LA LUTTE CONTRE L’EUTROPHISATION

des rivières, des lacs et des réservoirs

par

Eric POUILLEUTE(*)

L’eutrophisation peut être traitée de manière préventive en réduisant ou même en supprimant les causes responsables de l’eutrophisation et dont l’effet durable se mesure à long terme. Il s’agit d’un travail de sensibilisation aux pollueurs afin de créer une prise de conscience collective.On peut également traiter l’eutrophisation de manière curative, dont l’effet est immédiat mais peu sensible.

1) LA REDUCTION DES APPORTS D’ORIGINE DOMESTIQUE :

La plupart des stations d’épuration qui équipent les services de collecte et de traitement des eaux usées des communes ou de leur groupement sont conçues pour éliminer les matières en suspension et une partie des matières dissoutes. Bon nombre de ces stations n’éliminent, en ce qui concerne les matières dissoutes, que peu d’azote et de phosphore. En effet, les stations d’épuration n’ont été conçues jusqu’à présent que pour l’élimination du carbone piégé dans les boues. L’azote et le phosphore sont en fait minéralisés et redonnés à la nature. Dans bien des cas, ce traitement partiel n’est pas suffisant pour maintenir un équilibre biologique satisfaisant au sein du milieu récepteur.

La directive européenne, adoptée le 21 mai 1991 par le Conseil des Ministres de la Commission Economique Européenne, contient les dispositions relatives à la collecte, au traitement et au rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi qu’au traitement et au rejet des eaux usées biodégradables provenant de certains secteurs industriels. Cette directive sera transposée en droit français. Dans le cas d’un milieu particulièrement sensible à l’excès d’azote et du phosphore, il conviendra de mettre en place un traitement de la pollution azotée et phosphorée.

Traitement de l’azote dans les eaux usées urbaines :

La directive européenne prévoit de limiter la concentration en azote global (NGL) dans les zones sensibles au titre de l’eutrophisation ou pour la production d’eau potable. Les normes prescrites varient de 10 à 15 mg/l selon la capacité de la station d’épuration et également de 70 à 80 % de réduction.

A l’intérieur des zones sensibles concernées, il est donc indispensable de procéder à l’élimination de l’azote sous toutes ses formes.Un habitant rejette, tous les jours, environ 15 grammes d’azote, essentiellement d’origine métabolique dont 1/3 sous forme ammoniacale et 2/3 sous forme organique (urée et acide urique). Cet azote se transforme rapidement en ammonium. En effet, l’azote arrivant à la station d’épuration est constitué pour les ¾ d’ammoniaque après avoir cheminé par les réseaux d’égout.

Les procédes d’épuration biologique de nitrification et de dénitrification sont les mieux adaptés pour éliminer l’azote des effluents urbains. En effet, les procédés physico-chimiques qui comprennent essentiellement la chloration, l’électrodialyse, les résines échangeuses d’ions et le strippage de l’ammoniaque, ne sont guère applicables en traitement des eaux résiduaires urbaines en raison soit de leur faibles rendements, soit de leurs coûts prohibitifs. Ce sont aujourd’hui les procédés biologiques qui sont les plus compétitifs et les mieux adaptés au traitement de l’azote des eaux usées domestiques. Deux phases essentielles interviennent pour l’élimination de l’azote :

* La nitrification :

Elle permet la transformation de l’ammoniaque en nitrates en présence d’oxygène. En pratique, cette opération est réalisée lors de la phase aérée de la biomasse par l’intermédiaire de bactéries autotrophes du genre Nitrosomonas et Nitrobacter qui assurent successivement la conversion d’ammoniaque en nitrites (nitritation) puis des nitrites en nitrates (nitratation).

Ce sont les systèmes par boues activées, en aération prolongée en bassin unique ou avec une zone d’anoxie en tête. Le volume du bassin d’aération doit être suffisant pour respecter la cinétique de nitrification. L’aération théorique est de 4,6 kg d’oxygène par kg d’azote à oxyder et il faut maintenir 1 à 2 mg/l en oxygène dans le bassin d’aération.

