Né dans les années 1970 à New York, le hip-hop est un mouvement artistique et culturel qui s’est diffusé de manière large dans le monde, jusqu’à devenir l’exemple par excellence d’une culture « globale ». Au fil de sa circulation, le hip-hop a souvent manifesté un ancrage fort dans les espaces urbains locaux, et particulièrement dans les zones périphériques des grandes métropoles contemporaines (Aterianus-Owanga et Guillard, 2022). Aux Etats-Unis, en particulier, les morceaux de rap ont longtemps été présenté comme une « forme d’expression culturelle noire qui donne la parole en priorité aux voix noires des marges de l’Amérique urbaine » (Rose, 1994). Or, cette relation entre le hip-hop et les espaces urbain se voit transformée aujourd’hui dans un nouveau contexte : celui de la patrimonialisation et de la mise en tourisme de ce mouvement. Cette situation est particulièrement prégnante dans la ville d’origine du hip-hop : New York.
Depuis une décennie, la ville de New York a en effet vu l’émergence d’expositions, de circuits touristiques, de lieux d’hospitalité et d’infrastructures culturelles qui mettent en lumière l’histoire du hip-hop, en même temps que le rôle qu’il a joué dans différents espaces urbains. Prenant place dans une métropole où le tourisme constitue un secteur économique central, ces initiatives y jouent un rôle particulier : localisées dans des quartiers périphériques (le Bronx et Harlem), et mettant l’accent sur la contribution de populations longtemps marginalisées dans l’imaginaire dominant de la ville, elles font écho une volonté de certains acteurs politiques locaux de montrer New York autrement aux touristes, en les incitant à sortir de Manhattan et à s’aventurer « hors des sentiers battus » (Gravari-Barbas et Delaplace, 2015).
Pourtant, le contexte urbain dans lequel elles prennent place amènent à s’interroger sur ce grand récit. Si le Bronx et Harlem ont longtemps été associés aux classes populaires noires et hispaniques, la patrimonialisation et la mise en tourisme du hip-hop se fait à un moment où ces quartiers subissent de profondes évolutions sociales, sous l’effet d’un double phénomène de métropolisation et de gentrification. Dans ce contexte, quelle place occupent vraiment ces initiatives dans les espaces dans lesquels elles s’inscrivent ? Sont-elles un moyen de revaloriser les habitants historiques de quartiers périphériques, permettant de promouvoir un récit contre-hégémonique sur la métropole touristique (Boukhris, 2016) ? Ou participent-elles au contraire à accompagner un changement d’image de ces espaces, favorisant leur appropriation par de nouvelles catégories de population ?
Ce projet vise à répondre à ces questions à partir d’enquêtes menées à New York, combinant observations des principales initiatives patrimoniales et touristiques, entretiens avec les acteurs impliqués dans leur production et leur promotion, et analyse documentaire sur la conception et la promotion de ces projets.
