Intégration des membranes dans la production d'eau potable


par


Aurélie DECAUX (*)






Dans le domaine de l'eau potable, les techniques membranaires s'imposeront de plus en plus dans les unités de production pour améliorer la qualité et le débit d'eau traitée. Ces traitements physiques sont notamment efficaces pour abattre la turbidité, les microorganismes, pour limiter les sous-produits de désinfection et pour améliorer la qualité gustative de l'eau potable.


  1. Les enjeux pour la santé publique

Les progrés de l'analyse chimique révèlent la présence d'éléments en trace (métaux, pesticides, organochlorés) dans l'eau traitée. Les ressources en eau tendent à se dégrader suite aux déversements intempestifs de certaines industries ou de particuliers et de l'impact des pollutions diffuses (phytosanitaires) étalées sur une grande période de temps.

Une eau est qualifiée de potable si elle répond aux normes exigées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Actuellement, quatre axes d'amélioration de la qualité de l'eau potable sont en jeu pour sécuriser la santé publique :


(1) l' abattement des trihalométhanes,

(2) la réduction de la turbidité de l'eau traitée,

(3) la diminution des probabilités de contamination par les micro-organismes (Giardia, Cryptosporidium, virus),

(4) la limitation de la présence des pesticides dans l'eau consommée.


Depuis plus d'un siècle, le chlore a permis d'éradiquer certaines maladies hydriques. Cependant, au cours des années 70, les sous-produits de la chloration (organochlorés) sont suspectés d'être nocifs pour la santé humaine. Les trihalométhanes (THM sont des produits de la réaction du chlore sur la matiére organique par le phénomène de substitution électrophile sur des sites nucléophiles. La production de ces sous-produits de la désinfection (SPD) par chloration est d'autant plus importante que l'eau brute est chargée en substances humiques (acides humiques, humines, acides fulviques); tel est le cas des eaux de surface. Le trihalométhane le plus souvent rencontré est le chloroforme CHCl3 et selon la norme Européenne, les organochlorés semblent augmenter les risques de cancérogenèse pour une personne consommant 2 litres d'eau par jour pendant 70 ans. La chloration est à « proscrire » pour diminuer la présence de ces produits dans l'eau potable. La filtration membranaire oi~re plusieurs avantages dont celui de limiter la quantité de chlore utile pour désinfecter l'eau potable. Le chlore est aujourd'hui additionné à l'eau potable traitée pour éviter, en particulier, la reviviscence bactérienne dans les réseaux de distribution.


En ce qui concerne les risques sanitaires dans les eaux de boissons, les parasites Cryptosporidium sont recherchés dans le milieu hydrique depuis plus d'une dizaine d'années dans quelques pays industrialisés dont l'USA et l'Angleterre suite à l'épidémie de Milwaukee en 1993 (environ 40 000 cas dont plus de 20 mortels). En 1997, le laboratoire du CRECEP (France) a décidé de mettre au point une nouvelle méthode de détection quantitative des oocytes présents dans les eaux de distribution et dans les eaux moyennement turbides. La normalisation de la méthode est en cours. Le parasite Cryptosporidium parvum est résistant au chlore mais peut être retenu sur les filtres membranaires.


Pour abattre les nitrates, les herbicides, les pesticides, les traitements par l'ozonation et le charbon actif sont conseillés. Des recherches s'orientent vers l'association des techniques membranaires et des techniques physiques précédemment citées pour augmenter l'efficacité du traitement vis-à-vis des herbicides et pour respecter les nouvelles normes de potabilité.


L'évolution des filières de production d'eau potable est en corrélation avec celle des normes. Consciente de la dégradation des ressources en eau, l'Union Européenne a adopté, le 3 novembre 1998, une nouvelle directive « relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ». Les objectifs étant d'actualiser les normes de qualité de la précédente directive « eau potable » et de tenir compte des connaissances scientifiques et médicales. En France, jusqu'à cette transposition en droit français (25 décembre 2003), les normes de qualité en vigueur actuellement sont définies par le décret du 3 janvier 1989. Selon l'Office lnternationale de l'Eau, la nouvelle directive introduit plusieurs innovations importantes, parmi lesquelles il retient surtout les points suivants :


~ la modification des paramètres de qualité de l'eau,

~ le contrôle de la qualité de l'eau s'effectuera au robinet du consommateur,

~ la norme relative au plomb est fortement modifiée, passant progressivement de 50 µg/L à 10 µg/L.


Pour répondre aux normes de plus en plus sévères (depuis 40 ans) et optimiser leur capacité de production ou pour répondre aux exigences qualitatives/quantitatives des consommateurs, certaines usines de production d'eau potable choisissent de rénover leurs installations en intégrant des procédés membranaires. Les membranes d'ultrafiltration et de nanofiltration constituent des barrières physiques pour les micro-organismes, elles permettent d'abattre plus ou moins les précurseurs des sous-produits de désinfection ou d'oxydation, et elles combinent plusieurs traitements en un seul (compacité, simplification de leur opération). L'intégration des membranes au process de l'usine est un investissement lourd mais qui permet de baisser les coûts à long terme et augmenter les débits de production . Les performances de rétention des membranes sont présentées dans le tableau 18.