* La dénitrification :

Elle permet le passage des nitrates à l’azote gazeux atmosphérique en milieu anoxique. Le procédé le plus répandu consiste à réaliser une zone d’anoxie en amont de l’épuration biologique ou à créer une zone d’anoxie dans le bassin d’aération. Les conditions à respecter pour assurer une bonne dénitrification sont de disposer d’une source de carbone organique facilement dégradable et d’un rapport carbone-azote suffisant (DBO5/N-NO3 >5). Il faut également assurer de bonnes conditions d’anoxie et un taux de recirculation de la liqueur mixte élevé.

La dénitrification confère à la boue activée une meilleure décantabilité. Elle permet de récupérer jusqu’à 50 % de l’oxygène nécessaire à la nitrification. Afin d’assurer la décantabilité des boues (lutte contre les bactéries finlamenteuses), on peut prévoir une zone de contact située en tête des bassins. Ce premier bassin reçoit les eaux usées prétraitées et les boues recirculées.

Au niveau du coût, si la nitrification entraîne une majoration d’environ 40 % des besoins en oxygène, elle est ramenée à 20 % par récupération de l’oxygène des nitrates lors de la dénitrification. Sachant qu’en moyenne les dépenses d’énergie correspondent à environ 30 % du coût d’exploitation global d’une station, le surcoût de fonctionnement lié à l’élimination de l’azote serait de 5 % environ. La mesure du potentiel redox permettra une meilleure gestion du traitement de l’azote et de l’oxygénation. Ces procédés de nitrification et de dénitrification permettent d’atteindre des performances élevées de l’élimination de l’azote : 90 à 95 % pour l’azote kjeldahl, 85 à 90 % pour l’azote global.

Traitement du phosphore dans les eaux usées urbaines :

La réduction des apports phosphorés des eaux usées est en général considérée comme le facteur clé de la lutte contre l’eutrophisation des rivières et des lacs. Il s’avère en effet que l’élimination de l’azote soit insuffisante et ne constitue pas toujours un facteur limitant dans la mesure où certaines algues sont capables de fixer l’azote atmosphérique.

La principale source de phosphore dans les effluents domestiques sont les produits lessiviels et détergents car ils contituent plus de la moitié des phosphates déversés. La suppression des tripolyphosphates (TPP) des lessives semble donc nécessaire. Les TPP utilisés comme adoucisseurs de lavage peuvent être remplacés par d’autres substances.

Dans les stations d’épuration classiques, le phosphore, contrairement à l’azote, ne peut-être éliminé de la phase liquide que par incorporation dans les boues primaires et surtout les boues biologiques en excès. Le rendement de l’opération est fortement dépendant de la quantité de boues biologiques excédentaires produites ainsi que de la teneur de ces boues en phosphore. On peut tabler globalement sur une réduction de l’ordre de 20 à 30 % du phosphore en moyenne ce qui est évidemment insuffisant pour lutter contre l’eutrophisation qui implique une élimination poussée des nutriments azotés et phosphorés.

La directive européenne impose que dans les zones sensibles après épuration, les eaux rejetées doivent contenir des concentrations en phosphore total inférieures à : 2 mg/l pour les agglomérations de 10.000 à 100.000 EH, 1 mg/l pour les agglomérations de plus de 100.000 EH et un rendement de plus de 80 %.

L’élimination du phosphore est possible soit par procédé biologique, soit par procédé physico-chimique. Ces traitements permettent de valoriser les boues dont les teneurs en phosphore sont trois fois supérieures à des boues issues d’une station classique.

* Procédés biologiques :

Les réalisations de ce type sont rares en France. Il est souvent nécessaire d’adjoindre une déphosphatation physico-chimique à la déphosphatation biologique afin de pouvoir atteindre de façon fiable une élimination importante. Sinon, en fonction des dilutions par des eaux parasites, on ne peut guère dépasser 40 à 50 % de rendement, avec une fiabilité difficile à obtenir en raison des variations des concentrations des effluents. Si DCO/P < 30/l, la déphosphatation ne sera pas optimale.

