LA DESINFECTION DES EAUX USEES PAR LES U.V.

par

Véronique MIGNOT (*)


La technologie de désinfection des eaux épurées par rayonnement UV a été développée en Amérique du Nord ces 10 dernières années. Elle est considérée comme l’alternative à la meilleure chloration.

Les rayonnements UV sont des ondes électromagnétiques de longueur d’onde comprise entre 100 et 400 nm . Leur pouvoir germicide dépend de la longueur d’onde émise. Ce sont les UVC compris entre 200 et 280 nm qui sont les plus germicides. L’efficacité des rayons UV est fonction de la dose absorbée par les micro-organismes. Cette dose est définie par le produit de l’intensité UV par le temps d’exposition des germes aux rayonnements.

Mise en œuvre de la désinfection par rayonnement UV

Le principe de désinfection par rayonnement UV consiste à soumettre l’eau à traiter à une source de rayonnements UV en la faisant transiter à travers un canal contenant une série de lampes submergées. Les équipements nécessaires sont donc : des lampes émettant dans l’UV, un réacteur pour y disposer les lampes (généralement un long canal), un système de contrôle du niveau d’eau dans le canal et un système électrique.

sources de radiation : les lampes

La source d’émission UV utilisée en désinfection est la lampe à vapeur de mercure. Il s’agit de lampes à arc électrique qui provoque l’excitation des atomes de mercure, puis l’émission de radiations par retour à leur état fondamental. Le spectre d’émission des lampes dépend de la pression de mercure dans les lampes.

Les lampes à vapeur de mercure basse pression émettent une lumière quasi-monochromatique à 254 nm, qui correspond à la bande optimale de l’effet germicide. Elles se présentent sous la forme de longs tubes de 1,5 à 2 cm de diamètre. Les longueurs standards sont de 91,4 et 162,6 cm pour des longueurs d’arc respectives de 76,2 et 147,3 cm. Les lampes sont généralement insérées à l’intérieur d’un manchon de quartz, ce qui permet de les immerger directement dans l’eau à traiter. Le quartz transmet jusqu’à 90% de la radiation provenant de la lampe. L’intensité transmise est également dépendante du voltage, de la température autour de la lampe, de son âge (les lampes basse pression ont une durée de vie d’environ 3500 heures), et de son degré d’encrassement. Les lampes à vapeur de mercure sont très sensibles aux variations de température ; l’optimal se situerait autour de 50°C .

La température influence la pression qui peut être maintenue au niveau de la lampe. Trop basse, elle provoque une chute de pression, les atomes de mercure s’en trouvent moins comprimés donc plus difficilement excitables donc diminution de la quantité électrique transformée. A l’inverse, une augmentation de la température augmentera la pression, l’excitation des électrons des atomes de mercure sera très grande mais l’énergie lumineuse sera libérée dans un spectre beaucoup plus étendu que 254 nm. C’est le cas des lampes moyenne pression.

A pression supérieure, l’intensité de la décharge électrique est augmentée mais le patron de dispersion de la lumière générée n’est pas limité à la zone germicide : il s’étend jusque dans le visible.

En pratique, l’énergie perdue par la production de chaleur est beaucoup plus grande pour les lampes moyenne pression que pour les lampes basse pression mais du fait de la très haute intensité de la décharge, moins de lampes sont requises pour fournir une dose donnée. Les lampes à moyenne pression coûtent cependant beaucoup plus chères que celles à basse pression ; elles sont utilisées pour des stations à gros débit.

Ils fournissent la tension électrique nécessaire à l’allumage, et maintiennent la stabilité du courant électrique. Les intensités à mettre en œuvre pour assurer la désinfection des eaux résiduaires sont de l’ordre de 100 mWs par cm2 pour un temps de contact de 10 à 20 secondes : pour assurer une désinfection satisfaisante en permanence, l’appareil doit fournir une dose de rayonnement UV minimale de 16 mWs/cm2 au point le plus éloigné de la chambre de contact quel que soit le débit entrant et la qualité de l’eau à désinfecter.

Il existe 2 types de réacteurs : les réacteurs fermés sous pression ; les réacteurs ouverts appelés chenaux ; les lampes y sont regroupées par modules avec un alignement vertical des lampes. Le type de réacteur est classé suivant la position des lampes. Les lampes peuvent être placées perpendiculairement au courant (horizontalement ou verticalement : ou parallèlement au flux.

