En se densifiant, les forêts développent dans leurs sous-bois un micro-climat frais et humide qui permet aux espèces sensibles aux températures élevées ou à la sécheresse de résister au réchauffement climatique. C’est le résultat d’une vaste étude internationale publiée dans les Proceedings de l’Académie des sciences américaine (PNAS), à laquelle l’Unité Edysan a participé.

En cas de dégradation du micro-climat forestier, le réchauffement climatique menacerait de nombreuses espèces herbacées communes dans les sous-bois européens, telle cette anémone des bois.

Le réchauffement climatique favorise les espèces – dites thermophiles – affectionnant les températures élevées, ce au détriment des espèces peu tolérantes à la chaleur ou à la sécheresse. Le processus est connu sous le nom de thermophilisation. De récents travaux ont  montré que le réchauffement climatique était trop rapide pour que les plantes herbacées forestières puissent migrer vers des lieux plus frais : celles-ci seraient alors vouées à l’extinction à plus ou moins longue échéance. Ce phénomène est encore plus grave pour les forêts de plaine dont la fragmentation importante est un obstacle supplémentaire à la migration des espèces.

Dans ce paysage sombre, l’étude internationale publiée dans les PNAS apporte une note d’optimisme. Elle s’est intéressée à des forêts d’Europe et des Etats-Unis, dont beaucoup se sont considérablement densifiées au cours des dernières décennies en raison d’une réduction de l’exploitation forestière. Or cette évolution a entraîné des modifications microclimatiques dans les sous-bois. La canopée étant plus couvrante, à son ombre la température est plus fraîche et l’humidité de l’air plus importante, ce qui crée une véritable zone tampon avec le réchauffement « macroclimatique » extérieur.

En analysant les changements floristiques survenus sur un laps de temps allant de 12 à 67 ans dans la strate herbacée de 1 409 sites forestiers d’Europe et des Etats-Unis, les chercheurs ont bien retrouvé un phénomène de thermophilisation. Mais ils ont aussi constaté que celui-ci était nettement moins marqué dans les forêts ayant connu une densification et un vieillissement de leur peuplement. A l’inverse, la thermophilisation était plus importante quand la gestion forestière était intensive et le peuplement rajeuni.

Ce résultat vient remettre en question la politique forestière actuelle qui vise à « dynamiser » la sylviculture pour rajeunir les peuplements forestiers au nom… de la lutte contre les effets du réchauffement climatique (loi dite « de modernisation de l’agriculture et de la pêche » n° 2010-874 du 27 juillet 2010) ! L’augmentation des coupes et le raccourcissement des rotations entraîneraient en effet une ouverture importante de la canopée et donc une altération du microclimat forestier, ce qui aggraverait les effets négatifs du réchauffement climatique sur la biodiversité.

Auteurs : Pieter De Frenne, Francisco Rodríguez-Sánchez, David Anthony Coomes, Lander Baetena, Gorik Verstraeten, Mark Vellend, Markus Bernhardt-Römermanne, Carissa D. Brownd, Jörg Brunet, Johnny Cornelis, Guillaume Decocq, Hartmut Dierschke, Ove Erikssonk, Frank S. Gilliam, Radim Hédl, Thilo Heinken, Martin Hermy, Patrick Hommel, Michael A. Jenkins, Daniel L. Kelly, Keith J. Kirby, Fraser J. G. Mitchell, Tobias Naaf, Miles Newman, George Peterken, Petr Petřík, Jan Schultz, Grégory Sonnier, Hans Van Calster, Donald M. Waller, Gian-Reto Walther, Peter S. Whitea, Kerry D. Woodsb, Monika Wulf, Bente Jessen Graaec, et Kris Verheyen

Brève parue sur le site de l’INEE et à paraitre dans le journal En direct des labos du CNRS le mardi 19 novembre 2013.