Atelier E : Objets et représentations de l’espace et du temps

Aborder l’espace en physique en classe de terminale, par le jeu en école élémentaire, avec des élèves déficients visuels, construire des repères temporels en classe élémentaire, associer espace et temps sur la frise chronologique: toutes ces entrées ont animé cet atelier sans les cantonner aux seules disciplines de l’histoire et de la géographie.

Voici ci-dessous les résumés des communications et le diaporama de l’une d’entre elles.

E1 – Construction et analyse de l’utilisation d’un « objet géométrique » en classe de physique en terminale S – Laurent Moutet, Université de Paris Diderot, LDAR.

L’espace de travail mathématique (ETM) a été développé afin de mieux comprendre les enjeux didactiques autour du travail mathématique dans un cadre scolaire par Kuzniak et al. (2016). Le diagramme des ETM a été transformé par Moutet (2016) en rajoutant un plan épistémologique correspondant au cadre de rationalité de la physique. Le cadre de l’ETM étendu permet d’analyser finement les interactions entre les différents cadres de rationalité et le plan cognitif de l’élève.La séquence d’enseignement étudiée a été développée par Moutet (2016). Elle est destinée à des élèves de terminale S sur le thème de la relativité restreinte à la suite des travaux de de Hosson (2010). Elle suit l’apprentissage du cours et la correction d’exercices du manuel et participe à la conceptualisation des notions de relativité restreinte en permettant de les réinvestir dans un contexte différent et inconnu (Vergnaud, 1990). Une classe de 34 élèves a participé à l’expérimentation. Une première séance papier–crayon a été effectuée afin de construire et d’utiliser le diagramme de Minkowski avec un guidage fort de l’enseignant. L’activité étudiée, correspondant à la seconde séance, a été ensuite donnée à des binômes comme devoir à réaliser à la maison puis travaillée en classe en laissant une grande autonomie aux élèves. Elle consiste à modéliser une situation faisant intervenir la relativité restreinte en construisant un diagramme de Minkowski à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique puis de changer les conditions expérimentales grâce au logiciel afin d’en déduire des résultats remarquables. Le travail de quatre élèves a été analysé. Ils ont été choisis en tenant compte de leurs résultats scolaires (élèves en réussite et en difficulté).

Deux questions de recherche ont guidé ce travail: Comment le cadre de l’ETM étendu permet d’analyser les jeux de cadres de rationalité entre les mathématiques et la physique lors d’une séquence traitant de la relativité restreinte avec des élèves de terminale S via une approche géométrique? Dans quelle mesure l’analyse de l’utilisation d’un logiciel de géométrie dynamique par le cadre de l’ETM étendu permet de montrer qu’il favorise une conceptualisation chez les élèves ?

Les analyses a priori et a posteriori ont montré par la suite les apports de la construction et de l’utilisation par les élèves de «l’objet géométrique» à l’aide du logicielGeoGebra.

E2 – La carte et le jeu : objets pour apprendre les repères géographiques à l’école élémentaire – Xavier Leroux, Université d’Artois, Discontinuités.

Ma proposition de communication envisage de questionner l’objet carte et les repères spatiaux dans le cadre de l’enseignement de la géographie à l’école primaire. Si la découverte des repères géographiques a toujours été et demeure une composante de l’apprentissage de la discipline, la part à réserver à ces repères ainsi que les modalités de leur découverte se doivent d’être interrogées dans le contexte d’une géographie renouvelée où la nomenclature n’est plus reine.

Mon propos relatera une expérience que j’ai mené en tant que praticien-chercheur (professeur des écoles et docteur en géographie) dans une classe de CM2 sur cette année 2018-2019 où il a été question de concevoir et de réaliser un jeu visant à l’acquisition d’un certain nombre de repères spatiaux à placer sur des cartes murales en fonction d’éléments de caractérisation et de localisation. A l’image d’autres affichages de classe (comme la frise en histoire), ce système de petites cartes à venir fixer sur des grandes cartes murales (France, Europe, Monde) se veut une réponse à la faible voire à la non utilisation de cartes figées au mur, parfois de longue date,déjà remplies pour lesquelles la manipulation n’est pas possible. L’expérimentation permettra d’appréhender :

  • Quelle culture, scolaire (Clerc, 2002) et personnelle,se dégage au travers des choix de repères spatiaux effectués par les élèves (à un recueil initial écrit de repères en début d’année scolaire, répondent différentes relances de l’enseignant au cours de l’année pour en étoffer la liste) ;
  • Comment ils catégorisent et proposent des critères d’identification de ces repères ;
  • Comment ils réagissent à la façon dont l’enseignant les raccroche aux divers thèmes du programme–pour éviter que ceux-ci ne dessinent une nomenclature «sèche» (Chevalier, 2016).