Dans toutes ces considérations, les lampes sont immergées. Un dispositif de maintien du niveau d’eau au-dessus des lampes est nécessaire. Une technologie différente et peu utilisée en eaux usées consiste à ne pas immerger les lampes. Le liquide est transporté dans d’étroits tubes en Téflon transparents aux UV. Les lampes sont placées à l’extérieur, parallèlement aux tubes ; le tout est couvert.

Quelle que soit la configuration, son but est de maximiser l’utilisation de l’énergie UV émise par les lampes et de fournir les conditions hydrauliques favorables à une bonne désinfection.


Paramètres influençant l’efficacité de la désinfection

L’efficacité de la désinfection sur une installation UV dépend des paramètres de fonctionnement et des paramètres de qualité de l’effluent.

Paramètres de fonctionnement

Il est fonction du débit et donc de la vitesse de passage de l’effluent dans l’installation. Il faut considérer le temps d’exposition moyen aux rayonnements UV qui est fonction de la conception hydraulique du chenal. Celle-ci doit remplir 3 conditions fondamentales : le flux doit être le plus proche possible du flux piston, sans dispersion axiale. Chaque élément de volume reste alors pendant la même durée dans le réacteur. le flux doit permettre une dispersion radiale afin que chaque élément de volume se déplace dans des champs d’intensité lumineuse non uniforme ; le volume du réacteur doit être utilisé au maximum, en évitant les zones mortes et les courts-circuits hydrauliques pour profiter au mieux de l’énergie UV fournie par les lampes et d’éviter que l’effluent ne passe sans être désinfecté.

L’intensité UV nominale est fonction du nombre de lampes allumées. L’intensité reçue par l’effluent diminue avec l’éloignement par rapport à la lampe, notamment par dissipation de l’énergie dans un volume plus grand. Ainsi, l’épaisseur de la lame d’eau entre 2 lampes est un paramètre de dimensionnement. Il faut également tenir compte de : la température ; l’âge des lampes dont l’intensité diminue de 65% en fin de vie.

Paramètres de qualité de l’effluent

Les constituants contenus dans l’effluent absorbent le rayon UV dirigé contre les bactéries. On rapporte que plusieurs composés chimiques tels que les composés phénoliques, les acides humiques, les sulfonates, le fer ainsi que les agents de coloration interférent avec la transmission du rayon à 254 nm. Par analogie à la demande en chlore d’une eau, on peut parler de «demande en UV» de l’effluent. La méthode utilisée pour quantifier cette interférence est la mesure de la transmittance qui représente la quantité de lumière disponible pour irradier un micro-organisme à une distance donnée. En général, avant de choisir un procédé UV, on considère qu’une transmittance inférieure à 35% demanderait une dose trop élevée, soit trop de lampes pour rentabiliser la désinfection par UV avec des lampes basse pression.

Puisque le rayon UV est peu pénétrant, les M.E.S peuvent fournir une protection aux micro-organismes. Pour une bactérie, 3 scénarios sont possibles :

- le rayon n’atteint pas (déviation) ou partiellement (pénétration incomplète) la bactérie libre parce qu’une particule lui sert de «parapluie» ;

- la pénétration sera également incomplète ou nulle si la bactérie est adsorbée à une particule. La protection sera favorisée par le nombre de particules et la présence de particules de grande taille, soit de tailles égales ou supérieures à celles des bactéries (environ 1µm). Ceci se traduit sur les courbes de l’abattement bactérien en fonction de la dose appliquée par une asymptote horizontale pour les doses élevées : une augmentation de la dose n’a plus d’effets sur les germes car ils sont protégés par les M.E.S. Une teneur en M.E.S supérieure à 25 mg/L limite les performances de la désinfection par UV basse pression. Par contre, la filtration de l’effluent les améliore.

Elle quantifie la diffusion de la lumière par une particule éclairée par une source lumineuse. Elle intègre les M.E.S et les matières dissoutes. On peut conclure que plus le traitement d’épuration en amont de la désinfection est efficace, plus les performances de la désinfection seront grandes.


Efficacité germicide des rayonnements UV

Des essais en laboratoire ont permis de déterminer le degré de résistance de différents micro-organismes par rapport à la référence de 1 correspondant à Escherichia coli.

