Épistémologie et sociohistoire des sciences humaines et sociales

Ce sous-axe, composé de sociologues et de philosophes, trouve son origine dans le travail réflexif sur la production, les circulations, les usages et appropriations des savoirs de SHS qui s’est développé au sein du laboratoire depuis plusieurs années. Qu’il s’agisse d’enquêtes sur archives, de travaux sur les circulations transnationales des idées et des savoirs, d’une sociologie historique des configurations de savoirs ou encore des hybridations disciplinaires, d’une analyse des emprunts entre disciplines (sciences sociales et philosophie, sciences sociales, psychologie et sciences de la nature dans une moindre mesure), ces travaux du CURAPP-ESS prolongent et enrichissent les questionnements d’épistémologie des sciences humaines et sociales qui caractérisent le laboratoire depuis ses origines. Ils s’inscrivent plus généralement dans un renouvellement des questionnements épistémologiques des SHS qui ont pris un essor grandissant depuis quelques années grâce à la sociologie historique des configurations de savoirs, la sociologie des intellectuels, l’histoire sociale des idées et des sciences.

Micro-histoire des enquêtes collectives en sciences sociales

Il s’agira notamment de comprendre comment les savoirs des sciences sociales sont fabriqués par des contextes locaux, des interactions extraprofessionnelles et des dynamiques intellectuelles collectives qui tendent à disparaître entre le temps de l’enquête et celui des publications. L’enjeu sera d’élaborer un cadre analytique et méthodologique nouveau pour interroger l’historicité des productions scientifiques en prenant pour objet les formes de division du travail, des pratiques de recherche et des dynamiques de carrière en fonction non seulement des époques et des courants théoriques, mais aussi selon le contexte propre à telle ou telle enquête.

Histoire des sciences sociales et de leur internationalisation

Il s’agira tout d’abord d’étudier ce qui est aujourd’hui devenu un des principaux moteurs de l’internationalisation des sciences, à savoir les politiques de coopération scientifique internationale lancées sous l’impulsion des États dans le cadre de la « diplomatie scientifique ». On se propose de revenir sur l’expérience fondatrice que représente la vaste politique de coopération mise en place entre la France et l’Union soviétique à partir des années 1960. Deux secteurs retiendront notre attention : le spatial, d’une part, qui fut le secteur-pilote de cette politique de coopération, et, d’autre part, le domaine de la planification et des sciences sociales appliquées (économie, statistique, sociologie, en particulier). Une seconde thématique de recherche concerne l’histoire des sciences sociales durant la période du régime de Vichy et de la Résistance. L’enjeu est ici d’étudier comment l’engagement antifasciste a marqué toute une génération des sciences sociales françaises et nourri leurs réflexions sur la modernité, le progrès et le futur.

Critique des usages contemporains de la performativité en sociologie et en économie

Poursuivant les travaux menés en collaboration avec des sociologues et des économistes du CLERSE (CNRS/U. Lille 1), il s’agira de comprendre les enjeux intellectuels, épistémologiques et sociaux du recours récent au vocabulaire de la « performativité », emprunté à la philosophie du langage, dans la réflexion contemporaine sur l’efficacité des marchés financiers. L’un des enjeux sera notamment de saisir si et en quoi l’introduction de ce vocabulaire renouvelle les recherches sur l’idéologie, à partir d’une compréhension des effets performatifs du discours. Pour ce faire, il conviendra de revenir sur le statut épistémologique de l’économie comme science et comme discours, mais aussi sur son autorité sociale. Il s’agira ainsi de confronter une réflexion épistémologique et philosophique à des analyses socio-historiques.

Épistémologie de la critique et histoire du pragmatisme en sciences sociales

Ces recherches visent à comprendre les enjeux d’un renouveau de la critique enté sur l’héritage d’une certaine forme de pragmatisme en sciences sociales. Il s’agira de documenter historiquement et conceptuellement ce tournant pour en comprendre les enjeux et les usages indissociablement intellectuels et sociaux, et le confronter à d’autres traditions en sciences sociales, notamment la « sociologie critique » ou les héritages de la critique de la politique d’origine marxiste dans « l’école de Francfort ». Parmi les enquêtes empiriques servant cet objectif, une première recherche portera sur les usages savants de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles.