La Baie de Somme

Cette vaste étendue estuarienne est soumise à un régime tidal important (marnage de 9-10m ; vitesse des courants 2 m/s) où domine le flôt. En effet, celui-ci est plus rapide que le jusant, cette dissymétrie des courants de marée expliquant en grande partie le colmatage de la Baie de Somme. A chaque marée, une quantité importante de sédiments reste piégée préférentiellement sur la rive Sud du fait de la morphologie de la Baie et de la faiblesse des courants de jusant.

L’entrée de la Baie est soumise à un fort hydrodynamisme responsable de la formation de mégarides sableuses. Cette zone d'estran sableux est incisée par des "passes" (chenaux de marées) divagantes qui se prolongent vers le fond de la Baie et où s'engouffrent les courants de flot et de jusant. En direction du large s ’étend un prisme sédimentaire d’une largeur maximum de 20km et d’une dizaine de mètres d’épaisseur composé de sable fin qui constitue le delta externe de la baie. Ce sont ces matériaux dont le flot entraîne une partie dans la baie. Entre la Maye et le Crotoy, la côte exposée aux houles issues de l’Ouest est engraissée par la migration et l’accolement de barres de tempête bioclastiques (débris de coquilles). En zone abritée (principalement en arrière du poulier du Hourdel et en fond de Baie) la sédimentation est plus vaseuse. Ces sédiments anoxiques sont riches en matière organique. Sur ces dépôts fins, se développe rapidement une végétation pionnière (Obione) dont les systèmes racinaires stabilisent le substratum. Le schorre, zone située au dessus du niveau moyen des pleines mers où les végétaux sont bien implantés, est parcouru par des chenaux de marée fixes; la slikke est une zone plus instable, vaseuse et colonisée par quelques végétaux supérieurs (Salicorne).

Une campagne de mesures en nature, comportant notamment des levés topographiques actualisés et précis, a été poursuivie à partir de 1992 sous l'égide du Conseil Général de la Somme; ses résultats ont permis de construire un modèle analogique de la baie sur lequel ont pu être reproduits les phénomènes hydrauliques et sédimentaires et prévues les grandes tendances évolutives
La surface marine de la baie ne cesse de diminuer depuis les temps historiques. Ce processus inexorable de colmatage, accéléré par la construction de digues successives (renclôtures), diminue les surfaces favorables aux développement des coquillages, source de revenu importante pour les habitants, et rend de plus en plus délicat l’accès aux ports.

 

Si l’accès au port de Saint Valéry est encore acceptable, grâce à de nombreux travaux d’endigage fixant le chenal de la Somme depuis le siècle dernier, il n’en est pas de même pour le port du Crotoy dont le chenal se réhausse au point de ne plus permettre le passage des embarcations que pendant un court laps de temps à marée haute. La construction d’un bassin de rétention a fourni une solution par l’effet de chasse qu’il produisait à marée basse. Ce bassin a été entretenu jusqu’à nos jours par des curages successifs. Quant au port du Hourdel, établi à l’entrée de la baie pour raccourcir la voie d’accès et minimiser les impacts de l’ensablement, la progression du poulier, la déviation du chenal, l’extension des mollières et le colmatage vaseux rendent également problématique son exploitation.



L’exhaussement des fonds est en moyenne de 2,3 cm/an depuis 1963. Il accompagne la régression du delta de marée à l’entrée de la baie. A partir de la cote marine +9 m, les fonds sont colonisés par les végétaux du schorre ( mollières) qui occupait déjà une surface de 18 km2 en 1995; l’extension des mollières est très rapide: elles s’étendent entre Le Crotoy et St Valery, en rive sud entre Cap Hornu et Le Hourdel et s’installent actuellement au Sud de la Maye et au Nord du Crotoy. L’emprise des mollières progresseraient de 15 à 16 ha par an, principalement entre Le Crotoy et St Valery. En 2013, la surface de celles-ci devrait s’étendre de près de 300 ha supplémentaires et ainsi couvrir près de 40 % de la surface totale de la baie. L’accès aux ports du Crotoy et de St Valery serait maintenu grâce à l’effet positif des lâchers d’eau et des ouvrages de guidage. L’accès au Hourdel deviendrait problématique par avancée du poulier et installation des bancs de sables en rive droite de son chenal: la construction d’un bassin de chasse a été proposée. L’ensemble des propositions d’aménagement a été adopté par le Conseil Général de la Somme. Une partie des travaux a déjà été réalisée; la somme à y consacrer avait été évaluée à 250 millions de francs en 1996. 



Jacques Beauchamp


Le Crotoy vu de la pointe du Hourdel à marée basse

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