Les bactéries végétatives nécessitent à peu prés les mêmes doses que Escherichia coli. Les virus testés (rotavirus et poliovirus) sont 3 à 4 fois plus résistants, les bactéries sporulées (Bacillus subtilis) sont environ 10 fois plus résistants alors que les kystes de protozoaires (Acanthamoeba castellanii) requièrent des doses environ 15 fois supérieures.

Résistance des micro-organismes aux UV

La résistance des bactéries sous forme non sporulée est comparable à celle d’Escherichia coli. Les G.T.C.F sont donc de bons indicateurs de désinfection pour les bactéries.

Les virus sont moins sensibles aux rayonnements UV que les bactéries. On note également une différence de sensibilité entre virus, les rotavirus étant plus résistants que les poliovirus. Plusieurs auteurs ont proposé comme indicateurs de désinfection applicable aux virus les bactériophages F2 (Havelaar et al., 1991, Dizer et al., 1993). En effet, leur sensibilité serait identique à celle des rotavirus.

Ce sont les formes les plus résistantes et certains micro-organismes parasitaires comme les œufs d’helminthe ne seraient pas tués. Whitby et al.,(1985) ont comparé la sensibilité des spores de Clostridium perfringens aux UV et au chlore. Les UV détruisent 1.8 fois plus de spores que le chlore.

Hypothèses sur les différences de sensibilité des micro-organismes

La réponse à l’UV est variable selon le type de micro-organisme ciblé. En se limitant aux 3 groupes principaux visés par la désinfection, la conclusion de la majorité des auteurs va dans le sens de celle de Chang et al.,(1985) qui propose l’ordre de sensibilité présenté à la figure I.8. Figure IV.8. Degré de sensibilité aux UV de différents micro-organismes.

La variation de sensibilité observée est difficilement dissociable de son état morphologique. Puisque le rayon doit pénétrer la cellule pour l’endommager, les organismes possédant une paroi plus épaisse ou des structures externes particulières seront en principe plus résistants aux rayons.

Pour qu’il y ait désinfection, les lampes doivent fournir une radiation lumineuse dont le spectre d’émission se situe dans la région de l’UVC laquelle est la plus efficace à produire un effet germicide. On observe ce dernier lorsque l’énergie de la radiation est absorbée au niveau du matériel génétique (A.R.N et A.D.N). Ce dernier contient l’information qui est transmise d’une génération à l’autre et qui permet de perpétuer les caractères propres à l’espèce. Plus particulièrement, ce sont les nucléotides, éléments constitutifs des acides nucléiques qui absorbent le rayon, soit les bases puriques (adénosine(A) et guanine(G)) et les bases pyrimidiques (thymine(T) ou uracil(U) et cytosine(C)). Le spectre d’absorption des acides nucléiques se situe dans une longueur d’onde entre 210 et 310 nm avec un maximum à 260 nm.

Suivant l’exposition aux UV, il y a une variété de photoproduits formés au niveau de l’A.D.N. dont le plus important est le dimère de pyrimidines adjacentes sur un des brins d’A.D.N. et dont les 3 types répertoriés sont : T-T (appelé le dimére de thymine et le plus fréquent), T-C et C-C. Le dimére crée une distorsion au niveau de l’A.D.N., rendant inefficace voire impossible la réplication du micro-organisme ; il en résulte la mort cellulaire ou l’apparition d’une génération de mutants non viables ou incapables de se reproduire.

Les bases pyrimidiques de l’A.R.N. des virus sont constituées de cytosine et d’uracile, au lieu de thymine et de cytosine pour l’A.D.N. des bactéries. La dimérisation de la thymine est plus facilement induite par les UV que celle de l’uracile. Ceci peut expliquer la plus grande résistance des virus.

Les réovirus ont un double brin d’A.R.N., sur lequel davantage de dommages seraient nécessaires à l’inactivation ou qui permettrait la redondance des informations, ce qui est impossible sur un A.R.N. monobrin tel que celui du poliovirus. Les réovirus sont 3 fois plus grands que les poliovirus et possèdent une double membrane protéinique, qui absorberait mieux les UV.

