QUELQUES DONNEES  SUR L'IRRIGATION

exemple de l'Oise

Olivier PROERES  (*)




L'eau et la plante


La circulation de l'eau dans la plante est assurée par un phénomène biologique appelé la transpiration. La transpiration, qui est la vaporisation de l'eau au niveau des feuilles, crée une dépression permettant la remontée de l'eau du sol par l'intermédiaire des racines. L'énergie permettant au système de fonctionner est foumie par le rayonnement solaire.
Les deux rôles principaux de cette eau vis à vis des plantes sont :

L'évaporation des cultures ne peut être estimée facilement que si la plante satisfait à tous ses besoins (sol humide). On parle alors d'évapotranspiration maximale d'une culture (E.T.M.).

L'E.T.P. est une donnée climatique calculée quotidiennement par les services de la météorologie nationale à partir de la température, de la vitesse du vent, de l'humidité et de la durée d'insolation (formule de Penman). Elle se définit comme la perte d'eau sous forme de vapeur d'eau d'un couvert végétal de référence, prairie bien entretenue, disposant d'une alimentation en eau suffisante pour qu'elle ne limite pas la transpiration).

L' E.T.M. est liée à la fois au climat et à la culture. Ainsi, elle s'exprime en multipliant l'E.T.P. par un coefficient Kc qui dépend du stade de la culture. Ce coefficient est faible quand la culture est peu développée (peu de surface foliaire) et devient supérieur à 1 quand la surface foliaire est maximale.

Cependant, diverses causes font que généralement une plante n'atteint que très rarernent son E.T.M. (manque d'eau, démarrage lent de la plante, activité métabolique réduite du fait de maladies ou de parasites, enracinement insuffisamment développé). On parle alors d'évapotranspiration réelle (E.T.R) qui sera toujours inférieure à l'E.T.M. et qui correspondra aux prélèvements réels en eau de la plante.

Le rôle de l'eau dans la plante est primordial, et même si un déficit n'est pas obligatoirement fatal il est toujours handicapant. L'irrigation a pour but d'optimiser la croissance et améliorer la qualité de la plante en apportant, en complément des précipitations, l'eau nécessaire.
 


L'enjeu économique

L'agriculteur a toujours essayé d'améliorer la qualité et les rendements de ses récoltes. Il a recherché des variétés plus productives, plus résistantes aux aléas climatiques (verse, échaudage, maladies...) ceci par des croisements et aujourd'hui  la recherehe génétique. Il a utilisé des amendements à base de fumiers, puis une large panoplie d'engrais et divers éléments nutritifs. De même, il a essayé de combattre la concurrenee des mauvaises herbes, des maladies ou des insectes nuisibles avec le binage ou divers produits phytosanitaires.
L'irrigation est venue compléter les intrants. Le souci est d'améliorer la qualité, facteur qui prend de plus en plus d'importance dans l'environnement concurrentiel de 1'agriculture moderne, et d'augmenter la quantité, en améliorant le rendement mais surtout en évitant des « catastrophes économiques » les années de fort déficit en eau. L'irrigation permet donc de sécuriser le revenu en obtenant une récolte en année sèche, et de répondre aux exigences du marché avec une meilleure qualité, une plus grande régularité, et une diversification accrue.


L'évolution de l'irrigation dans le monde

Dès l'époque néolithique, l'irrigation est réalisée par détournement de cours d'eau, pérennes ou non, pour l'arrosage des cultures dans les régions arides. Puis, très rapidement, l'homme aménage des dérivations ou des stockages dans des méandres abandonnés et finit par construire des canaux et des barrages. Enfin, il emploie différents systèmes de relèvement de l'eau.
Depuis, les techniques ont encore évolué et quatre méthodes d'irrigation sont aujourd'hui utilisées dans le monde :
l'irtigation gravitaire, de surface ou souterraine, effectuée par des conduits poreux ou perforés,
l'irrigation par aspersion réalisée par « sprinklers » ou canons ,
l'irrigation par submersion,
l'irrigation localisée et micro-irrigation ou couramment appelée système du « goutte à goutte ».

