PROBLEMES GENERES PAR H2S DANS LES RESEAUX D'ASSAINISSEMENT

par

Eric POUILLEUTE (*)

PROBLEME LIE A LA SECURITE DU PERSONNEL :

Risques d’incendie :

L’hydrogène sulfuré est un gaz extrêmement inflammable4, qui peut former des mélanges explosifs avec l’air. D’autre part, le contact avec les produits oxydants peut être une source d’incendie et d’explosion.

En cas d’incendie, le dioxyde de carbone et les poudres chimiques peuvent être utilisés comme agent extincteur, mais seulement s’il on est certain de pouvoir stopper l’émission de gaz. Dans le cas contraire, il est préférable d’éloigner de la flamme tout élément combustible et de laisser brûler.En raison de la toxicité de l’hydrogène sulfuré et des fumées émises, les intervenants doivent être équipés d’appareils de protection respiratoire isolants autonomes et de combinaisons de protection spéciales.

Réglementation :

En France, le Ministère du Travail a fixé pour l’hydrogène sulfuré la valeur limite d’exposition (VLE) et la valeur moyenne d’exposition (VME) indicatives qui peuvent être admises dans l’air des locaux de travail. Ces valeurs correspondent respectivement à 10 ppm (14 mg/m3) et 5 ppm (7 mg/m3). En France, l’objectif à terme pour la VME est de 2 ppm.

Toxicite chez l’homme :

L’hydrogène sulfuré est absorbé par inhalation. L’absorption cutanée est minime. L’intoxication humaine a lieu essentiellement par voie respiratoire. L’hydrogène sulfuré ne s’accumule pas dans l’organisme. Suivant sa concentration, H2S est plus ou moins toxique. Son danger provient du fait qu’à forte teneur le nerf olfactif est paralysé : la détection par l’odorat n’est donc pas un critère de sécurité.


Concentrations en ppm et Effets observés

> 1 000: Mort très rapide

> 500: Perte rapide de connaissance Coma parfois convulsif Troubles respiratoires Troubles du rythme cardiaque Danger de mort

> 100: Irritation des muqueuses oculaires et respiratoires Oedème pulmonaire retardé possible Perte de connaissance brève possible

50: Seuil de danger pour une exposition continue 20 Limite de perceptibilité moyenne de l’odeur, sans accoutumance

10: Odeur insupportable

0,1 - 1: Odeur d’oeuf pourri commence, Problèmes pulmonaires et digestifs possibles


Consignes de sécurité :

. Avoir toujours au minimum un homme en surface.

. Avant toute descente :

. Pendant le travail dans l’égout :

. En cas d’accident : prévenir ---> protéger ---> secourir.

Dispositifs de détection de l’hydrogène sulfuré dans l’air :

Pour assurer la sécurité du personnel travaillant dans les réseaux d’assainissement, il existe deux dispositifs de détection de H2S dans l’air.

- Le premier type d’appareil est un appareil multifonctions automatique portatif. Il peut associer au danger de présence d’H2S, un risque d’explosion et un manque d’oxygène par des signaux sonores et lumineux rouges lorsqu’un des seuils d’alarme est atteint. Les appareils récents permettent de détecter en continu jusqu’à 5 gaz en même temps. En fonctionnement normal, ces appareils sont portés par l’utilisateur mais ils peuvent être utilisés accrochés à une corde pour tester l’atmosphère d’un égout à l’ouverture d’un tampon.

L’avantage est le fonctionnement en continu qui permet un travail le long d’un réseau visitable sans devoir refaire des mesures périodiques. Il existe des appareils avec ou sans affichage des valeurs. Les exploitants préfèrent les appareils sans indication des valeurs pour éviter tout risque d’interprétation. Néanmoins, les valeurs peuvent être lues à posteriori ssur PC grâce à une boite noire. Pour les égoutiers, seule l’alarme visuelle et sonore leur est utile.

Il faut compter environ 15.000 francs pour un appareil intégrant les 3 fonctions (H2S, O2, explosimètre).

- Le deuxième type d’appareil utilise des tubes colorimétriques spécifiques de l’hydrogène sulfuré.