A l’intérieur du même genre bactérien, la réponse peut être variable selon l'espèce, en raison de la grosseur ou de la composition du génome . Pour que la résultante de l’irradiation soit l’inactivation, les micro-organismes doivent subir de multiples attaques au niveau du génome. Les acides nucléiques requièrent des dizaines voire des centaines de transformations photochimiques pour que la réplication soit rendue non fonctionnelle. En dehors de quelques exceptions, les organismes chez qui on observe une résistance sont généralement ceux qui sont le plus gros (plus de dommages nécessaires et de plus grandes chances de contenir des protéines qui absorbent le rayon). Jagger (1967) rapportait que les diméres de thymine sont plus facilement formés que les autres types. Donc, plus un génome contiendrait de thymine, plus il serait sensible.

Reviviscence des micro-organismes

Le rayon UV cible principalement les acides nucléiques et provoque la formation de dimère de pyrimidines. Or, bien que les dimères soient des complexes relativement stables, certains micro-organismes développent des mécanismes pour détourner l’agression :

Ce mécanisme est basé sur une réparation enzymatique, par monomérisation des dimères de la base pyrimidique. La réaction est catalysée par des longueurs d’onde de 320 à 500 nm, c’est à dire sous l’action de la lumière solaire. Une étude réalisée sur la photoréactivation suggère que celle-ci se fasse en 2 étapes. Dans un premier temps, il y aurait formation d’un complexe entre l’enzyme de photoréactivation et le dimére de pyrimidines, cette étape ne nécessite pas la présence de lumière ; dans un deuxième temps, l’énergie lumineuse absorbée provoque la monomérisation du dimère et éventuellement la destruction du complexe EPR-enzyme. Le nombre d’enzymes présents varie d’un organisme à l’autre et la vitesse de formation des complexes est dépendante entre autres de la température et du pH. Ainsi, le nombre de complexes formés est limité par le nombre d’enzymes disponibles au niveau de la cellule, la capacité de photoréactiver variant d’un organisme à l’autre.

La photoréactivation est possible pour les germes suivants :

Les streptocoques ont une très faible capacité de photoréactivation.

Des études en laboratoire (Haaris et al., 1987) ont montré des accroissements de 2 à 3 Ulog en Escherichia coli après exposition à la lumière visible.

Sur site, Whithy et al.,(1994) ont étudié les facteurs influençant la photoréactivation :

Cependant, la plupart des observations faites sur la photoréactivation proviennent d’études de laboratoire. Les quelques essais réalisés sur le terrain semblent démontrer que la photoréactivation n’est pratiquement pas observable en milieu naturel. Selon Whitby et al., (1993) d’autres facteurs tels la sédimentation et l’effet létal naturel du soleil empêcheraient toute augmentation significative du nombre de bactéries. La photoréactivation doit donc être prise en compte si les conditions environnementales du milieu de rejet (lacs ou rivières à eaux claires) laissent à penser que ce phénomène peut se produire.

La réparation des dommages causés par les UV est également possible à l’obscurité. Elle se base sur une réaction enzymatique plus simple que la photoréactivation. Son effet est négligeable face à la photoréactivation.

Etant des parasites obligatoires, les virus ne possèdent pas de système enzymatique indépendant ce qui veut dire que pour se multiplier, ils doivent infecter une cellule hôte et utiliser les outils de travail de la cellule qu’ils infectent. Donc, après son passage à la désinfection UV, il faut que 3 conditions soient réunies pour qu’un virus produise une infection :

Cela signifie qu’en pratique, on ne verra pas le nombre de virus humains augmenter directement à la sortie de l’unité de désinfection, même s’il est exposé à la lumière visible. Par contre, des expériences avec des virus tels que l’herpès simplex et quelques adénovirus ont mis en évidence des phénomènes de réparation post-infection. Avec l’aide de la machinerie enzymatique de la cellule hôte, les dommages causés par l’UV seraient réparés par l’excision-resynthèse. Une autre possibilité consiste en une réactivation en raison de l’infection d’une même cellule par plusieurs virus simultanément (réactivation par l’infection multiple). Ainsi, le virus endommagé, incapable d’initier seul une infection pourrait le faire avec l’aide d’un virus compagnon.


extrait de:

MIGNOT V. La désinfection des eaux usées. Mém. D.U. "Eau et Environnement", univ. Picardie, 58 p. + annexes.

Jacques;beauchamp@sc.u-picardie.fr