L’évaluation (dont nous aurons lecture au moment du colloque) dira si cette façon de procéder autour d’un objet pensé, fabriqué et approprié aura permis d’acquérir efficacement des repères qui semblent pour l’heure mieux appréhendés au travers de leurs attributs que de leur localisation (SCEREN, CRDP/CNDP, 2011) et, encore une fois, s’ils peuvent constituer une béquille solide pour appréhender une géographie dépoussiérée désormais structurée autour du raisonnement, de la problématisation, du dialogue avec les autres disciplines ou encore de la prise en compte des représentations. Le contexte temporel dans lequel s’inscrit ce travail a son importance puisque nous sommes aujourd’hui, à l’école primaire, sur des programmes de géographie qui apportent un changement paradigmatique fort («l’habiter») et qui demeurent très ouverts, notamment sur ces repères pour lesquels il n’y a aucune liste précise indiquée. Cela n’est pas pour aider les professeurs des écoles, à la «polyvalence imparfaite» (Philippot, Baillat, 2011) et rarement géographes de formation qui, justement par méconnaissance de la didactique de la discipline et de toutes ses potentialités, voient ces repères au mieux comme un copieux préalable indispensable à toute autre approche mais souvent hélas comme la finalité même de la discipline (Leroux, Le Bourgeois, 2022).

E3 – L’utilisation d’objets matériels dans le rituel des calendriers à l’école maternelle grecque. Une étude de cas – Maria Moumoulidou, Université Démocrite de Thrace, recherches pédagogiques et pratiques enseignantes.

Cette étude se propose de montrer la place particulière des outils et supports utilisés pendant le rituel du calendrier, afin de mieux comprendre leur contribution dans le processus d’enseignement-apprentissage. Ce sont des objets didactiques qui fonctionnent comme intermédiaires entre enseignant et enfant et ont un impact sur l’acquisition du savoir. Ils constituent des systèmes complexes et cohérents, ayant un certain statut social et incitent les enfants à entrer dans la culture (Bruner, 1996) écrite.

Plus précisément, nous tentons d’extraire des éléments de réflexion sur les dispositifs utilisés par l’enseignant, pour valoriser les objets tant didactiquement qu’opérationnellement et faire entretenir chez les enfants des relations spécifiques avec eux. Il s’agit de répondre à des questions relatives à ses pratiques par rapport à l’utilisation des objets, afin de saisir ses intentions didactiques, ainsi que sa manière de les mettre en scène, de les utiliser fonctionnellement pour qu’ils accomplissent leur rôle de médiateurs. Nous allons aussi essayer de comprendre l’utilisation du procédé didactique qui est l’ostension, utilisé comme « technique naturelle des savoirs non scientifiques […] même s’il se complète de la technique de la démonstration » (Mercier et all., 2001 : 238-239) et de montrer que l’utilisation du calendrier vise aussi « les apprentissages bien définis » (Zerbato-Poudou, 2009 : 94-95).

En même temps, nous allons mettre en évidence tant la pluralité de pratiques de l’enseignant que la complexité de ses objectifs. En fait, le rituel du calendrier constitue une occasion pour elle de faire entrer les enfants dans la culture écrite à travers les exercices répétitifs et l’utilisation des objets appropriés « qui médiatisent l’activité et jouent un rôle important dans la définition de ce qui est à faire. Ces outils sont d’abord les artefacts matériels, omniprésents dans la classe » (Nonnon & Goigoux, 2007: 23). L’important à la maternelle est « de tourner autour des choses, d’avoir une pratique des outils de la société dans laquelle nous vivons, et le but des enseignants est d’organiser des milieux culturellement riches sur lesquels les élèves peuvent agir afin d’acquérir, petit à petit, des gestes de familiarité avec certains outils » (Garcion-Vautor, 2003 : 146).

Cette étude est une recherche empirique qui s’appuie sur un corpus de données recueillies en situation ordinaire d’une classe mixte en école maternelle (4-6 ans) et sur onze observations vidéo menées du mois de septembre à la fin de l’année scolaire 2017-18. Ces observations ont été complétées par deux entretiens semi-directifs menés avec l’enseignante de la classe. Dans cette étude nous étudions le rituel du calendrier,filmé dans deux séquences, accompli par l’enfant ‘de service’. Nous allons essayer de comprendre les pratiques de l’enseignante relatives au fonctionnement des supports pédagogiques utilisés dans une logique de familiarisation à la culture écrite.

