EDITO
En se demandant ce que sont les Lumières, Kant assignait un objectif aux sciences humaines et sociales : rendre intelligible ce présent qui nous fait et auquel nous participons. Y parvenir implique de s’affranchir des cadres qui le soutiennent et à travers lesquels ce présent se donne à voir ; de penser l’urgence hors de l’urgence alors même que nous n’y échappons pas dans notre quotidien le plus banal.
Pour cela pas de recette miracle, pas d’outil universel. Mais au moins deux préceptes qui peuvent guider notre démarche. Le premier, se défaire des mots qui saturent les discours publics et privés pour envisager que la réalité puisse être autre qu’elle ne se présente de prime abord. Le second, résister à la tentation d’épuisement de la description qui mène souvent à ne plus rien voir et à s’épuiser soi-même.
Si l’épisode que nous traversons charrie son lot de problèmes pratiques, notre tâche de chercheuses.eurs n’est pas d’y remédier mais de chercher de quoi cet épisode est le nom, de le problématiser et d’en restituer les logiques. Tâche monumentale, mais enthousiasmante. Rares sont ces moments où, alors que pour l’essentiel ils ne posent pas problème, le monde social et la vie deviennent subitement beaucoup plus compliqué.e.s qu’à l’ordinaire. Et rares sont les faits sociaux aussi totaux. Le travail à fournir ne sera jamais achevé. Raison de plus d’y prendre notre part.
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