Axe structurant « du gêne au paysage impacts des nouveaux systèmes de production »
Cet axe structurant, qui s’inscrit dans la continuité des recherches menées jusqu’ici sur les agrosystèmes et les écosystèmes forestiers, se décline en un programme de recherche fondamentale (« du gène au paysage ») couplé à un programme de recherche appliquée (« impact des nouveaux systèmes de production »). Il est fortement ancré dans la thématique du Pôle de compétitivité « Industries et Agro-ressources » (IAR) présent en région et vise une approche intégrative et multiscalaire des systèmes de production.
Dans le programme de recherche appliquée de l’axe, nous mettons à profit la pluridisciplinarité de l’unité pour implémenter des analyses multi-critères des impacts à court, moyen et long termes des nouveaux systèmes de production, afin d’en apprécier la durabilité. Ceci inclut les impacts écologiques (biodiversité à différents niveaux trophiques, flux d’énergie, cycles biogéochimiques) et sociétaux (représentations sociales, perception des changements, acceptabilité). A moyen terme, ce programme vise également à valoriser les recherches fondamentales explicitées ci-dessus, dans le contexte d’une intensification écologique des systèmes de production et, notamment, de l’agriculture, la question fondamentale étant comment construire une agriculture (et une sylviculture) durable pour nourrir bientôt 9 milliards d’êtres humains, leur fournir énergie et biomatériaux, tout en préservant notre environnement et les ressources naturelles ? Autrement dit, nous nous inspirons inspirons du fonctionnement complexe des écosystèmes « naturels » -l’idée n’est pas neuve, c’est la manière de l’aborder qui est innovante- pour contribuer à la conception et à la mise en œuvre d’une agriculture/sylviculture productive et durable, plus économe en intrants et moins nocive pour l’environnement, améliorer l’adéquation entre variétés cultivées et terrains de culture, mettre au point de nouvelles techniques de lutte contre les ravageurs. Pour le contrat quadriennal 2012-2016, nous poursuivrons les travaux déjà entrepris, tout en explorant de nouvelles pistes ; les systèmes étudiés devraient être les suivant :
- cultures à vocation bioénergétique (Miscanthus, Panicum, Sorgho, Populus, Salix), projet qui sera développé en étroite collaboration avec l’INRA d’Estrées-Mons (unité Agro-Impact). En effet, l’irruption, dans le paysage agricole européen, des cultures à vocation bioénergétique, vient considérablement changer la donne et, vraisemblablement, bouleverser les processus spatio-temporels de maintenance de la biodiversité –et donc, de fonctionnement de l’agrosystème–, ne serait-ce que du fait du caractère pérenne de nombre de ces cultures. Pour ces dernières, l’impact sur la biodiversité est très mal connu. Si pour les cultures annuelles (e.g., triticale, sorgho), il faut s’attendre à des effets similaires à ceux des cultures céréalières à vocation alimentaire, il n’en est certainement pas de même pour les autres. Or, les cultures de graminées pérennes en C4 (e.g. Miscanthus, Panicum) n’ont fait l’objet de quasiment aucune étude scientifique de leur impact sur la biodiversité, en particulier végétale. Parce que les cultures à vocation bioénergétique sont amenées à se développer dans un très proche avenir, il est urgent d’améliorer nos connaissances sur les effets à court, moyen et long terme de l’implantation de nouvelles cultures et/ou de modifications des pratiques agricoles, sur la dynamique de la diversité végétale, à l’instar de ce qui a déjà été fait dans d’autres pays. C’est sur ces espèces pérennes, en particulier le Miscanthus, que nous souhaitons mettre l’accent, en étudiant les relations entre la plante cultivée et son métabolisme carbone/azote d’une part, et, d’autre part, la diversité végétale exprimée et potentielle, la diversité fonctionnelle d’un réseau trophique modèle (populations aphidiennes et leurs entomofaunes parasitoïde et prédatrice associées) et ses liens avec les ennemis naturels des cultures menées au sein du même territoire. Les risques écologiques à type d’invasion biologique, non négligeable a priori pour les plantes en C4 qui sont introduites (plante cultivée, comme le Miscanthus, et ses adventices, comme les Echinochloa, par exemple), pourront aussi être évalués.
