LA DETERIORATION DES CANALISATIONS

par

ERIC VRIGNAUD (*)


Les premiers mots auxquels nous pensons sont bien entendu « corrosion et dégradation » pour parler de la détérioration des canalisations. Il n’est pas toujours facile de différencier la corrosion de la dégradation par abus de langage. Cependant, le terme de corrosion est réservé au métaux alors que le terme de dégradation est lié aux autres matières tels que les plastiques, les bétons et aux différents effets mécaniques que peuvent subir les canalisations. Dans cette partie nous allons montrer que les milieux tels que le sol, l’eau et les micro-organismes qui sont en relation avec une canalisation ne sont pas aussi inoffensifs que nous pourrions le croire. Leurs mécanismes d’actions peuvent être influencés par différent facteurs que nous étudierons dans un second temps.


1 LES AGENTS.

1.1 Le sol.

Le sol qui contient les canalisations n’est pas neutre vis à vis de celles-ci. Nous montrerons tout d’abord sa corrosivité et les mécanismes qu’il met en place.

1.1.1 Agressivité du sol.

La corrosivité des sols peut-être évaluer par des études topographiques et géologiques.

En effet, on peut déterminer les indices généraux de corrosivité à l’aide de carte détaillées. Ainsi l’étude des reliefs du sol permet de définir les points hauts qui sont plutôt secs et aérés, donc peu corrosifs et les points bas qui sont humides et désaérés, donc susceptible d’avoir une corrosion plus élevée. De plus, la présence de zones humides, cours d’eau, des mares, marécages, lacs, tourbières, estuaires, polders, marais et terrains salins, va aussi être identifiée et permettra d’évaluer la corrosivité naturelle du milieu.

L’étude de cartes géologiques permettra de définir la corrosivité naturelle de la texture du sol .

Sol à faible risque

sol à risque très élevé

De plus, les caractéristiques hydrogéologiques d’un sol peuvent être un facteur aggravant de la corrosivité d’un terrain. En effet, le taux d’humidité joue un rôle important sur le processus de corrosion par son incidence sur l’aération d’un sol et sur la résistivité du sol. Par ailleurs, les terrains aquifères présentent une corrosivité importante naturellement. Mais celle-ci s’accentue, s’ils drainent des terrains voisins présentant des substances minérales solubles ( chlorure de sodium, sulfate de calcium, etc.).

Le degré d’aération d’un sol est un autre facteur à prendre en considération. Il est indiqué par le potentiel Redox. Un faible potentiel Redox caractérise des conditions propices à la corrosion bactérienne anaérobie.

L’étude de la résistivité du sol peut nous renseigner sur sa propriété d’électrolyte. Cette propriété pourra favoriser ou non le développement de mécanisme de corrosion. Nous pouvons évaluer la corrosivité du sol en fonction de sa résistivité . Nous constatons que l’agressivité du sol diminue avec l’augmentation de la résistivité.

En résumé, le caractère corrosif des sols est dépendant des paramètres suivants :

Nous pouvons dire par exemple, qu’un sol acide, humide, peu aéré et dont la conductibilité est bonne (conductivité > 0.2 S.m-1 (Siemens par mètre)) est très agressif.

Ces propriétés naturelles de corrosion mettent en place des phénomènes bien précis et sont supplées par des effets mécaniques qui contribuent à la détérioration des canalisations.

1.1.2 Les mécanismes de corrosion.

Nous pouvons distinguer deux mécanismes de corrosion du sol en ce qui concernent les canalisations métalliques.

* · La corrosion électrochimique.

La corrosion d’un métal dans un sol résulte de l’activité de piles d’où le terme de « pile de corrosion ». Elles se forment à la surface du métal et elles correspondent donc à un système d’oxydo - réduction.

Selon la nature des sols, nous pourrons distinguer des réactions cathodiques différentes.

Les réductions du proton H+ ou de l’eau se produiront de préférence dans des sols très acides ou dans des sols neutres privées d’oxygène.