E4 – Des outils sémiotiques pour dire et penser le temps en classe de maternelle : quels outils pour quelles constructions temporelles ? De l’intérêt du dialogue enseignants-formateurs-chercheurs pour comprendre comment les objets donnent forme aux notions temporelles – Fred Amblas, Christelle Boya, Corinne Coudron, Catherine Graincourt, Isabelle Paty-Visseiche, DSDEN, Ille et Vilaine ; Tiphaine Cocault, Damien le Bellour, Bénédicte Malin, professeurs des écoles.

Différents travaux récents sur le développement de notions temporelles chez l’enfant montrent qu’il y a un changement important entre une première construction basée sur les événements pour se repérer et une compréhension du temps plus tardive indépendante des événements (Mc Cormack & Hoerl, 2017 ; Nelson, 1998 ; Tartas, 2009). De l’autre quelques travaux s’interrogent sur le rôle des systèmes de notation et les fonctions des systèmes de représentations externes (Teubal, Dockrell & Tolchinsky, 2007) et sur les compétences nécessaires pour que ces outils soient appropriés par les enfants. Cependant peu de travaux étudient les interactions entre l’adulte et l’enfant à propos des outils culturels tels que les frises, les horloges et autres outils sémiotiques élaborés en classe par l’enseignant pour permettre aux enfants de se repérer dans différentes échelles temporelles. C’est précisément ce que propose notre communication réunissant des formateurs d’enseignants des enseignants et une enseignante-chercheure en psychologie du développement et de l’éducation. Au travers de quelques exemples de dialogues enseignant-enfants recueillis dans trois classes de maternelle lors de l’usage d’objets divers pour représenter le temps (en particulier frise de la journée, horloge de la journée et la tour des jours), nous présenterons les principales références temporelles mobilisées(quel jour sommes nous ? etc.) par les enfants et les principales difficultés qu’ils rencontrent. Une discussion portera à la fois sur les rapports entre outils, signes (repères)temporels dans le langage des enfants à la maternelle et leur évolution au cours de l’année. On questionnera aussi le passage d’objets qui représentent le temps à des outils sémiotiques qui permettent à l’enfant de se repérer dans sa journée notamment.

E5 – Des objets tangibles aux cartes interactives pour se déplacer et appréhender l’espace : quelques exemples de situations d’apprentissage avec des enfants déficients visuels – Quentin Chibaudel, Christophe Jouffrais, Bernard Oriola, Université de Toulouse 3, IRIT ; Katerina Fibigerova, Université de Toulouse Jean Jaurès, CLLE.

S’orienter et se déplacer dans l’espace sont des activités quotidiennes fondamentales, et qui sont facilitées par différents outils dont les nouvelles technologies au XXIème siècle. Ces compétences impliquent un ensemble de processus cognitifs reposant sur des représentations mentales de l’espace (Denis, 2016) et l’usage d’outils et d’objets ; malheureusement ces compétences sont plus difficiles à acquérir et à mettre en œuvre chez l’enfant en développement (Nys, Gyselinck, Orriols & Hickmann, 2015) et également chez les personnes déficientes visuelles (jeunes ou âgées). Le projet ACCESSPACE est un projet exploratoire pluridisciplinaire (psychologie du développement, psycholinguistique, informatique, et professionnels de la déficience visuelle) qui comporte deux objectifs principaux. Dans le domaine de la psychologie, il vise à mieux comprendre les relations entre le développement du langage et les compétences spatiales dans des situations de coopération, notamment chez les enfants déficients visuels et tout venants. En informatique, et plus précisément dans le domaine de l’Interaction Homme-Machine (IHM) et des technologies d’assistance, il vise à concevoir un prototype de table collaborative permettant d’améliorer l’acquisition de connaissances spatiales, surtout lorsqu’elles impliquent des référentiels spatiaux différents (Ego-vs. Allocentré). En effet, les processus d’orientation et d’élaboration de cadres de références spatiaux peuvent être largement facilités, enrichis par l’usage de dispositifs innovants qui permettent aux personnes déficientes visuelles de mieux se repérer dans l’espace réel après avoir appris via des espaces représentés (Brûlé et al. 2018). Ce transfert de connaissances d’un espace (figuratif) à l’autre (réel) est un défi majeur pour qui s’intéresse aux apprentissages spatiaux aujourd’hui et il est au cœur de ce projet. Comment les enfants apprennent-ils à se repérer dans l’espace ? Quels rôles jouent les objets et les dispositifs interactifs dans les situations d’enseignement-apprentissage ? A partir d’exemples observations longitudinales de situations d’enseignement-apprentissage auprès d’enseignantes spécialisées et d’enfants déficients visuels, nous illustrerons la place des objets pour apprendre l’espace. Puis, nous présenterons les premiers résultats de ce projet concernant les enfants tout venant et les enfants déficients visuels amenés à résoudre des tâches de déplacement-orientation ainsi que les usages de la table coopérative dans le cadre d’un jeu de chasse au trésor permettant d’étudier la façon dont les objets peuvent permettre d’apprendre à verbaliser l’espace pour mieux coopérer et se déplacer. La discussion portera sur la question des objets pour apprendre l’espace en particulier pour la population de déficients visuels.