- cultures en semis direct sous couvert végétal (SDSCV). Les techniques de SDSCV ont été proposées comme moyen pour intensifier, à coût écologique réduit, les productions végétales, en augmentant la durée annuelle de photosynthèse (comparativement aux systèmes de culture présentant de nombreuses périodes de sol nu, improductives) et en améliorant la qualité des sols. L’accélération des cycles biogéochimiques du C, N, S, P, la mise en place de nouveaux réseaux d’interactions multiples et l’explosion de la biodiversité fonctionnelle du sol qui en résultent, améliorent par retour, les fonctionnalités de l’écosystème pris dans sa globalité. A court et moyen termes, nous souhaitons nous orienter vers l’analyse des conséquences fonctionnelles du nouvel environnement créé par cette technique, notamment en étudiant les réponses adaptatives de variétés anciennes et modernes de blé, évaluées pour leur efficience d’utilisation de l’azote et en testant expérimentalement la culture de différentes espèces de légumineuses d’interculture (en remplacement des engrais azotés). L’impact de ces systèmes de production sur la biodiversité fonctionnelle végétale (flore adventice, incluant les bryophytes) et animale (insectes ravageurs et parasitoïdes) pourra être appréhendé grâce aux compétences présentes dans l’unité. Une attention particulière sera portée aux phénomènes d’allélopathie.
- aménagements écologiques (haies, bandes enherbées) en territoires de grandes cultures. Les territoires dédiés aux grandes cultures sont dominés par des paysages de champs ouverts (openfield), qui sont parmi les plus artificialisés qui soient. D’un point de vue écologique, les territoires de grandes cultures représentent un paysage insolite : une mosaïque fluide d’écosystèmes artificiels (champs cultivés ou « agrosystèmes »), entrecoupée de rare éléments linéaires (haies, talus, chemins) ou ponctuels (bosquets, jachère) fortement anthropisés. L’agrosystème est un écosystème artificiel (créé par l’homme), fluctuant (rotation des cultures), fortement contraignant (travail du sol, utilisation de pesticides), productif (engrais, amendements) et hyper-dominé par une unique espèce (plante cultivée) ; la biodiversité y est extrêmement réduite et tributaire des pratiques humaines, locales et régionales. De plus, l’agrosystème est un système très dynamique, où les pratiques changent très rapidement. Si les agrosystèmes représentent l’élément dominant du paysage en territoire de grande culture, ils ne sont pas ceux hébergeant la grande biodiversité, les autres éléments linéaires et ponctuels cités plus haut jouant souvent le rôle de refuge pour de nombreuses espèces animales et végétales. Ils entretiennent d’ailleurs des relations fonctionnelles étroites avec les agrosystèmes adjacents. Du fait de ces interactions très fortes entre champs et habitats annexes, la compréhension de la dynamique spatio-temporelle de la biodiversité passe nécessairement par une approche territoriale et paysagère. De plus, la « fluidité » de la mosaïque paysagère impose de prendre en compte les dimensions spatiales et temporelles de la dynamique des populations (et des communautés) de manière explicite, tout en incorporant l’hétérogénéité et la stochasticité environnementales. Enfin, nous souhaitons implémenter une approche fonctionnelle intégrée de la biodiversité des agrosystèmes et des territoires agricoles, ce qui requiert de prendre en compte les différents niveaux trophiques de l’agrosystème pouvant interagir (par exemple, les interactions entre les espèces de Rumex susceptibles de coloniser les bandes enherbées et les insectes ravageurs que ces plantes peuvent héberger).
Cet axe structurant conduit par l’Unité Edysan, définitivement intégratif, systémique et multiscalaire, sera scientifiquement alimenté par les résultats obtenus dans des projets de recherche plus ciblés, conduits en interaction au niveau des différents laboratoires internes. Pour des questions pratiques et de cohérence scientifique, ces projets sont rassemblés sous quatre thèmes opérationnels, qui pourront être eux-mêmes alimentés par les résultats obtenus au niveau de l’axe structurant (feed back).