Aujourd'hui, l'irrigation (260 millions d'hectares) représente 6 % de la S.A.U. mondiale mais produit près de 40 % de la producion agricole et 55 % des produits alimentaires de base (essentiellement, blé et riz).


L'irrigation en France

Le boum des années 80

L'irrigation moderne fut lancée en France vers la fin des années 1950, mais connut un développement très mesuré des années 1955 à 1980 avec une progression de 399 000 ha en 35 ans. Dans les années 1980, en revanche, le développement s'accélère et les surfaces irriguées augmentent de 819 000 ha en 15 ans pour atteindre le chiffre de 1 620 000 ha en 1995. La surfase irriguée en France représente cette année là 5,7 % de la surface agricole utilisée (SAU) et 9 % de la surface des terres labourables.

Figure n°1: Evolution de la surface irriguée en France de 1955 à 1995 (d'après JANIN, 1996).
 

Suite à cette augmentation, la tendance nationale est à la stabilisation depuis 10 ans et la surface totale irriguée en France en 2000 est d'environ 1 500 000 ha), soit pratiquement la même qu'en 1990.

En France, les 4/5ème des prélèvements en eau pour les besoins agricoles proviennent des ressources superficielles, l'autre cinquième étant pompé dans les nappes.


 Tableau I: Evolution par culture des surfaces irriguées en France de 1979 à 1985 (d'après documents de la Chambre d'Agriculture de l'Oise).
 

L'irrigation en France concerne de nombreuses cultures (cf. tableau n°I). La culture la plus irriguée au niveau national depuis plus de 25 ans est cependant le maïs. En 1995, cette culture représente 43 % de la surface totale irriguée (cf. figure n°2), avec un doublement des surfaces irriguées de 1979 à 1995. Suivent les cultures légumières (haricots verts, épinards, maïs doux, brocolis, oignons...), les fourrages et les vergers avec 9 %, elles aussi en augmentation sensible.

Figure 2 : Pourcentage par culture des surfaces irriguées en France en 1995 (d'après  documents  de la Chambre d'Agriculture de l'Oise)
 

Le sud, mais pas seulement

La répartition de l'irrigation en fonction des cultures démontre son développement sur l'ensemble du territoire français. En effet, même si elle reste plus importante dans le sud du pays  avec le maïs comme culture dominants dans le sud-ouest ou les vergers dans le sud-est, le pays dans son ensemble (les départements en blanc ne sont pas forcément sans irrigation) est concerné par l'irrigation ne serait ce qu'à un faible pourcentage. C'est en particulier le cas de la région Picardie et de ses trois départements, l'Aisne (2% de la S.A.U. irriguée), la Somme (3,8 %) et l'Oise (1,8 %).


L'irrigation dans l'Oise

Historique

L'irrigation fit son apparition dans le département de l'Oise  au cours des années 1960 avec l'introduction ponctuelle dans les rotations culturales du haricot vert dans toute la moitié est du département et du maïs grain, celle-ci de façon beaucoup plus généralisée, dans le sud-ouest.

Avec l'introduction des haricots verts, l'arrivée de l'irrigation sur l'exploitation permit le développement de la pomme de terre (consommation, fécule, plant) déjà présente dans les assolements. Depuis, d'autres légumes ont été introduits  comme les épinards (en culture dérobée) ou réintroduit  comme les flageolets ou les petits pois.
Dans le sud-ouest du département, en revanche, l'irrigation, originellement prévue pour le maïs grain (qui a perdu de son intérêt économique) fut progressivement détournée au profit des céréales et des pois protéagineux avec l'objectif de rentabiliser le matériel déjà présent sur l'exploitation.

Sur l'ensemble du département, l'irrigation de la betterave est courante les années sèches pour des exploitations dans lesquelles l'installation a été réalisée.
 

De nos jours


Cette répartition géographique des prélèvements en eau pour l'irrigation est encoré rétrouvée avec deux bassins versants dominants, le bassin de la Troesne (50 forages) dans le sud-ouest et le bassin de l'Aronde (43 forages) dans l'est.