Le principe est le suivant : la masse bactérienne (Acinetobacter) est d’abord soumise à un stress continu par l’alternance de phases aérobies et anaérobies. En effet, la phase anaérobie se réalise au contact d’une source de carbone organique (eau brute). Ensuite, la phase aérobie, durant laquelle le phosphore précédemment relargué est réassimilé en quantité supérieure, permet une surconsommation biologique du phosphore qui est éliminé avec les boues en excès.

Ces procédés biologiques apparaissent plus adapté pour les ouvrages de grande capacité en raison de leur coût modéré par rapport aux procédés physico-chimiques, de l’élimination combinée du carbone et de l’azote, et de leur moindre production de boues.

Les nitrates vont intervenir selon diverses manières mais toutes auront pour conséquence une perturbation ou un arrêt de la déphosphatation biologique. Les bactéries acétogènes vont utiliser le nitrate comme accepteur d’électrons, inhibant par conséquent les voies fermentatives produisant l’acétate. D’autre part, le carbone facilement assimilable va être consommé prioritairement par les réactions de dénitrification et ne sera plus disponible pour les mécanismes de relargage du phosphore. Afin de supprimer l’effet néfaste des nitrates, une dénitrification poussée est nécessaire.

En fonction de l’expérience acquise ces dernières années, la déphosphatation biologique ne peut assurer qu’une réduction de 50 à 60 % au plus, et elle nécessite une gestion très rigoureuse ainsi que des réglages particulièrement délicats.Pour obtenir des rendements d’élimination supérieurs, on est contraint d’envisager des solutions mixtes où la part de phosphore restante sera précipitée par l’ajout de réactifs chimiques.

Le traitement des boues biologiques issues d’un procédé de déphosphatation pose un problème au niveau de l’épaissimssement. En effet, dans des conditions particulières (anaérobiose) de l’ouvrage, les boues relarguent leur phosphore, ce qui implique une perte de valeur agronomique et induit de plus un déséquilibre du rapport P/DCO et à terme une baisse de rendement de déphosphatation. Deux solutions peuvent faire face à ce problème : épaissir par flottation ou utiliser de la chaux.

* Procédés physico-chimiques :

Le procédé consiste en une élimination chimique des phosphates par adjonction de réactif qui donne naissance à un précipité complexe insoluble. Ce procédé est particulièrement adapté pour des ouvrages de faible capacité. Les principaux réactifs utilisés sont des sels métalliques ou la chaux.

Au niveau des performances, ces techniques sont connues et utilisées. Elles permettent d’atteindre des rendements d’épuration élevés de façon fiable : rendements supérieurs à 80 % et des concentrations de 1 à 2 mg/l de phosphore total. La performance de traitement dépend de la qualité du réactif mis en oeuvre ainsi que des conditions de fonctionnement de la décantation secondaire (en effet, toute augmentation de la concentration en MES de sortie a une incidence directe sur la qualité de rejet en phosphore). Pour des rendements supérieurs à 80 %, les quantités de réactif mises en jeu sont fondées sur des rapports molaires Fe/P ou Al/P de l’ordre de 1 à 2.

Au niveau du coût, la déphosphatation biologique d’une station existante s’avère la plupart du temps plus onéreuse que la construction d’une station nouvelle conçue pour l’élimination de la pollution phosphorée. Il faut donc faire appel aux procédés physico-chimiques. La majeure partie du surcoût provient de l’ajout de réactifs. Ce surcoût peut atteindre 15 % environ. Si l’on a recours à la déphosphatation biologique en utilisant la déphosphatation physico-chimique uniquement en traitement complémentaire, on fera une économie de près de 50 % environ.