E6 – Analyse du rapport « objet produit en classe-objet d’enseignement et d’apprentissages » dans une séquence d’enseignement en arts plastiques et visuels. Enjeux pour la formation et la recherche – Stephan Bodéa, Université de Genève, DAM ; Francisco Marquez, Université de Genève, DAM.

Cette contribution présente une recherche empirique portée par l’analyse didactique d’une séquence d’enseignement dispensée dans le secondaire genevois. L’analyse a été effectuée dans le contexte de la formation initiale en didactique des arts plastiques et visuels à l’Institut universitaire de formation des enseignants de Genève, dans le cadre du séminaire d’initiation à la recherche, dispositif s’appuyant sur l’analyse clinique (Leutenegger, F., 2009) de pratiques d’enseignement filmées.

Notre objet empirique est une séquence comportant six séances (intitulée « Le lointain, silhouettes du paysage »), extrêmement dense sur le plan des ressources sémiotiques mobilisées. Elle combine discours, expériences « oralographiques » (Bouchard, R., 2005), lecture et élaboration de « signes » iconiques,conduites corporelles spécifiques aux techniques convoquées (gestes amples de peinture acrylique, gestes fins de découpage de différents types de «silhouettes»). Les activités des élèves débouchent sur l’élaboration d’un décor d’animation (objet matériel et symbolique), attente que l’enseignant formule comme « composition d’un paysage par plans successifs, découpés »), et dont il s’agira ici de traiter les fonctions et la cohérence sur le plan didactique, à travers les principales questions suivantes :

  • Quelles sont les finalités d’apprentissage associées aux objets produits par les élèves au fil des activités qui structurent leur élaboration ? En quoi ces productions incarnent-elles les contenus d’enseignement et d’apprentissage en jeu ? (quel est le rapport entre leurs différentes propriétés, le système d’attentes formulées à l’intention des élèves et les objets épistémiques en jeu ?) ;
  • Quelles sont les significations que les participants aux transactions didactiques (au sens de Sensevy, G. & Mercier, A., 2007) associent à ces objets en tant qu’artefacts historiquement et culturellement ancrés (qui, dans une perspective anthropologique, ‘‘ne doivent pas être analysés en tant que choses mais comme médiateurs de l’usage’’ (Rabardel, P., 1995, p. 34) ? Comment ces significations se négocient-elles au cours des transactions ?
  • Quelle est, au regard des prescriptions officielles (cf. plan d’études romand), la place accordée à la créativité des élèves dans l’économie de cet enseignement ?

Les élèves sont invités à créer une composition « cohérente » (à travers l’élaboration et l’assemblage de « silhouettes » découpées dans des bristols peints qui déclinent des « gris colorés »). Les interactions analysées font émerger plutôt une cohérence d’ordre thématique référée à ce que la composition « représente » (un paysage de désert, un paysage urbain, etc.) et aux éléments de cette composition (en l’occurrence les «silhouettes» qui l’habitent).

Notre analyse met en évidence le fait que le principal objet de savoir (la perspective atmosphérique) est fondamentalement associé à une attente de nature conventionnelle (« foncé-clair »). Son indexation au jeu des plans successifs (selon une certaine cohérence d’agencement de leurs contenus, en perspective) constitue davantage une attente qu’un objectif atteint. En effet, ce qui prend contour au fil des activités, c’est une représentation frontale de « silhouettes » en partie occultées par la superposition des plans ; ce qui amène l’enseignant à proposer un agencement vertical des bristols, artifice censé permettre des visions latérales, « en perspective », sur le décor d’animation. Cependant, du fait que cet agencement n’ait pas été fondé sur un projet de construction de visions en perspective par l’articulation des contenus convoqués en amont, le regard auquel invite l’objet produit, malgré les nouvelles visions que cet objet suscite,reste en réalité un regard frontal qui se « déplace » d’un plan à l’autre, à la recherche de… silhouettes en perspective.

E7 – « La carte à l’école du socle » : un objet à apprendre – Sylvie Considère, Université d’Artois, ESPE Lille Nord de France, Discontinuités ; Anne Glaudel, Université Champagne-Ardenne, Cerep.