En 1998 la S.A.U. totale du département est de 377 000 ha. Le blé en est la principale culture, et de loin, avec 156 000 ha, soit plus de 41% de la S.A.U. (cf. tableau n°II). Au même titre que les autres cultures les plus fréquemment retrouvées dans l'Oise (betteraves, pois protéagineux, orge, escourgeon), la culture du blé n'exige pas l'installation de l'irrigation. Et même si l'irngation est utilisée en année sèche sur les betteraves, les pois ou parfois le blé, ce ne sont que des pratiques marginales, sur des exploitations où l'irrigation a été installée pour d'autres cultures.
La proportion de surface irriguée dans l'Oise est actuellement estimée à moins de 2% de la S.A.U., c'est à dire moins de 7 500 ha.
 
 

Cultures Blé tendre Betteraves Pois protéagineux Orge/Escourgeon Fourrages
Surfaces (ha) 156 000 43 500  34 700 31 600 13 100

Tableau II: Surfaces des principales productions végétales dans le département de l'Oise en 1998
 
 

Volume d'eau utilisée par culture dans le bassin versant de l'Aronde.

Le type d'année est déterminé par rapport à la moyenne de la pluviométrie depuis 1945 dans le bassin et de l'ETP depuis 1969 pour les mois d'irrigation (de mai à août). Sur ces quatre mois, les précipitations moyennes depuis 1945 sont de 54,4 mm et l'ETP moyenne depuis 1969 est de 109 mm.
 
 
Mois
mai
juin
juillet
août
Précipitations (mm)
58,7
62,5
45,0
51,4
ETP (mm)
94
108
126
107

Tableau III: Moyenne des précipitations de 1945 à 1999 sur le bassin de l'Aronde et de l'ETP à Beauvais de 1950 à 1999 pour les mois d'irrigation
(Extrait et modifé des bulletins météorologiques, Météo France)
 
 
 
 
Année 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999
Précipitations (mm) 34,6 44,1 68,3 62,6 53,7 48,5 50,6 64,7 31,1 43,9
ETP (mm) 131,4 105,5 112,8 111,2 115,0 122,7 116,5 113,4 116,4 123,1

Tableau IV: Moyenne mensuelle des précipitations à La Neuville-Roy et de l'ETP à  Beauvais pour Ies mois de mai à août des années 1990 à 1999  (Extrait et modifié des bulletins météorologiques, Météo France)

Sur les dix dernières années , 1990 et 98, (1991 et 99 dans une moindre mesure), sont des années dites "sèches". En revanche, 1992, 93 et 97 sont des années dites "humides".

Il apparaît ici une contradiction pour les années 1992 et 1997, années où le débit de l'Aronde était le plus faible de la décennie. En effet, malgré des précipitations abondantes de mai à août (d'où l'appellation année humide) ce fut des années avec une très faible recharge de la nappe durant l'hiver précédent (précipitations très faibles pendant la période où les infiltrations sont efficaces, généralement de novembre à mars).
 

La culture ayant le plus grand besoin en eau est la pomme de terre, suivie des haricots verts et des épinards.
 
 

cutures année sèche année normale année humide
Pommes de terre 183 130 85
Haricots 107 73 46
Betteraves 65 29 0
Epinards 112 74 46

Tableau V: Apport annuel moyen en eau (en mm) sur les principales cultures du bassin de l' Aronde en fonction de l'année
 
 
 


REFERENCES

Association Générale des Producteurs de Maïs (1998) - Plaidoyer pour l'irrigation.

Chambre d Agriculture de l'Oise (1999) - L'agriculture de l'Oise en chiffre. 2 p.

JANIN J.L. (1996) - L'irrigation en France depuis 1988

VERDIER J. (1997) - Importance stratégique du développement des cultures irriguées au plan mondial.  Forum sur " de l'eau pour tous " politlgue de l'eau et devenir des cultures irriguées, Montpellier, le 17 septembre I997
 

www.irrigation.org
 



(*)  extraits adaptés de:

PROERES O. (2000) - L'irrigation dans le bassin versant de l'Aronde: étude d'une gestion concertée de la ressource en eau. Mém. D.U.E.S.S. "Eau et Environnement", D.E.P., Univ. de Picardie Jules Verne, Amiens, 96 p.
 

jacques.beauchamp@sc.u-picardie.fr