La réduction de l’eau : 2 H2O + 2 e- -------> 2 OH- + H2 (g)

la réduction du proton H+ : 2 H+ + 2 e- -------> H2 (g)

Par contre dans un sol oxygéné, nous aurons la réduction de l’oxygène. C’est le cas le plus rencontré.

½ O2 + H2O + 2 e- --------> 2 OH-

La présence d’oxygène à la surface du métal dépend de la structure du sol : son épaisseur, sa porosité, son humidité et plus particulièrement son taux de saturation.

La réaction anodique se limite à la réaction suivante :

Fe --------> Fe2+ + 2 e-

De plus, lorsqu’une canalisation traverse des sols de nature différente, le potentiel d’équilibre du métal avec chacun de ces milieux peut être différent. Ceci entraîne la formation d’une pile car il y a mise en place d’une zone anodique et d’une zone cathodique.

La différence de potentiel d’équilibre entre l’acier enfoui dans le sable et l’acier enfoui dans l’argile est environ de 0,3V. La partie de la conduite située dans l’argile est anodique et sera donc corrodée par rapport à celle placée dans le sable. On peut distinguer deux types de corrosion selon la localisation des réactions anodiques et cathodiques : une corrosion dite absolue et une corrosion dite relative.

La corrosion absolue serait due à des micropiles de corrosion dans lesquels les zones anodiques et cathodiques sont très petites et très proches les unes des autres. La corrosion se caractérise par un phénomène régulier et uniforme. Elle peut être considérée comme peu dangereuse à court terme.

Par contre la corrosion relative est due à des macropiles de corrosion. Elle est plus préoccupante car elle peut provoquer une perforation des canalisations. Elle est caractérisée par des zones anodiques et cathodiques ayant des dimensions de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres. Les macropiles sont surtout liées à l’hétérogénéité de la composition du sol et à l’aération différentielle. Ces deux phénomènes sont dépendants l’un de l’autre.

Comme nous l’avons dit précédemment, la nature du sol agit sur la concentration en oxygène du sol. La variation de ce taux, le long d’une canalisation provoque la formation des macropiles. Ainsi, les secteurs les plus aérés fonctionnent comme des cathodes vis à vis de ceux qui le sont moins qui deviennent des anodes. Ceci est remarqué lors de la présence dans un sol sableux d’une masse argileuse (zone imperméable) au contact de la conduite, ou d’un passage d’une conduite d’un sol relativement sec à un sol humide, d’une différence de la profondeur de pose, ou encore de nappes. Tous ces phénomènes peuvent faire varier la concentration de l’oxygène au contact de la canalisation.

* · La corrosion par électrolyse.

Cette corrosion est due à des courants dont l’origine est extérieure à la structure. Cette situation se rencontre lorsqu’une structure enterrée se trouve placée dans un champ électrique créé par des courants continus circulant dans le sol qui sont dérivés par la canalisation. Les zones où le courant entre dans la canalisation sont le siège de réactions cathodiques, tandis que les zones où le courant quitte la canalisation vers le sol sont le siège de réactions anodiques entraînant la dissolution par électrolyse. Les sources classiques de courants continus dits « courants vagabonds » sont les lignes de chemin de fer électrifiées, les lignes tramways, les conduites de gaz.

1.1.3 Les effets mécaniques du sol.

Nous ne parlerons plus de corrosion pour ce cas mais plutôt de dégradation. En faite, ils correspondent au mouvement de terrain qui peuvent se produire de façon naturelle ou par l’activité de l’homme. Le sol entourant une canalisation installe des forces sur cette conduite.

Exemples :

¨ le gonflement et retrait des argiles raides ( Etude Inter-Agences,1988)

Certaines argiles et marnes raides mises en présence d’eau ont tendance à gonfler en absorbant l’eau. Ce gonflement peut exercer de fortes pressions sur la canalisation, elles peuvent être suffisamment importantes pour la déformer et occasionner des fissures. Par contre, si les argiles perdent l’eau par dessiccation par exemple, il y a un phénomène de retrait qui se produit. Ainsi, lorsqu’une canalisation se trouve dans une argile soumise à des cycles de « gonflement - tassement » par suite des fluctuations de la présence d’eau, elle peut subir un désordre important.