L’assainissement autonome :

La notion d’assainissement est souvent associée au réseau collectif d’égout et à la station d’épuration. Mais, en France l’assainissement individuel connaît un regain d’intérêt pour plusieurs raisons. En effet, le développement de la maison individuelle et de l’habitat diffus augmente les contraintes du schéma d’assainissement collectif. Les techniques utilisées en assainissement autonome sont, dans leurs principes, établies depuis de nombreuses années. Cependant, des évolutions technologiques importantes sont en cours et les mécanismes d’épuration mises en jeu, tant pour les prétraitements que pour les dispositifs d’épuration par le sol, sont actuellement largement étudiés.

L’épuration par le sol de l’effluent prétraité met en évidence la nécessité d’étudier l’évolution d’un paramètre contenu dans cet effluent : l’azote. En sortie de fosse septique, l’azote se trouve essentiellement présent sous forme ammoniacale. Lors de la filtration de l’effluent, seul le mécanisme de nitrification intervient de façon importante et une forte concentration en nitrates peut souvent être mesurée dans les eaux usées rejetées. La réduction des nitrates formés en azote gazeux n’est possible que dans des conditions précises : absence d’oxygène et présence d’un substrat carboné. 60 % de la population rurale disposent de systèmes d’assainissement autonome mais dans une vingtaine d’années, seulement 30 % disposeront encore de tels systèmes. En effet, un effort est fait pour raccorder l’habitat rural au réseau collectif.

De façon prioritaire, il doit être fait appel à des filières de traitement utilisant l’épandage souterrain comme mode d’évacuation des eaux usées :

Eaux usées --> Prétraitement + Epandage souterrain --> Sol

Le prétraitement est assuré soit par une fosse septique, soit par un dispositif d’épuration biologique à cultures fixées sur supports immergés. Si l’épandage n’est pas réalisable (terrain imperméable, fissuré...), la filière utilisable est :

Eaux usées --> Prétraitement + Lit filtrant drainé --> Puits d’infiltration

Le phénomène de nitrification est long à se développer. Il faut attendre plusieurs semaines avant d’obtenir une bonne nitrification. Le sable semble être un matériau adapté, dans lequel peuvent se développer facilement les espèces bactériennes responsables de la nitrification. Seul un sol bien aéré permettra d’obtenir une forte concentration en nitrates. Ainsi, l’épandage d’un effluent devra impérativement s’effectuer en alternance avec des périodes de repos afin que le sol puisse se réoxygéner.

2) LA REDUCTION DES APPORTS D’ORIGINE AGRICOLE :

La fertilisation des sols :

Le phosphore est avec l’azote et le potassium, la base de la fertilisation dans le monde agricole. La montée des teneurs en nitrates dans les eaux ainsi que la présence de produits phytosanitaires mobilisent tous les acteurs concernés pour rechercher et mettre en oeuvre des solutions variées et complémentaires. Réduire le risque par l’amélioration des pratiques après un diagnostic préalable constitue l’enjeu majeur.

Il apparaît en effet que l’érosion générée par les précipitations et le ruissellement contituent un élément majeur du transport des polluants vers les eaux de surface. Les substances présentes à la surface du sol sont susceptibles d’être entraînées sous forme soluble ou adsorbées aux particules de sol entraînées. Comme dispositif capable de limiter les processus de transfert, les dispositifs enherbés jouent le rôle de filtre face au ruissellement. Les matières sont ainsi filtrées par la végétation dense. Suivant leur implantation et leurs caractéristiques, les bandes enherbées permettent de pièger 80 % des particules du sol transportées par le ruissellement. Elles sont donc capables d’abaisser les teneurs en nitrates.

La possibilité d’utiliser la jachère obligatoire dans sa forme fixe, sans les contraintes de cette dernière, constitue une cible privilégiée. En effet, la jachère obligatoire, lorsqu’elle est fixe, doit satisfaire à la fois aux deux conditions suivantes : une bande d’au moins 20 mètres de large et un taux de jachère de 18,3 % (pour 1995) au lieu de 13,3 % pour la jachère tournante. Une adaptation de ces modalités, quand il y a mise en place de bandes enherbées le long des rivières, serait très bénéfique à la promotion de cette politique. L’ensemble des partenaires (Ministère de l’Agriculture, Corpen, profession agricole) appuient cette démarche auprès des instances européennes.

