États, marchés, sociétés

Les recherches menées dans ce sous-axe portent plus spécifiquement sur la construction institutionnelle des marchés, sur la pénétration de logiques marchandes au sein des institutions ainsi que sur le conditionnement public des pratiques des acteurs économiques. Il s’agit de saisir de quelle manière la puissance publique opère le déploiement, la structuration et la pérennisation de marchés ; d’identifier la façon dont les acteurs et usagers de l’action publique sont affectés dans leur activité et dans leurs droits par la place croissante donnée aux dispositifs, outils et logiques de marché et de gestion ; d’appréhender également les logiques d’encadrement public des conduites économiques ordinaires.

Logiques économiques et action publique

Dans la continuité des recherches menées lors du précédent contrat au sein de l’axe « Action publique », on poursuivra, en l’approfondissant, l’analyse des logiques de privatisation de l’action publique par des processus d’externalisation de certaines fonctions relevant antérieurement des services publics et par l’importation de méthodes managériales au coeur de l’action publique, notamment de proximité. Dans le même temps, on se gardera d’en conclure à un rétrécissement de la sphère d’action étatique en partant de l’hypothèse que loin de se réduire, celle-ci fait plutôt l’objet d’une recomposition occasionnant une contraction dans certains domaines, donnant lieu à une mise en marché, mais également à un déplacement et une extension dans d’autres domaines, permettant à la puissance publique d’occuper de nouvelles positions, notamment comme acteur économique ou comme acteur de la consolidation des relations économiques.
Ces analyses des transformations de l’action publique se fonderont sur une analyse des transformations de ses instruments, de ses doctrines, de ses champs d’application et de ses acteurs. Elles porteront sur les politiques sociales autour notamment du gouvernement de la pauvreté, sur les politiques familiales, sur les politiques éducatives, sur les politiques environnementales ainsi que sur les politiques de la sexualité.
Il s’agit plus spécifiquement de comprendre comment les institutions s’approprient des logiques marchandes mises en exergue par les réformes de l’État. À titre d’exemple, dans le champ des politiques éducatives, on s’intéresse à la reconfiguration du jugement scolaire sous le poids des logiques marchandes, à partir de l’étude des modalités de sélection des étudiants au niveau de la Licence (en France, en Angleterre et aux USA) et au niveau du Master. Autre exemple, dans le champ des politiques sociales, on regardera la mise au travail des modes d’organisation des systèmes locaux d’action publique par l’introduction d’un nouveau référentiel d’action inspiré de logiques gestionnaires, qui questionne les voies d’intégration du droit dans les biographies singulières. Par l’observation des conditions sociales des difficultés d’accès au RSA, l’analyse des trajectoires institutionnelles des bénéficiaires potentiels permettra de mettre au jour les différentes épreuves qui jalonnent ces parcours d’accès, dévoilant ainsi les dynamiques complexes d’appropriation d’un droit social.

Marchés, acteurs de l’économie, formes juridiques de l’intervention de l’État


Sous cette thématique sont regroupées les recherches qui relèvent de la sociologie économique, de la sociologie de l’innovation, du droit de la concurrence, du droit de la régulation et du droit des contrats publics.
Dans le domaine de la sociologie économique et celle de l’innovation scientifique, technique, économique et sociale, sont notamment étudiés des dispositifs de mise en relation d’acteurs publics et privés dans des projets liés à la transition écologique. On posera notamment la question des conditions et des logiques d’émergence de modèles sociaux, économiques et environnementaux durables au travers d’expériences menées à différentes échelles. On étudiera ainsi de quelle manière se définit une « bioéconomie » industrielle au sein d’espaces d’interactions entre acteurs du champ économique et laboratoires publics travaillant à la valorisation de la biomasse agricole dans une perspective de transition d’une chimie basée sur le carbone fossile à une chimie biosourcée. On étudiera également les logiques d’élaboration locale d’alternatives économiques, sociales, environnementales autour de la redéfinition des modèles et outils de production, de circulation et de consommation de biens en prenant en compte la façon dont les aides publiques soutiennent ou non ces initiatives. Qu’il s’agisse de bioéconomie industrielle, d’agriculture biologique, de production coopérative, de réseaux d’échanges de biens et services ou encore de circuits courts de distribution, on analysera la façon dont ces initiatives participent à la (re)légitimation et à la (re)définition de l’action publique et des acteurs privés ainsi que de celle de leurs relations.