De même, l’alternance de roches stables et de zones compressibles comme de la tourbière, peut provoquer un cisaillement de la canalisation par tassement du sol non stabilisé.

¨ affaissements et effondrements.

L’existence d’un vide souterrain peut entraîner des mouvements dans le sol sous-jacent et des efforts (cisaillement, flexion) sur la canalisation qu’il renferme. Nous pouvons distinguer deux types de phénomènes :

· les affaissements progressifs entraînant des mises en compression ou en traction des tronçons successifs d’une canalisation. Le déplacement du sol peut être dû au mouvement de l’eau du sol ;

· les effondrements brutaux localisés par formation de cavités soit naturelles (cavité de dissolution), soit artificielles (tunnels, mines).

1.2 L’eau.

Il existe des interactions « eau - conduite » qui peuvent induire une corrosion ou une dégradation à l’intérieur des canalisations. Nous étudierons les différents types d’eau et les différentes corrosions et dégradations pouvant être rencontrées.

1.2.1 LES EAU AGRESSIVES OU CORROSIVES.

Les eaux véhiculées dans les réseaux peuvent présenter des caractéristiques physico-chimiques très différentes. Elles permettent de différencier les eaux. Nous pouvons considérer deux catégories selon la nature des canalisations. (Pont-A-Mousson, 1995)

· les eaux corrosives pouvant attaquer le métal non revêtu ;

A l’intérieur de ces eaux corrosives, nous pouvons distinguer les eaux qui sont incrustantes ou agressives. Les eaux incrustantes sont des eaux très minéralisées qui laissent un dépôt de calcium et de carbonate provoquant l’entartrage des conduites. Les eaux agressives sont peu minéralisées ; elles sont plus corrosives que les eaux incrustantes car elles ne favorisent pas la formation de dépôt protecteur.

Une eau corrosive est caractérisée par la production de l’hydroxyde ferreux, puis ferrique. Cela entraîne la formation de nodules, voire de tubercules pouvant à terme diminuer la section. Ce phénomène se rencontre dans les anciennes conduites sans cimentation intérieure. (Dorlot et al, 1986)

· les eaux agressives envers les matériaux à base de ciment.

Une eau agressive se définit comme ayant les propriétés d’attaquer les matériaux renfermant du calcium. Selon la minéralisation, le pH et la température de l’eau véhiculée, trois cas peuvent se présenter :

* une eau à l’équilibre calco-carbonique n’entraîne à une température donnée, ni attaque, ni précipitation de carbonate de calcium ;

* une eau incrustante (ou entartrante) a tendance à déposer des sels de calcium (carbonate) sur la paroi intérieure des canalisations ;

* une eau agressive peut attaquer certains éléments constitutifs du mortier de ciment comportant du calcium (silicates ou silico-aluminates de calcium).

Ces deux cas ne suffisent pas pour définir la détérioration liée à l’eau.

1.2.2. LA CORROSION DES MATERIAUX METALLIQUES

La corrosion électrochimique.

La corrosion interne des conduites métalliques non revêtues ou dont le revêtement s’est détérioré avec le temps obéit aussi à la théorie électrochimique qui repose sur la présence de piles de corrosion.

Le fer se corrode à l’anode comme on a pu le voir mais nous pouvons distinguer deux phénomènes à la cathode selon que le milieu est oxygéné ou désoxygéné.

· La corrosion par l’oxygène.

Lorsque la teneur en oxygène dissous est supérieur à 7 mg / l, et que la vitesse de l’eau dans la conduite est suffisante, la corrosion se traduit par l’oxydation du fer et la réduction de l’oxygène à la cathode.