L’utilisateur casse les deux extrémités du tube colorimétrique et le place sur un appareil de prélèvement constitué par une poire d’un volume fixe. En comprimant la poire et en la relâchant, un volume de gaz traverse le tube colorimétrique. La lecture de la concentration en hydrogène sulfuré se fait directement sur l’échelle du tube colorimétrique.

Le principal avantage de ce système est son prix. La poire simple coûte environ 1500 francs et la boite de 10 tubes colorimétriques 150 francs environ. Les inconvénients sont le mode de fonctionnement discontinu et le risque d’erreur ou d’interprétation lors de la lecture.

PROBLEME LIE A LA CORROSION :

Explication du phénomène :

L’hydrogène sulfuré corrode le cuivre, des alliages à base de cuivre comme le laiton, certains bronzes, le fer et l’argent pour former des sulfures métalliques noirs. Il peut en effet catastrophique sur l’équipement électrique aux stations de relèvement. Les structures comme les échelles en fer et les regards sont détruits, d’autant plus rapidement que l’atmosphère est humide. Même la fonte de fer et certaines classes d’acier inoxydable sont corrodés ou piqués (BOON).

Malgré tout, c’est à travers la corrosion des conduites en béton, des regards en Fibrociment et d’enduits de ciment PORTLAND que la corrosion par H2S est bien connue. L’hydrogène sulfuré en atmosphère humide et chaude à l’intérieur d’un réseau ou d’un regard va être oxydé en acide sulfurique par des bactéries du genre Thiobacillus (Gram négatif), au niveau des parois de la conduite. L’acide sulfurique dissout l’hydroxyde de calcium et les carbonates de calcium contenus dans le mortier de ciment, entraînant la corrosion et compromettant l’intégrité de la structure du tuyau . La corrosion a lieu exclusivement dans la partie émergée du tuyau, de manière inégale à cause des courants d’air à l’intérieur de la canalisation.

La vitesse de corrosion du béton dépend :

Choix des matériaux :

Les ciments Portland sont très sensibles à la corrosion, les plus résistants contiennent le moins possible d’aluminate tricalcique (< 5 %). Les ciments alumineux anhydres ont une excellente résistance à la corrosion acide. Pont-à-Mousson a développé un revêtement intérieur en ciment alumineux pour ses tuyaux en fonte. Ainsi, la tenue du mortier de ciment alumineux assure une sécurité d’emploi face aux risques de rejets acides accidentels. Les joints sont revêtus d’Epoxy. Pour les situations à risques élevés et permanents, Pont-à-Mousson a développé le tuyau pH 1 revêtu intérieurement de polyuréthanne, dont les raccords sont constitués d’un revêtement époxy renforcé. L’idéal est donc de protéger le réseau par un matériau inerte à l’H2S.

Le mortier silicate est également bien adapté à l’action de l’acide suflurique d’origine microbienne, puisqu’il résiste à des pH entre 1 et 12. Il est utilisé pour réhabiliter des ouvrages en atmosphère humide contenant des effluents agressifs (collecteurs visitable, bassins de rétention, regards de visite). Des essais comparatifs réalisés avec des mortiers à base de ciments Portland, de laitiers de hauts-fourneaux et de ciment alumineux ont mis en évidence la nette supériorité du mortier silicate.

On peut également citer :

Localisation des problèmes de corrosion sur les réseaux d’assainissement :

Les émanations d’hydrogène sulfuré et les problèmes de corrosion qui en résultent ont lieu de manière préférentielle à l’aval des postes de refoulement et au sein même de ces postes. Les gros problèmes proviennent de la présence des postes de refoulement (poste + refoulement). En effet, dans les conduites de refoulement, la concentration en oxygène dissous diminue en fonction de la longueur du réseau et du temps de séjour hydraulique.

L’effluent passe donc en milieu anaérobie ce qui favorise la formation d’H2S. Celui-ci n’est dégagé qu’au contact de l’air, au déversement dans les ouvrages de reprise ou des conduites gravitaires et il y a alors corrosion au niveau des bétons (tuyaux, génie civil) et des équipements électromécaniques et électroniques des ouvrages d’assainissement. La corrosion des ouvrages est d’autant plus importante que la turbulence créée par le déversement des eaux usées est grande.