En géographie, la carte est un « objet de la discipline » (Develay, 1992) dont la place, dans les discours prescriptifs et les recommandations didactiques, a profondément évolué à partir des années 1980. Objet pour apprendre, fréquemment utilisé pour des activités de localisation-nomination, elle est avant tout aujourd’hui un objet à apprendre pour la didactique de la géographie et dans l’École du Socle commun (domaine 5). Les enjeux contemporains de la lecture et de la production de cartes relèvent en effet de l’éducation critique des élèves qui ont et auront à faire face, dans leur scolarité et en tant que citoyens, à divers types de représentations graphiques et planes de l’espace, produites dans des contextes et à des fins variés. Ces représentations s’inscrivent aujourd’hui dans les codes conventionnels de la cartographie ou dans d’autres pratiques de représentation de l’espace, en particulier les celles qui relèvent de l’expression graphique d’une représentation subjective de l’espace (cartes mentales et cartes sensibles, par exemple).

Nous proposons une réflexion sur les cartes lues et produites à l’école en tant qu’objets matériels et objets discursifs. Nous questionnerons, dans ce double statut, les enjeux d’apprentissage et d’enseignement relatifs à trois caractéristiques de la carte : la primauté du langage iconique, le principe d’analogie et la spatialité de l’objet (Lévy et Lussault, 2013). Nous interrogerons également les enjeux d’enseignement et d’apprentissage liés à deux traits de toute production discursive : son inscription dans un contexte pluriel et son interactivité constitutive (Maingueneau, 2014).

La communication que nous proposons prend appui sur une recherche en cours, intitulée « Géo du Socle », qui a pour objet les apprentissages que construisent en géographie les élèves de l’école élémentaire et du collège. Une équipe d’enseignants-chercheurs et enseignants amis en œuvre, dans 7 académies de métropole et d’outre-mer, un protocole de recueil de productions graphiques d’élèves de CM1, CM2, 6èmeet 3ème. C’est à partir de ce corpus d’un millier de productions d’élèves que nous proposons une réflexion sur les pratiques enseignantes dans le champ de la géographie scolaire et en relation avec d’autres domaines d’apprentissage. Nous proposons pour cela de répondre aux deux questions suivantes :

-Quels types de savoirs sont mobilisés par les élèves dans cette situation et quelle connaissance indirecte des pratiques enseignantes permettent-ils d’inférer ?

-Quelles pratiques graphiques, géographiques ou non, scolaires ou non, sous-tendent les productions des élèves ?

La communication ouvrira enfin une réflexion sur les pratiques d’interdisciplinarité que ces productions d’élèves nous invitent à proposer pour l’École du Socle, dans un travail réflexif sur « les représentations du monde et les activités humaines»et sur «les langages pour penser et communiquer ».

E8 – Impressions 3D : l’authenticité des données scientifiques pour les modèles que les élèves produisent et manipulent : opportunités et limites – François Lombard, Université de Genève (Suisse), TECFA, IUFE ; Julien Da Costa, Université de Genève (Suisse), TECFA ; Daniel Schneider, Université de Genève (Suisse), TECFA.

Un projet fédéral suisse – plan d’action en faveur de l’éducation numérique (CIIP, 2018) – impose aux écoles d’introduire l’informatique comme discipline mais aussi comme une approche de la construction des savoirs dans chacune des disciplines scolaires. Le changement de paradigme de la biologie vers une discipline du contrôle et de l’information (Morange, M. 2003) pose la question de la place qu’a la bioinformatique dans de nombreux chapitres de la biologie. Cette recherche préliminaire s’inscrit dans un ensemble de réflexions en amont d’un projet en ce sens commençant en septembre 2019 à Genève (publié depuis (Lombard, Dacosta & Weiss, 2023)). Les banques de données de séquences et de structures 3D librement accessibles permettent d’introduire dans des activités d’apprentissage la comparaison de séquences de protéines et la visualisation à l’écran de structures 3D à partir de données scientifiques authentiques, moins transposées que les modèles didactisés classiques. Les imprimantes 3D à faible coût peuvent prolonger ces activités jusqu’à produire des objets manipulables. Ces visualisations, basées sur données issues de l’expérimentation peuvent être confrontés à des modèles naïfs, par exemple dans les problématiques de lien forme-fonction, de folding des protéines à partir des séquences, et en lien avec l’évolution. Nous présentons ici une exploration et une réflexion sur la faisabilité d’usages pédagogiques en biologie au secondaire supérieur de modèles 3D issus de bases de données scientifiques authentiques.