Le fer divalent qui apparaît près de la paroi métallique, tend ensuite à s’éloigner et à s’oxyder à une vitesse qui varie beaucoup avec le pH de l’eau pour donner des particules d’hydroxyde ferrique Fe(OH)3 qui sont très peu solubles dans l’eau. Elles se déposeront autour de l’anode. Elles pourront former des tubercules qui s’opposeront à la diffusion de l’oxygène. Ceci donnera une corrosion perforante.

Par ailleurs, une eau peu oxygénée et agressive risque de prendre une coloration rouille au contact de l’air libre après soutirage. C’est le résultat d’une oxydation des ions ferreux Fe2+.

· le cas des eaux sans oxygène.

L’absence d’oxygène est une situation particulière que nous pouvons rencontrer dans les extrémités des réseaux où l’oxygène peut être consommé par les réactions de corrosion et les enduits biologiques (biofilm).

La corrosion sera moins intense. Mais elle se développera indéfiniment si les ions H+ ne deviennent pas limitant par une augmentation du pH et si le milieu ne se sature pas en ions Fe2+, ce qui favoriserait sa précipitation. Cette précipitation pourrait théoriquement arrêter la corrosion. En générale, le dépôt formé est entraîné par les eaux. L’eau chargée en Fe2+ est claire au soutirage mais se colore en rouge au contact de l’air libre du fait de l’oxydation des ions ferreux en ions ferriques.

Il existe une autre corrosion liée à la teneur en oxygène. Nous parlerons de corrosion par aération différentielle.

La corrosion par aération différentielle.

L’accumulation des dépôts divers (sédiments, biofilm) dans certaines parties du réseau contribue localement à la disparition de l’oxygène dissous. De même, aux points hauts de la canalisation , nous assistons à la formation de poches d’air. La présence de ces hétérogénéités permet d’expliquer les phénomènes de corrosion par aération différentielle. Les parties faiblement oxygénées sous les dépôts jouent le rôle d’anode et se corrodent, tandis que les zones mieux oxygénées serviront de cathodes et seront donc protégées.


1.2.3. LA DEGRADATION DES OUVRAGES EN BETON ET REVETEMENTS EN CIMENT

Dans le ciment, les agrégats sont maintenus solidaires grâce à des mélanges complexes de silicates de calcium et d’aluminium et de chaux libre Ca(OH)2 . Nous concevons l’influence néfaste des éléments agressifs qui auront tendance à déplacer l’équilibre de dissolution de la chaux, entraînant ainsi l’augmentation de la porosité du béton et la corrosion des armatures métalliques sous-jacentes.

Ca(OH)2 -----> Ca2+ + 2 OH-

Ainsi les eaux douces caractérisées par un excès de CO2 libre solubilise la chaux et transforme les silicates de calcium hydratés en silicates plus pauvres en oxyde de calcium jusqu'à obtenir un gel sans pouvoir liant. La vitesse de la dégradation augmente au cours du temps car la porosité du béton s’accroît.

Inversement, les eaux non agressives au carbonate de calcium auront tendance à former, dans les pores du matériau, au contact du ciment basique, un dépôt de carbonate de calcium.

L’emploi du mortier de ciment est aujourd’hui largement répandu comme revêtement intérieur des canalisations en acier et en fonte ductile. Si les mortiers utilisés sont à base de ciment de laitier qui est moins riche en chaux libre, ils seront moins sensibles aux eaux agressives.

Par ailleurs, les eaux usées contiennent des composés organiques (acides gras, esters, etc.). Ces composés sont susceptibles de réagir sur les ions Ca2+ en provenance du liant ou de l’eau transportée pour former des dépôts protégeant la paroi. Le comportement d’une paroi avec l’eau usée transportée est donc généralement satisfaisant, que l’eau soit agressive vis à vis du carbonate de calcium ou calcifiante.

De plus, la grande diversité des eaux usées ne permette pas de définir des mécanismes précis de corrosion. Le seule mécanisme qui est le plus souvent étudié, est celui des micro-organismes présents dans les canalisations des eaux usées.