Ainsi, les canalisations sous pression ne sont pas attaquées par H2S car le tuyau est rempli : il n’y a donc pas de contact avec l’atmosphère et donc pas de dégazage. Néanmoins, l’effluent étant dans des conditions anaérobies, il se forme des sulfures qui se dégazeront au premier contact de l’effluent avec l’atmosphère. Les problèmes de corrosion et de présence d’H2S arrivent également dans des zones où le réseau est à faible pente (zones littorales, plaines : les faibles vitesses favorisent le développement de biofilm sur les parois et diminue les échanges gazeux, notamment l’absorption d’oxygène). Il peut arriver également que le dégagement d’H2S ne soit que saisonnier, durant les mois les plus chauds.

PROBLEME LIE AU ODEURS :

Au niveau des réseaux d’eaux usées, le dégagement d’odeurs provenant des canalisations ou des bâches de relèvement est dans la majorité des cas, dû à la présence d’H2S qui se détecte à de très faibles concentrations. Cette odeur « d’oeuf pourri » est perçue dès 0,1 ppm par certaines personnes, mais le seuil de détection de 1 ppm semble être le plus largement répandu. C’est grâce à ces plaintes de riverains que l’on détecte les dysfonctionnements de réseaux et que l’on peut intervenir pour y remédier, en dehors des visites d’entretien des exploitants. Le problème des mauvaises odeurs peut être traité préventivement en inhibant la formation de sulfures.

Dispersion des gaz odorants dans l’atmosphère :

La dispersion n’est pas réellement un procédé de traitement des odeurs puique les molécules malodorantes sont diluées dans l’atmosphère en dessous du seuil de perception. La méthode consiste à créer des cheminées - qu’il convient d’intégrer au mieux dans l’urbanisme de la ville (sommet des immeubles...) - afin que l’air pollué soit dispersé à une altitude respectable où les vents sont plus forts. Il convient de faire attention aux phénomènes atmosphériques : vents dominants, présence d’immeubles aux alentours, présence d’une colline, inversion de température.

Il peut également être procédé à une amenée d’air frais par des moyens mécaniques, de manière à éliminer les odeurs aux points de rejet. Dans cette méthode, il convient d’éviter d’aspirer à nouveau l’air rejeté par un chauffage de cet air pour créer une différence de température et une ascendance de l’air chaud.

Procédé de traitement de l’air :

Les procédés de traitement de l’air sont nombreux.

Ce procédé consiste à transférer les composés odorants de la phase gazeuse vers la phase liquide. Il peut s’agir d’un lavage basique (soude NaOH souvent), de chlore et ses dérivés, de l’ozone.

Les substrats nécessairement biodégradables, doivent constituer un mélange nutritionnel équilibré (DBO5/N/P = 100/5/1).Une partie est apportée par le gaz à traiter tandis que le complément est ajouté avec l’eau d’arrosage indispensable aux micro-organismes et au bon fonctionnement du procédé.

Une grande variété de micro-organismes peut assurer l’oxydation biologique des odeurs soufrées. Trois grands groupes de bactéries chimioautotrophes du soufre s’avèrent capables de dégrader H2S et S2O32- :

Les technologies mises en oeuvre en épuration biologique des polluants gazeux sont de trois types :

L’adsorption de molécules en milieu liquide ou gazeux sur des surfaces solides est un phénomène naturel. Parmi les nombreux matériaux adsorbants naturels ou synthétiques disponibles, le charbon actif est de loin le plus utilisé en désodorisation industrielle.

Ce n’est pas un procédé de traitement réel puisqu’il s’agit en fait de superposer une odeur plus forte censée être agréable, par rapport à l’odeur d’H2S présente. L’utilisation de cette technique doit être temporaire car à long terme, les riverains peuvent sentir une gêne et l’odeur subjective peut à nouveau être considérée comme une nuisance.


(*) extrait de:

POUILLEUTE E. (1996) - H2S dans les réseaux d'assainissement. Mém. D.U. "Eau et Environnement", D.E.P., univ. Picardie, Amiens, 54 p.

- Liste bibliographique dans le Mémoire

adaptation du texte par

Jacques.beauchamp@sc.u-picardie.fr