De l’usage des modèles en science

Un modèle est une représentation abstraite, simplifiée d’un système de phénomènes qui met en évidence ses caractéristiques essentielles et peut être utilisé pour générer des explications et des prédictions (Schwarz et al. 2009). Pour un phénomène donné, on trouve plusieurs modèles dont les domaines de validité et de pertinence aux problèmes diffèrent (Martinand, J. L. 1996). Apprendre à sélectionner et savoir utiliser le modèle le plus pertinent selon le contexte est une difficulté critique dans l’apprentissage des sciences. L’impression 3D offre la possibilité de fabriquer des artefacts conceptuels manipulables et adaptés aux intentions pédagogiques de l’enseignant. Aussi bien pour l’enseignant qui fait évoluer sa pratique que pour les élèves, ces artefacts entraînent des processus instrumentaux (Rabardel,1995). En effet les contraintes et potentialités de l’objet matériel influencent et conditionnent les usages ; d’autre part les usages de ces artefacts influencent les pratiques de classe, faisant petit à petit émerger des potentialités pédagogiques nouvelles. Ainsi un modèle de protéine imprimé en 3D peut être instrumenté comme support du cours de l’enseignant (qui détermine les choix qu’il fait de cet objet), cette conceptualisation de ne l’incitera pas à chercher ou imaginer d’autres usages, dans lesquels – par exemple – ce seraient les élèves qui manipulent ces objets (modèle de protéines) pour émettre des hypothèses et les confronter à d’autres données pour explorer le lien entre les structure primaires, secondaire, tertiaire et la fonction.

Des données authentiques au modèle pour apprendre

Pour Chevallard (1991) il est inévitable et nécessaire que les savoirs se transforment lorsqu’ils sont transposés en classe, induisant une perte de certaines caractéristiques des savoirs savants pour devenir des objets de savoir scolaires (Transposition didactique – TD). Les banques de données scientifiques librement accessibles peuvent permettre à l’enseignant, voire aux élèves d’accéder à des savoirs directement issus de la recherche expérimentale, qui n’ont pas subi toutes les transformations que la TD détermine (perte du contexte des savoirs, des méthodes qui les ont produits, de leur degré d’incertitude…). Nous appliquerons ici l’idée que remonter autant que le niveau des élèves le permet vers ces savoirs moins transposés, ouvre de nouvelles possibilités pédagogiques et peuvent limiter les effets de la TD (Lombard, F., & Weiss, L., 2018). Par rapport aux modèles “didactiques”, l’accès libre à ces banques de données permet d’impliquer des élèves dans des activités telles que formuler des hypothèses, les confronter à des données directement issus de l’expérimentation, et pour l’enseignant d’inventer de nouvelles formes de transposition interne (comment l’enseignant apprête ces savoirs). Notre étude exploratoire a été menée avec un cours de formation de maîtres (N=12) et 3 classes-pilotes au secondaire supérieur (N=48 au total). Elle vise notamment à tester la faisabilité technique et opérationnelle d’une telle approche, observer les usages et les réalisations des deux types d’apprenants et à obtenir des données préliminaires sur de potentiels effets pédagogiques.

Étude pilote -formation des maîtres : Des enseignants sans qualifications particulières en informatique ont pu sélectionner des protéines jugées pertinentes à leurs enseignements dans des banques de données authentiques au format de structures moléculaires (Protein Data Base, PDB). Ils ont été introduits à l’usage du logiciel open source Chimera afin de convertir les structures au format compatible avec les imprimantes 3D (.STL) et faire des ajustements tels que supprimer des molécules non pertinentes ou sélectionner les acides nucléiques ou aminés pour imprimer séparément une enzyme et l’ADN sur lequel elle agit. Les enseignants ont tous réussi les étapes techniques, discuté les usages en classe. Les bilans indiquent leur intérêt et leur satisfaction mais l’introduction de ces pratiques dans leurs classes est envisagée au futur.

Étude pilote -secondaire supérieur : Les activités dans les classes-pilotes ont conduit les élèves de déterminer la structure primaire (séquence) de plusieurs protéines (UniProt), de former des alignements (fig. 4) pour vérifier l’origine commune et les différences graduées, puis comparer les profils de similarité entre diverses protéines. Ils ont ensuite recherché la structure 3D correspondante, l’ont convertie pour la faire imprimer en un objet matériel. Ces objets ont permis des activités liant les prédictions basées sur l’observation des parties conservées de la séquence (fig. 4, à gauche), la structure 3D et la fonction afin de confronter leurs modèles naïfs à propos du lien forme-fonction à des données expérimentales authentiques pour faire évoluer ces modèles vers le modèle à institutionnaliser.