1.3. Les micro-organismes.

La corrosion bactérienne est aussi appelé biocorrosion. C’est en 1923 que Von Wolzogen Kühr a démontré expérimentalement l’action des bactéries sulfato-réductrices dans la corrosion du fer en milieu anaérobie. De nombreux chercheurs ont essayé d’expliquer les mécanismes de la biocorrosion. Nous n’allons pas reprendre toutes les études, mais nous essaierons de voir les principaux mécanismes présentés. (Hasley et al, 1993)

1.3.1. LA CORROSION PAR AERATION DIFFERENTIELLE

Le mécanisme que nous avons vu pour le sol et l’eau peut être aussi dû aux micro-organismes. En effet, la consommation de l’oxygène résultant de l’activité métabolique microbienne engendre une différence de potentiel entre les surfaces du métal faiblement aérées sous la colonie et plus aérées autour. Ce type d’agression met en cause les bactéries appartenant aux genres Pseudomonas, Flavobacterium, Aerobacter Gallionella. Elles seraient à l’origine de corrosion par piqûre ou « pitting » en anglais pouvant aller jusqu'à la perforation de la canalisation.

Pour Videla en 1989, les effets anodiques de la corrosion microbienne sont dus à :

Les effets cathodiques pourraient provenir de :

Cependant, Crolet en 1992 parle lui du « mythe de l’aération différentielle ». Il aurait montrer que ce n’est pas la raison principale de la corrosion mais ce serait un processus d’initiation.

D’autres hypothèse ont été émises sur le sujet.

1.3.2. LA DEGRADATION PAR FORMATION D'ACIDES.

Les acides minéraux et organiques issus du métabolisme microbien peuvent jouer un rôle dans le processus de dégradation. De nombreuses bactéries sont susceptibles par fermentation ou par oxydation, de donner des métabolites acides.

¨ Les composés soufrés.

Il est difficile de dissocier l’action de l’hydrogène sulfuré et de l’acide sulfurique. Cependant nous pouvons attribuer une quantité substantielle d’acide sulfurique à l’activité de Thiobacillus. Ces micro-organismes, généralement autotrophes et acidophiles, tirent l’énergie nécessaire à la fixation du gaz carbonique ou à la dégradation des substrats organiques de l’oxydation du soufre de l’hydrogène sulfuré.

Ces bactéries sulfo-oxydantes pourrait avoir les réactions métaboliques suivantes :

H2S + 2 O2 -----> H2SO4

4 S + 6 O2 + 4 H2O -----> 4 H2SO4

2S + 3 O2 + 2 H2O -----> 2 H2SO4

D’autres bactéries comme les bactéries sulfato-réductrices en milieu anaérobie peuvent produire de l’hydrogène sulfuré qui est aussi corrosif.

Ces réactions sont surtout localisées aux sorties des conduites de refoulement. La dégradation que nous rencontrons est de deux sortes :

La chaux libre forme avec l’acide sulfurique ainsi formé du sulfate de calcium qui précipite. Les aluminates réagissent avec le sulfate de calcium pour former des complexes sulfo-aluminates fortement hydratés, cela provoque d’abord un gonflement, puis une expansion et finalement un éclatement du béton.

H2SO4 + Ca (OH)2 ------> CaSO4 .2 H2O (sulfate de calcium)

La dégradation du béton a lieu exclusivement dans la partie émergée du tuyau et de façon inégale. Cette répartition inégale de la dégradation est due à la présence de courant d’air dans les canalisations. (Le Goallec, 1994) Dans une canalisation d’eaux usées, il existe une différence de température entre l’eau et la paroi de la canalisation provoquant une circulation de l’air. Elle se caractérise par un mouvement descendant de l’air refroidi et par l’ascension de l’air plus chaud. (fig.9) Par conséquent, l’apport d’hydrogène sulfuré est plus intense à la crête du tuyau. Une autre cause de dégradation inégale du béton réside dans l’écoulement de la solution acide sur les parois alternativement immergées ou non.

