Florian Dauphin

Maître de Conférences​

Sociologie

Florian Dauphin est sociologue et maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Picardie Jules Verne. Il est membre du laboratoire Habiter le Monde (UR 4287). Ses travaux portent sur la construction de l’opinion publique et sur les enjeux sociaux et politiques des usages du numérique. Il s’intéresse en particulier à l’information et à la désinformation (rumeurs, « fake news », discours complotistes).

Ses Projets de recherche

Les usages d'Internet ainsi que les enjeux sociaux, éducatifs et politiques de la culture numérique

Dans les sociétés contemporaines, les technologies de l’information et de la communication (TIC) modifient en profondeur les rapports qu’entretiennent les individus entre eux, aussi bien dans leur vie professionnelle que dans leur vie personnelle. Les jeunes générations semblent vivre ces mutations de manière plus rapide et plus intense que les autres classes d’âge. Entre 12 et 17 ans, les adolescents passent en moyenne 16 heures sur internet chaque semaine, contre 14 heures devant la télévision (Crédoc, 2010). Ils sont ainsi, avec les cadres, les seules catégories à consacrer plus de temps à internet qu’à la télévision. Ce sont également les 12-17 ans qui détiennent le taux d’équipement en ordinateurs le plus élevé (96 %), davantage que les 18-24 ans (89 %) et les autres classes d’âge. Dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à utiliser les technologies du quotidien : télévision, console de jeux, ordinateur, internet, téléphone mobile, etc. L’usage des nouveaux médias devient nécessaire pour le « vivre ensemble » sous peine de subir une potentielle exclusion. Le développement de la thématique de la « fracture numérique » témoigne de ce constat. Néanmoins les questions soulevées par les expressions de « fracture numérique » et de « non-usage » demeurent complexes et polysémiques (Granjon, 2004, 2011). De nombreux travaux ont porté sur les liens qu’entretient la jeunesse avec les nouveaux médias, ils révèlent que la culture juvénile est inextricablement liée à la culture numérique. Il ne s’agit pas ici d’effectuer une revue de littérature exhaustive tant les écrits sont abondants. Parmi ceux existants dans la littérature francophone, on peut citer les travaux portant sur la « culture de l’écran » (Jouët & Pasquier, 1999), sur les usages juvéniles d’internet (Martin, 2004, 2007 ; Metton 2004) et plus spécifiquement sur les usages des blogs (Delaunay-Téterel, 2010), des chats et des SMS (Metton, 2010 ; Mabilon-Bonfils, 2012), des téléphones mobiles (Amri & Vacaflor, 2010) ou encore des jeux-vidéo (Tisseron, 2009). De même, les recherches depuis près de 30 ans sur les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement sont très vastes (Moatti, 2010). Néanmoins, peu de travaux (Fluckiger, 2008 ; Bruillard, 2006) ont porté spécifiquement sur les compétences mises en œuvre par les jeunes dans leurs usages des TIC et sur le lien avec les usages prescrits par l’école, le lycée et l’université. Nous proposons d’étudier les pratiques culturelles numériques des jeunes ainsi que les compétences utilisées dans leur appropriation des TIC. Notre article tentera en particulier de répondre aux questions suivantes : Dans quelle mesure les jeunes acquièrent une culture numérique à travers leurs pratiques ? Peut-on parler d’un « ethos » au sens de M. Weber (1996), d’un ensemble de valeurs partagées orientant des pratiques sociales ? Quelles sont les compétences (savoir-faire et savoir-être) qui relèvent de ces pratiques et enfin, sont-elles compatibles et transférables au « bon usage » prescrit et requis par l’école ?

Après une définition sociologique de la « jeunesse » et de la notion de « culture numérique », nous montrerons comment les jeunes utilisent les nouveaux médias dans le but de créer une sociabilité communautaire et de se construire une ou plusieurs identités via le réseau. Ceci nous permettra d’envisager les usages effectifs de cette classe d’âge (12-17 ans) en termes de compétences. L’acquisition des compétences numériques (e-skills, e-competences) est complexe à l’image du mode d’existence des outils technologiques. Les compétences numériques semblent différer selon le capital social, scolaire et culturel (Granjon, 2003 ; Brotcorne & Valenduc, 2009). Nous verrons que les jeunes ont des pratiques numériques souvent « profanes », ludiques et communicationnelles au regard des usages prescrits par l’école. Ces usages « profanes » révèlent un certain nombre de lacunes pour une utilisation globale des TIC (Fluckiger, 2008). L’école qui est le lieu pour former à un « usage citoyen » aux technologies de l’information et de la communication semble prescrire des usages éloignés de ceux vécus comme « naturels » et routiniers mis en avant par les jeunes générations.