La pollution diffuse présente des caractéristiques qui la différencient de la pollution ponctuelle. Tout d’abord, elle est essentiellement d’origine agricole alors que la pollution ponctuelle est émise par l’ensemble des usagers. Elle ne concerne qu’un nombre limité de produits, deux éléments minéraux, les nitrates et le phosphate, des éléments issus de l’érosion des sols, alors que les pollutions ponctuelles véhiculent un très grand nombre de substances.

La lutte contre la pollution diffuse, d’origine agricole, est complexe et n’a débuté que très récemment. Cette lutte s’est organisée depuis les années 80 sous l’égide du Corpen (Comité d’Orientation pour la Réduction de la Pollution des eaux par les nitrates et les phosphates provenant des activités agricoles). Dans le même temps, un outil opérationnel est lancé à l’échelle nationale. L’opération de conseil en fertilisation FERTIMIEUX présente l’atout de pouvoir attribuer un label. L’objectif général fixé aux opérations de conseil aux agriculteurs est l’adoption de bonnes pratiques agricoles en matière de fertilisation, de gestion des intercultures, de successions culturales, en vue de la protection des eaux.

L’idée maîtresse de cette approche n’est pas de calculer finement les différents éléments constitutifs du bilan du sol, mais de mettre en évidence culture par culture, les véritables facteurs de fuite. La démarche idéale sera de porter l’effort sur les pratiques dont les modifications réduisent le plus fortement le flux de fuite. Mais, cette approche de réduction de fuites de nitrates doit prendre en compte le fonctionnement de la nappe. En effet, la protection des captages est un enjeu majeur. Elle doit impérativement être définie à partir d’unités hydrogéologiques cohérentes, et pour lesquelles la réduction de la teneur en nitrates jusqu’à la valeur du niveau guide, soit 25 mg/l, serait l’objectif assigné. Cette approche sous-entend une participation active des usagers de l’eau d’un même bassin versant pour permettre à moyen terme d’obtenir des résultats visibles sur le terrain et d’obtenir des champs captants de qualité.

La pollution liée à l’élevage :

Les effluents d’élevage sont des fertilisants pour l’agriculture. Mais, ils peuvent aussi être à l’origine de la pollution des rivières, des plans d’eau et des nappes souterraines compromettant notamment l’alimentation en eau potable. Après plusieurs années de négociation, une politique de maîtrise des pollutions d’origine agricole a pu être arrêtée au niveau national. En effet, la transposition de la directive « nitrates » européenne, l’élaboration du code des bonnes pratiques agricoles, l’accord du 8 octobre 1993 et enfin l’arrêté du 2 novembre 1993 ont ouvert les voies de l’action. Les agricultures se sont donc engagés à réduire les pollutions qu’ils émettent actuellement sur leurs exploitations.

Ce programme concerne les élevages de bovins, de porcins, de volailles et les élevages multi-espèces dont une activité au moins relève de la réglementation des installations classées. L’éleveur concerné doit commencer par faire réaliser une étude préalable des bâtiments d’élevage et des pratiques d’épandage des effluents. Cette étude diagnostic permet d’apprécier la situation actuelle de l’élevage vis-à-vis de la pollution des eaux et de la réglementations classées. Elle définit les améliorations à apporter. Le diagnostic est réalisé obligatoirement suivant une méthode agréee par le comité national de suivi et par technicien formé à son utilisation. L’éleveur recevra les aides en contrepartie des travaux réalisés et de l’amélioration de ses pratiques d’apandage.

La mise aux normes des bâtiments d’élevage, en application de la nouvelle réglementation des installations classées représente un coût estimé entre 7 et 10 milliards de francs pour l’ensemble de la France. De nombreux éléveurs auront des travaux à faire, et les éleveurs de bovins sont les plus concernés puisque leur entrée dans la réglementation des installations classées est plus récente. En 1992, le Ministère de l’Agriculture avait estimé que 70 % des éleveurs de bovins, 40 % des éleveurs de porcs et 20 à 30 % des éleveurs de volailles auraient des travaux d’amélioration à réaliser. Le démarrage, fin 1994, du programme de maîtrise des pollutions agricoles révèle que davantage d’élevages auront des travaux d’amélioration à effectuer tant sur leurs bâtiments que sur les pratiques d’épandage.