Les canalisations en métal ne sont pas épargnées. Les réactions d’attaque sur le fer et sur certains de ces composés sont :

H2S + Fe -----> FeS + H2 (g)

H2S + FeCO3 -----> FeS + CO2 + H2O

H2S + Fe(OH)2 -----> FeS + 2 H2O

Le sulfure de fer ainsi formé est très réactif et va réagir avec l’oxygène pour donner de l’oxyde de fer, Fe3O4, qui se transformera en oxyde de fer rouge et redonnera de l’hydrogène sulfuré. On constate la formation d’un cycle sans fin tant qu’il y aura du fer.

6 FeS + O2 + 6 H2O ------> 2 Fe3O4 + 6 H2S

4 Fe3O4 + O2 + 18 H2O ------> 6 (Fe2O3,3H2O)

Remarques :

L’acier inoxydable présente une bonne résistance face à la corrosion par l’hydrogène sulfuré. Les composés en matière plastique tel que le polychlorure de vinyle (PVC), le polyéthylène (PE), sont largement employés en remplacement des matériaux conventionnels détruits par l’hydrogène sulfuré. Ils semblent inertes à l’hydrogène sulfuré.

¨ L’acide nitrique.

les bactéries nitrifiantes pourraient être aussi impliquées dans les phénomènes de biocorrosion. Car elles sont à l’origine de production d’acide nitrique.

1.3.3. LE CAS DES BACTERIES METHANOGENES.

Une étude tend à impliquer les bactéries méthanogènes dans les phénomènes de biocorrosion anaérobie des métaux ferreux. Combinant l’hydrogène moléculaire et le gaz carbonique pour produire du méthane, elles peuvent aussi utiliser le fer comme donneur d’électrons dans la réduction du CO2 en méthane. Ce mécanisme d’oxydation du fer est une dépolarisation cathodique dans laquelle les électrons issus du fer se combinent aux protons résultant de la dissociation de l’eau pour former de l’hydrogène directement utilisable par les bactéries méthanogènes.

1.3.4. LES FERROBACTERIES.

Les ferrobactéries tirent l’énergie nécessaire à leur synthèse de la transformation des sels ferreux en sels ferriques. Or, dans les canalisations en métal ferreux, il y a toujours formation en un point non protégé ou altéré de la surface d’une légère attaque du métal au contact de l’eau avec formation d’hydroxyde ferreux. Cet hydroxyde ferreux, dans des conditions normales, se transforme vite en hydroxyde ferrique et carbonate grâce à l’oxygène et au gaz carbonique dissous. En général, le phénomène s’arrête là. La présence de ferrobactéries au point d’attaque va entraîner la mobilisation des ions ferreux et leur transformation en sels ferriques et ceci rapidement tant que le milieu contiendra des ions ferreux. Il y a alors formation d’amas volumineux de « rouille » renfermant les corps bactériens suivie d’une dissolution ininterrompue du métal. (Chantereau, 1980)

1.3.5. LES ASSOCIATIONS BACTERIENNESs.

Mais ses amas de « rouille » peuvent être appelés aussi vésicules gélatineuses lorsqu‘ils sont à l’origine d’association avec les bactéries sulfato-réductrices. Ces dernières se trouvent dans la zone interne des vésicules alors que les ferrobactéries se répartissent dans la zone superficielle.

La présence des bactéries sulfato-réductrices s’explique par le fait que l’oxygène aura de plus en plus de difficulté à pénétrer vers l’intérieur de la vésicule établie par les ferrobactéries. Ce processus va alors créer dans la couche sous-jacente des conditions d’anaérobie stricte favorisant le développement des bactéries sulfato-réductrices. Elles réduiront les sulfates en hydrogène sulfuré.

A l’intérieur de cette vésicule, il pourra se produire deux sortes de réactions :

2 Fe(OH)3 + 3 H2S -----> 2 FeS + S + 6 H2O

Fe(OH)2 + H2S -----> FeS + 2 H2O

Ces réactions permettrons la continuation de la perforation des canalisations.


