à l’avenir, à l’obéissance, au sens du juste et de l’injuste ou à la sanction comme autant de manières de saisir le processus de constitution d’un rapport politique différencié au monde social.