Thème de recherche 1 : Dynamique des interactions sociétés-écosystèmes : impact des activités humaines sur la biodiversité végétale en environnement changeant
Il s’agit principalement d’analyser les conséquences de certaines activités humaines altérant directement (e.g., gestion forestière, drainage, défrichement) ou indirectement (e.g., invasions biologiques, réchauffement climatique, eutrophisation) la dynamique des écosystèmes sur la biodiversité des communautés végétales. Cet axe s’appuie sur un savoir-faire reconnu de l’unité DYSAN. Pour le contrat quadriennal 2012-2015, nous projetons de :
- Poursuivre notre programme dédié à la dynamique des métacommunautésforestières dans le contexte de l’analyse des conséquences de la fragmentation forestière et du changement d’usage des terres (projets METAFOR et METAFOR 2). En particulier, nous orienterons nos travaux vers la propagation des espèces en espace hétérogène, avec un accent particulier sur les modes de dispersion à longue distance non conventionnels (projets METAFOR 2 et ADVENTICE). Nous poursuivrons nos efforts de modélisation de la dynamique des métapopulations et des métacommunautés (projet HDI), afin d’élaborer des outils utiles à la conception et à la réalisation de corridors écologiques (trames vertes et bleues de la loi Grenelle de l’environnement) ;
- Appliquer ces approches macroécologiques aux espaces agricoles, en vue d’appréhender la dynamique de la biodiversité à l’échelle d’un territoire changeant avec, comme objectif appliqué, de concevoir des pratiques et des aménagements plus respectueux de la biodiversité (projet ADVENTICE) ;
- Continuer nos travaux sur l’impactdu réchauffement climatiquesur la dynamique des communautés, en particulier au niveau du biome forestier tempéré d’Europe dans le cadre du réseau FLEUR. Nous souhaitons poursuivre le développement d’un programme pluridisciplinaire et intégratif sur les impacts de la montée du niveau de la mer sur les communautés végétales de la baie de Somme et les activités économiques qui y sont associées (projet LittAgro) ;
- Explorer de nouvelles approches d’écologiefonctionnelle des interactions entre espèces invasives et écosystèmes envahis, en reprenant le modèle Prunus serotina, déjà bien maîtrisé par l’unité, mais qui pourrait être encore plus approfondi grâce aux compétences apportées par les laboratoires AEB (métabolisme de l’azote) et BIPE (relations avec les insectes ravageurs). Un second modèle d’espèce ligneuse invasive, Prosopis spp., pourrait être exploré dans le cadre de collaborations internationales avec Djibouti et l’Afrique du Sud.
Thème de recherche 2 : Ecophysiologie et écologie fonctionnelle de la réponse des plantes et des communautés végétales aux contraintes environnementales (perturbations, stress)
Ce thème s’inscrit dans la continuité de la thématique développée par le laboratoire AEB dans le cadre du précédent quadriennal. En cette période de prise en compte des problèmes environnementaux majeurs induits par l’intensification de la production agricole et l’utilisation des ressources fossiles, de nombreuses approches nouvelles sont développées et évaluées. Les alternatives aux pratiques actuelles résident dans la diversification des productions (par exemple des cultures nouvelles à vocation bioénergétique) et la modification des pratiques culturales (comme par exemple le semis direct, semis direct sous couvert ou plus simplement les conduites en intrants sub-optimaux). Ces changements majeurs dans la structuration et le fonctionnement des agrosystèmes induisent de nouvelles relations génotypes/milieux, qui doivent être étudiées et caractérisées scientifiquement afin d’ajuster, d’une part ces pratiques nouvelles aux exigences des espèces cultivées, et, d’autre part, d’établir les bases physiologiques de l’adaptation génotypique à ces nouvelles conditions de culture. Pour le contrat quadriennal 2012-2015, nous souhaitons donc nous focaliser sur les deux points suivants :
- La caractérisation écophysiologique et physiologique de nouvelles espèces cultivées pérennes peu connues, comme le Miscanthus. Cette caractérisation visera principalement à étudier le comportement de la plante vis-à-vis de l’azote, premier facteur d’intensification des agrosystèmes, mais pourra être élargie à l’étude des relations entre métabolisme azoté et carboné, ainsi qu’à des bilans globaux des cycles élémentaires.
- L’étude de la réponse de plantes cultivées (blé, maïs,..) à la mise en œuvre de pratiques culturales nouvelles (semis direct sous couvert végétal), qui sont susceptibles de modifier de façon importante l’environnement abiotique (matière organique, azote et structure du sol,,) et biotique (nouvelles flore et faune), au sein d’un même pédoclimat, et, donc, d’induire des contraintes nouvelles auxquels les plantes devront s’adapter. En particulier, nous étudierons, là encore, l’implication du métabolisme azoté dans cette réponse, mais nous suivrons également l’implication d’autres gènes de réponse à des contraintes environnementales diverses (hydriques, biotiques, mécaniques…).
Bien entendu, pour atteindre nos objectifs, nous continuerons à nous appuyer sur les approches intégratives larges (incluant des travaux sur des espèces modèles cultivées, comme la pomme de terre, et non cultivées, comme Arabidopsis thaliana), qui font l’originalité et la spécificité de notre groupe. Dans un contexte plus appliqué, les résultats pourront aussi être déclinés au niveau de l’adéquation méthode culturale/protection des cultures ou au niveau de l’orientation de la sélection variétale. Notre expertise dans ces approches intégratives au niveau de la plante entière se trouvera désormais enrichie par des possibilités d’approches au niveau de la communauté et de l’écosystème, grâce aux compétences apportées par les groupes GEP et BIPE.