2. LES FACTEURS.

2.1 L’Hétérogénéité du métal.

La vitesse de la corrosion peut être fortement influencée par la composition du métal, si nous considérons généralement qu’un métal pur se corrode moins vite qu’un de ses alliages. Dans le cas des alliages fer - carbone, ceci n’est pas applicable, car la fonte présente une résistance à la corrosion plus élevée que les aciers doux. Mais pour des alliages incluant d’autres métaux (acier inoxydable Fe - Cr - C, fonte à graphite sphéroïdal avec l’addition de Mn, Cr ou Ni) ou en présence d’un autre métal, il peut apparaître des piles galvaniques.

De plus la présence d’un traitement thermique, par exemple présence de soudure, accélère la corrosion de la conduite. En effet, des attaques anodiques apparaissent le long du cordon de soudure et peuvent conduire au percement de la conduite.

2.2 L’influence du CO2.

La présence de gaz carbonique dans l’eau, en l’absence d’oxygène, a pour conséquence la formation d’ions H+, HCO3- et CO32-.

CO2 + H2O <------> H+ + HCO3 <- ------> 2 H+ + (CO3) 2-

L’apparition des ions H+ contribue à l’abaissement du pH, l’eau devient plus acide. Ces ions H+ forment une pompe à électrons et de ce fait, la corrosion est soit déclenchée, soit accélérée.

Dans le cas du fer et des aciers, les ions Fe2+ de la solution réagissent avec les ions HCO3- et CO32- pour donner du bicarbonate ferreux soluble et du carbonate ferreux qui, lorsque le produit de solubilité est atteint, précipitent à la surface de l’acier.

Fe2+ + 2 HCO3- ------> Fe(HCO3)2

Fe2+ + CO32- ------> FeCO3

L’attaque du fer par le gaz carbonique dissous devient négligeable pour des concentrations égales ou inférieures à 10-6 mol.l-1. Cette concentration limite est fonction du pH et du CO2 total.

En effet, nous avons dans les eaux naturelles différents éléments chimiques dissous, dont le plus fréquent est le bicarbonate de calcium. L’équilibre pratique de ces sels avec le dioxyde de carbone est défini par la relation suivante :

Ca(HCO3)2 <=========> CaCO3 + H2O + CO2

Il y a agressivité d’une eau vis à vis du marbre, lorsque l’équilibre est déplacé dans le sens 1. Il y a mise en solution du carbonate sous forme de bicarbonate. Par contre, si la réaction évolue dans le sens 2, il y a précipitation du carbonate de calcium. L’eau est dite entartrante ou incrustante.

La concentration de CO2 totale est égale à la concentration de CO2 libre et au CO2 des bicarbonates. La concentration de CO2 totale, le pH, la température peuvent influencer l’équilibre de la réaction ci-dessus.

Notons que de très nombreux auteurs ont établi des indices permettant de prévoir à partir du pH, du TH et du TAC , si une eau a une tendance à être agressive ou entartrante, corrosive ou non. (Martial, 1983)

Nous pouvons citer :

· l’indice de LANGLIER ;

Is = pH - pHs

pHs : pH de saturation. Il se détermine à l’aide d’abaque.

Si Is > 0 alors l’eau est agressive vis à vis du marbre.

Si Is < 0 alors l’eau est incrustante.

· l’indice de RYSNAR

Ir = 2 pHs - pH

Si 4 < Ir < 5 l’eau provoquera un entartrage important.

SI 5< Ir < 6 : l’eau est dite entartrante faible.

Si 6< Ir < 7 : l’eau est proche de l’équilibre.

Si 7 < Ir < 7, 5 : l’eau sera légèrement corrosive.

SI 7, 5 < Ir < 8, 5 : l’eau aura une corrosivité notable.

2.3 La minéralisation de l'eau.

La présence des sels à des doses même très faibles engendre le phénomène de corrosion. La minéralisation d’une eau augmente sa conductivité et diminue de ce fait la résistance au courant de corrosion. Cette eau devient un excellent électrolyte. La mobilité des ions est accrue, en particulier celle des ions Fe2+ d’où généralement une augmentation de la corrosion.