Confrontés à un problème de coûts, et dans un contexte économique difficile, la profession agricole ne pourra pas relever, à elle seule, ce défi de l’environnement pour les échéances prescrites. Or, les travaux à engager sont nécessaires et indispensables pour garantir la pérennité de nos ressources en eau. Pour cette raison, la maîtrise de ces pollutions met en jeu d’importantes aides financières de l’Agence de l’Eau, de l’Etat, des régions et des départements. Pour la fin du sixième programme d’intervention de l’Agence de l’Eau (fin 1996), 75 millions de francs d’aides peuvent être attribués au monde agricole qui bénéficiera ainsi largement de la solidarité des usagers de l’eau.

3) LES TRAITEMENTS CURATIFS :

Lorsque la lutte à la source des causes de l’eutrophisation est prise en compte trop tardivement, il reste comme unique recours le traitement « in situ » des lacs ou des cours d’eau. En effet, si les apports diffus, et même ponctuels, n’ont pas été traités convenablement, on peut encore intervenir sur les cours d’eau. Des réacteurs à l’oxyde d’aluminium et des fossés d’infiltration conviennent pour piéger le phosphore des petits cours d’eau (débit inférieur à 100 l/s).

Pour les rivières, on peut agir par voie biologique en développant des végétaux dans des préréservoirs ou par voie physico-chimique dans de véritables stations de déphosphatation. On peut également agir directement dans le cours d’eau en injectant le réactif de déphosphatation (sel de fer ou d’aluminium), mais il faut ensuite draguer la zone de sédimentation. Au niveau écologique, les procédés faisant appel à la déphosphatation ne sont pas très bons. En effet, contrairement à la dénitrification qui fait s’échapper l’azote sous forme gazeuse, la déphosphatation extrait le phosphore en le fixant sur un support qu’il s’agit de récupérer et de gérer : boues de stations d’épuration, végétaux et sédiments des préréservoirs.

Quand les interventions sur le bassin sont insuffisantes ou trop tardives, il faut alors intervenir directement sur le plan d’eau. Les techniques qui consistent à extraire et à exporter des matériaux chargés de phosphore sont les plus efficaces à long terme car elles permettent d’équilibrer le bilan phosphore, voir de créer un déficit salutaire. Le dragage et le faucardage sont les deux techniques les plus usitées qui agissent sur l ’esthétique du plan d’eau, en éliminant également les sédiments donc les relargages, sédiments pouvant être extraits par siphonage pour les eaux profondes.

Mais, il se pose le problème des matériaux extraits : les eaux sont putrides et les sédiments plus ou moins pollués. Ce problème des matériaux extraits peut être résolu en immobisant le phosphore in situ soit par précipitation par des sels d’aluminium, soit par oxydation. On peut ensuite recouvrir le fond d’un matériau inerte comme une couche d’argile. Le nouveau problème est que l’on accélère le comblement de la cuvette. On peut également oxygnéner l’eau par aération hypolimnique. L’oxygénation empêche l’anaérobie des fonds et facilite la dégradation des matières organiques. Cela permet la réduction de la biomasse algale et élimine les Cyanophycées. Ce système permet finalement aux poissons de respirer.

Une dernière méthode envisagée est l’introduction d’une eau pauvre en phosphore pour diluer l’eau du lac, en diminuant le temps de séjour (et en augmentant le débit en sortie). On peut également diminuer le ph ou ajouter des nitrates pour éliminer les Cyanophycées.


(*) extrait de :

POUILLEUTE E. (1996) - Les phénomènes d’eutrophisation. Mém. D.U. « Eau et Environnement », D.E.P., Amiens, 40 p.