Thème de recherche 3 : Ecophysiologie et écologie évolutive des interactions hôte – parasite (plante-insecte phytophage et insecte hôte-parasitoïde)
Ce thème s’inscrit dans la continuité de la thématique précédemment développée par le laboratoire BIPE. Notre modèle d’étude est l’insecte et notre approche éco-physiologique porte sur les interactions virulence – résistance entre, d’une part, les insectes phytophages et leur plante hôte, et, d’autre part, les parasitoïdes et leur insecte hôte. Au plan fonctionnel, plusieurs mécanismes et agents moléculaires impliquées dans : i) la virulence des pucerons vis-à-vis de leur plante hôte, ii) la réponse de celle-ci à l’attaque du ravageur, iii) la virulence des parasitoïdes larvaires vis-à-vis de leur insecte hôte, et iv) la défense immunitaire des insectes parasités, ont été caractérisés. Plusieurs molécules protéiques de la virulence ou de la résistance ont été séquencées et certains gènes codants identifiés et clonés. L’effort engagé dans cette approche fonctionnelle sera poursuivi. L’un des objectifs du contrat quadriennal 2012-2015 sera de chercher à valoriser ces résultats par le développement de molécules d’intérêt agronomique pour le contrôle des insectes ravageurs (molécules à partir de venin d’hyménoptère ou de coproduits de l’industrie de la pomme de terre) et de leur rôle dans la vection de virus (formulation à base d’huile végétale). Notre approche populationnelle et évolutive des systèmes hôte-parasite s’appuie sur des études comparatives aux niveaux intra- et interspécifiques, notamment en termes de résistance et de virulence de l’un et l’autre des partenaires, et de leurs traits d’histoire de vie. L’étude de l’influence de facteurs environnementaux tels que la nature des intrants (agrosystèmes) et l’augmentation de la température sera poursuivie. Les compétences scientifiques des autres laboratoires de l’Unité permettront d’intégrer les dimensions « structure paysagère » et « méthodes culturales » dans l’analyse des conditions du maintien des populations d’insectes, tant des ravageurs que de leurs auxiliaires. Nos recherches pourront contribuer au développement de stratégies alternatives limitant les intrants de pesticides, pour une gestion plus respectueuse et durable des agro- et écosystèmes.
Thème de recherche 4 : Ecologie historique et géoarchéologie des interactions homme-écosystèmes-paysages (axe commun avec l’Unité EA 4284 TRAME)
Cet axe, qui était déjà partagé au cours du précédent contrat quadriennal, repose sur la plus-value des approches développées par les deux unités. L’unité EDYSAN apporte, d’une part, ses compétences techniques en identification botanique, en analyse des rapports isotopiques (d15N, d13C), en marquage génétique de populations végétales (microsatellites), en dendrochronologie, en analyse microstructurale des sols, en SIG, en analyse sédimentologique et chrono-stratigraphique, en analyse du magnétisme du fer des sols et, d’autre part, ses compétences scientifiques en matière d’anthropisation des sols et de la végétation, en taxonomie, ethnobotanique, géomorphologie, géoarchéologie et hydrologie. De son côté, le laboratoire d’archéologie de l’Unité TRAME apporte également des compétences techniques (datation, carpologie, archéozoologie, archéologie extensive, etc.) et scientifiques (interprétation des données archéologiques, lecture du paysage, approche intégrée d’un territoire, etc.). L’archéologie, en étudiant les civilisations du passé et leurs rapports à leur environnement, nous renseigne sur la manière dont elles ont exploité les écosystèmes et aménagé les paysages et, donc, sur les origines de ce dont nous avons hérité. Certaines de ces civilisations ont provoqué des crises écologiques et économiques majeures, au point de provoquer leur effondrement ; d’autres au contraire ont su enrayer ces crises de manière durable. Dans les deux cas, nous avons des leçons à tirer de ce passé des interactions homme-écosystèmes-paysages ; c’est le rationnel des recherches conduites sous ce thème, qui visent à comprendre les effets à long terme des activités humaines du passé (incluant l’aménagement de l’espace, les pratiques agricoles, pastorales et sylvicoles, l’exploitation des ressources) sur la biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes et la structure des paysages. Les périodes historiques couvertes s’étalent de l’Antiquité à nos jours ; l’échelle spatiale d’appréhension est en général celle du bassin versant.