Cependant, les sels présents dans l’eau n’agissent pas de la même façon. Ainsi , les sels acides (AlCl3, NiSO4, MgCl2, FeCl2, NH4Cl) s’hydrolysent pour donner des solutions acides qui provoquent une corrosion avec dégagement d’hydrogène. Les sels alcalins (Na3PO4, Na2B4O2, Na2CO3) s’hydrolysent et donnent des solutions alcalines. Ils agissent comme des inhibiteurs de corrosion.

Par exemple, l’influence des sulfates peut se manifester de deux façons :

· directement : par accroissement de la minéralisation et par diminution de la résistivité électrique.

· indirectement : par la participation au cycle des bactéries sulfato-réductrices.

2.4 La température.

La température de l’eau a une action triplement défavorable quand elle s’élève. Elle intervient par l’abaissement de la résistivité et du pH, et par l’accroissement des vitesses des réactions. De plus, l’augmentation de la température diminue la solubilité de tous les gaz. Si la corrosion est contrôlée par la diffusion de l’oxygène, celle-ci va s’accroître car la vitesse de diffusion de l’oxygène augmente en raison d’une diminution de la viscosité de l’eau.

2.5 La vitesse de l'eau.

Le régime hydraulique dans les réseaux peut par des vitesses excessives, s’opposer à la formation ou contribuer à la destruction du précipité calcique protecteur. Il provoque la dépolarisation des micropiles ou des macropiles par dispersion des ions inhibiteurs.

Si la vitesse est suffisamment importante pour transporter des particules de sable ou d’autres matériaux contenus dans l’eau, un phénomène d’érosion - abrasion peut prendre place dans la détérioration des canalisations. Par contre, des vitesses de circulation trop faibles favorisent la formation de dépôts qui peuvent engendrer des couples d’aération différentielle. De même, une vitesse trop faible va permettre le développement des bactéries sulfato-réductrices en réseau d’assainissement.

2.6 Le pH

Le pH de l’eau est le paramètre essentiel de la corrosion, de la biocorrosion et de la dégradation des canalisations. Le pH détermine l’existence des espèces chimiques présentes dans l’eau, il est donc incontournable. Par ailleurs, nous avons déjà évoquer son rôle dans le diagramme CO2 total - pH dans le paragraphe 1.2.2 ou il permet de définir les caractéristiques de l’eau. De plus, il peut favoriser ou inhiber le développement des bactéries. En générale, un pH autour de la neutralité permettra un développement optimum. Cependant, certains germes, tels que les Thiobacillus s’accommodent très bien d’un pH voisin de 1. (Chantereau, 1980)

2.7 La part de l'homme

L’homme a une part importante dans la détérioration des canalisations. En effet, il intervient dans la qualité de la pose des canalisations et dans le choix du remblai. Par exemple, la mauvaise installation des joints peut perturber la circulation de l’eau entraînant une dégradation de la canalisation. Le choix d’un remblai par exemple hétérogène peut amorcer une corrosion. Nous finirons ces exemples par le compactage. Le mauvais compactage du remblai pourra favoriser les mouvements de terrain et permettre les déboîtements des canalisations, la formation de contre - pentes ou le cisaillement de celles-ci. (Canalisateurs de France, 1997)

D’autre part, la fermeture trop rapide des canalisations peut entraîner des « coups de bélier ». lors de la dépression consécutive à la surpression provoquée par un coup de bélier, le réseau peut être altéré. Dans les meilleurs cas, il se produit des dégagements gazeux (air et CO2) qui se rassembleront dans les points hauts, accroissant ainsi la corrosion par la formation de piles d’aération différentielle.


(*) extrait de:

VRIGNAUD E. (1998) - Le monde enterré des canalisations publiques. Mém. D.U. "Eau et Environnement", D.E.P., univ. Picardie, Amiens, 53 p. + annexes.

adaptation : Jacques.beaucham@sc.u-picardie.fr