Sur un cours de 3×2 périodes, tous les élèves présents ont réussi à réaliser l’alignement, à trouver une structure 3D et à la convertir en fichier pour l’impression (fig. 4, à droite). Les étapes techniques n’ont pas été un problème sérieux. Nous ne disposons pas encore des résultats d’examen finaux mais un questionnaire anonyme sur une classe (N=11) suggère que l’authenticité des démarches a été un facteur de motivation important et que la manipulation d’objets tangibles a pu supporter la discussion des phénomènes biologiques étudiés3. Après une seule séance pratique, ils ne se sentent pas tous capables d’appliquer ces démarches à élaborer d’autres connaissances biologique. Les commentaires en questions ouvertes évoquent l’aura des outils professionnels, la meilleure visualisation, la nature concrète par opposition à un cours théorique et les bénéfices perçues de la manipulation sur les apprentissages. Ils relèvent aussi la difficulté de l’objectif forme-fonction et la nécessité d’une bonne compréhension biologique pour utiliser efficacement ces données scientifiques.

Bilan

Ces premières études confirment la maturité techniques des outils et la possibilité de leur opérationnalisation en classe. Les usages en classe de biologie et les formations d’enseignants expérimentés ont confirmé la faisabilité technique de cette approche. Elles ouvrent la voie à de nouvelles stratégies pédagogiques qui fondent la réflexion sur les modèles dans des pratiques authentiques concrétisées dans des objets matériels : des artefacts conceptuels dont la confrontation à des données bioinformatiques peut aider les élèves à développer des modèles complexes (folding des protéines, modèle clé-serrure, protéine-substrat, conservation des structures dans l’évolution, sélection dans les séquences…). Les premières observations menées sur le terrain confortent la pertinence de la démarche et leur alignement avec les réformes éducatives de la discipline. Du point de vue de l’accompagnement des enseignants ces résultats suggèrent qu’il peut être efficace d’aborder la problématique sous l’angle des usages, c’est -à-dire les aider à instrumenter de manière nouvelle l’objet “modèle de protéine”. La mise en évidence dans cette étude d’usages pédagogiques de ces objets manipulable par l’élève pour les aider à franchir des obstacles conceptuels et des difficultés reconnues par les enseignants pourrait les aider à en voir le sens. Une réflexion en termes de modèles et modélisation est à mener par les enseignants et s’inscrit bien dans le cadrage interdisciplinaire “maths et sciences de la nature” du plan d’étude Romand (CIIP, 211). La confrontation aux limites des modèles peut bousculer les pratiques scolaires et les attentes des élèves basées sur des savoirs présentés comme définitifs Chevallard, Y. (1991). Nos explorations ont aussi montré quela confrontation à l’authentique oblige à affronter les limites des modèles que les savoirs transposés permettent d’ignorer souvent (p. ex. le modèle “clé-serrure” ignore les affinités moléculaires et les déformations que les interactions entre molécules produisent). Si ces résultats confirment qu’il est possible de contourner la TD classique dans une étude pilote, la nature inévitable de la TD selon Chevallard interroge sur la généralisabilité de ces démarches à plus large échelle. D’autres limites de cette étude exploratoire sont un nombre très restreint de sujets, les indicateurs d’apprentissages encore indisponibles et forcément lacunaire en l’absence d’une intégration dans les programmes et les évaluations, ainsi qu’une population dont la représentativité est discutable. Malgré le caractère préliminaire des activités menées, elles ouvrent des perspectives en proposant des axes pour explorer les usages et l’intégration dans les programmes de “l’usage scolaire des outils numériques pour travailler et pour apprendre, et développer ainsi les compétences d’utilisateur actif chez les élèves et les enseignants” (CIIP, 2018) qui sera imposée à très brève échéance dans les écoles suisses, et orientée plus spécialement sur la transformation des modes de construction des savoirs dans les disciplines et la “citoyenneté numérique” à Genève. Cette étude apporte des éléments pour discuter le cas spécifique de la biologie et notamment l’incontournable place de la bioinformatique et son articulation pédagogique avec les objets matériels 3D. Enfin malgré son caractère préliminaire, cette étude met en évidence la nécessité de recherches en didactique sur la transposition du paradigme de la biologie structuré par la bioinformatique et d’interroger l’usage d’objets d’apprentissage nouveaux, tel que les protéines en impression 3D, dans les espaces de classe.

E9 – Construction de frises chronologiques et mobilisation des connaissances en SVT – Youssef Boughanmi, Université de Bourgogne.

La construction d’une frise chronologique en classe ou ailleurs peut stimuler la curiosité de l’apprenant et l’inciter à explorer des champs de savoir disparates. Les champs de savoir choisis pour cet exposé nécessitent la mobilisation de plusieurs concepts scientifiques par l’apprenant. Pour aider les apprenants dans la construction de leur propre savoir, on leur propose,quand la démarche d’investigation le permet, d’élaborer une frise chronologique. En SVT, les frises chronologiques peuvent être élaborées dans un cadre interdisciplinaire faisant appel à un apprentissage visuel et temporel qui stimule maintes compétences : se repérer dans l’espace et dans le temps, retracer l’histoire des idées ou celle des savants. En se basant sur deux exemples de frises chronologiques concernant la théorie de la tectonique des plaques et la biodiversité temporelle, nous essayons de monter leurs pertinences dans la résolution de tâches complexes. Notant que la frise de la tectonique est construite par l’enseignant pour enseigner aux élèves de 1èrescientifique l’histoire d’un modèle globale alors que celle de la biodiversité temporelle est conçue et élaborée par des élèves de seconde.Après un bref aperçu historique de la frise chronologique, nous abordons, à travers les deux exemples la nécessité et les difficultés de leur construction ainsi que leur utilité.

Questions :

La construction d’une frise chronologique permet-elle aux élèves de mobiliser des concepts appartenant à des champs de savoir disparates ? Quelles sont les spécificités pratiques de chaque frise ?

Investigations :

1ère frise chronologique : en se basant sur notre expérience de recherche en didactique des sciences de la terre et aussi sur notre expérience d’enseignement des SVT, nous avons construit une frise chronologique sur l’histoire de la théorie de la tectonique des plaques. Nous avons intégré des éléments de l’histoire récente et les principales dates de la découverte des idées scientifiques par le savant. Nous avons choisi 21 dates allant du 19ème siècle jusqu’à la fin du 20ème siècle et nous les avons placé de part et d’autres d’une flèche de temps sans respecter vraiment l’ordre chronologique pour limiter l’effet linéarité.

Méthodes : Les élèves de 1ère scientifique (24 élèves) remplissent la frise vierge (voir annexe 1) proposée par l’enseignant en fonction de l’avancement du cours. Ils peuvent aussi mener des recherches hors de la classe. Pour chaque date proposée,ils rajoutent le nom de (ou des)savant(s)et les idées en question. A la fin du thème de géologie les élèves comparent leurs frises seront confrontées à celle proposé par l’enseignant à la fin du thème de géologie.

Résultats :

  • Les frises des élèves se rapprochent toutes de celle de l’enseignant ;
  • L’investissement et la motivation des élèves dans la recherche des principales idées sont remarquables ;
  • Retracer l’histoire des idées a permis aux élèves de connaître plusieurs scientifiques ayant participé à la révolution tectonique ;
  • Les élèves ont développé des compétences de réécriture d’un exemple de l’histoire des sciences ;
  • Les élèves ont manipulé un exemple de l’interdisciplinarité: la théorie étant le carrefour de plusieurs disciplines. -La littérature du modèle mobiliste est très riche ce qui ne permet de couvrir l’ensemble des idées ;
  • Les élèves n’ont pas participé à l’élaboration de la frise.

2ème frise chronologique : En 2016 et dans le cadre de l’enseignement du thème « la terre dans l’univers, la vie et l’évolution du vivant », nous avons choisi la biodiversité comme concept clé de toutes les activités traitées en classe. Nous avons donc proposé aux élèves de trois classes de secondes de construire une frise chronologique sur la biodiversité à travers le temps. La frise chronologique vierge a été remplie par 47élèves. L’objectif étant de montrer aux élèves que la biodiversité ne ressemble pas à celle observée aujourd’hui. L’analyse de leurs réponses nous permet de revenir sur l’utilité et les limite de l’usage de cette frise.

Méthodes : Durant la 1ère séance, les élèves échangent, d’abord, des idées concernant les écosystèmes et les espèces du film Jurassik park III. Ensuite ils enchainent par la comparaison de la biodiversité actuelle et la biodiversité passée. Enfin ils mènent un travail de recherche sur le site du CNRS dans le dossier traitant l’évolution de la biodiversité. Chaque binôme prend des notes sur la biodiversité, l’environnement, ou l’âge des espèces durant les périodes retenues. Durant la 2ème séance, les élèves exposent leurs modèles de frises. Le modèle choisi est amélioré et proposé aux élèves pour le remplir en se basant sur les notes prises lors de la séance précédente.

Résultats préliminaires :

  • Difficultés des élèves d’associer le temps et l’espace au concept de la biodiversité ;
  • Les écosystèmes mobilisés dans les différentes ères sont semblables ;
  • Le temps profond est difficile à gérer par les élèves(linéarité) ;
  • L’utilisation des ressources nombreuses nécessitent un accompagnent.