Tableau 18 : Enlèvement des contaminants par les procédés à membranes (adapté de Buisson et al., 1998 et de Taylor et Wiesner, 1999) (extrait d'un article de C.Bouchard et al.- 2000).

légende:

T, enlèvement total (> 99%) P, enlèvement partiel préc., précipitation

coag., coagulation CAP, charbon actif en poudre





  1. L'élimination des pesticides : couplage nanofiltration - filtration sur charbon actif

Les produits phytosanitaires sont des substances chimiques employées pour désherber et pour lutter contre les organismes nuisibles aux plantes. Les pesticides regroupent notamment les herbicides , les insecticides, les nématicides, les acaricides, les molluscicides...


Les produits de consommation tels que les fruits et les légumes représentent plus de 90% des risques d'adsorption des pesticides. Dans l'environnement, des concentrations anormales de pesticides ou de produits apparentés sont observées dans les ressources en eau. Certains pesticides peuvent s'accumuler dans les tissus des organismes aquatiques. Un eau extrêmement polluée par des pesticides peut être responsable de la stérilisation des cours d'eau (baisse du taux d'éclosion des oeufs) et de la disparition des poissons. L'agriculture contribue à alimenter cette pollution des eaux mais d'autres activités sont à remettre en cause : entretien d'espaces verts par les collectivités locales, désherbages des voies ferrées, accotements des routes et autoroutes par les services publics et entretien des jardins par les particuliers. La contamination des eaux brutes résulte du lessivage des sols et de l'infiltration.


L'Union européenne et la France soutiennent la mise en oeuvre des pratiques agricoles raisonnées pour promouvoir un développement agricole durable et pour protéger au mieux les ressources d'eaux de surface et souterraines pour les générations futures. La politique de protection de l'environnement et de l'eau n'est pas anodine dans le sens où les traitements curatifs, c'est à dire la neutralisation des pollutions au cours du cycle de production d'eau potable sont onéreux et impliquent une hausse du prix du métre cube au consommateur final. Même si la technologie permet d'obtenir des eaux potables de bonnes qualités, la démarche de prévention reste la solution majeure. En amont, des mesures sont mises en oeuvre :


· développer des pratiques agricoles plus raisonnées

· modifier les pratiques de désherbage des bordures d'autoroute, des talus et des voies ferrées et l'utilisation domestique de ces mêmes produits.

· supprimer l'utilisation de certains pesticides nocifs à la santé, ou en réglementer plus strictement la vente et l'utilisation.

· faire respecter les périmètres de protection autour des points de captage comme les textes réglementaires le stipulent.

(Extrait de l'Office International de l'Eau-2000)


    1. La dégradation des ressources en eau par les pesticides

L'une des préoccupations majeures des producteurs d'eau potable est l'élimination de ces pesticides dans l'eau de consommation. Les micropolluants tels que les triazines et les phénylurées sont transportés par les processus d'infiltration et de ruissellement jusqu'aux eaux de surface et souterraine. Leur toxicité est surtout liée à leur persistance dans les sols et dans les eaux. La durée de vie des organophosphorés et chlorés est d'une quinzaine d'années dans les sols. Les triazines persistent 2 à 3 ans dans les eaux.

II y a une trentaine d'années, les pesticides étaient peu nombreux et leurs solubilités étaient faibles. Les effets d'accumulation des organochlorés ont favorisé l'émergence de nouvelles substances, à la fois plus solubles, plus nombreuses et à faible accumulation (RICHARDIS- 2000). Pour exemple, l'emploi du DDT (un phytosanitaire), aujourd'hui interdit, fut remplacé par le parathion et le malathion. Ces organophosphorés sont sans effet de bioaccumulation. Les pesticides les plus utilisés aujourd'hui sont : l'atrazine (herbicide souvent utilisé pour le maïs), l'amazine, l'isoproturon, le diuron.


En France, près de 100 000 tonnes sont utilisées par an. Sous la pression parasitaire et des objectifs de productivités, l'agriculture représente 85% de ce tonnage.


En Europe, sur les 25 000 molécules disponibles sur le marché, 500 à 600 sont réellement utilisées. D'après Heike Schmitt de l'Organisation Pesticides Action Network Europe (PANEUROPE), l'agriculture et la syviculture emploient d'importants volumes de substances cbimiques traduisant une réelle dépendance liée aux pesticides.

La directive européenne (n°80-778/CEE du 15 juillet 1980) relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine limite à 0,1 µg/L la concentration maximale pour chaque substance et à 0,5 µg/L la concentration totale en pesticides présents dans l'eau. Cette directive a été appliquée en droit français par le décret du 3 janvier 1989 modifiée en particulier en 1995 pour les substances toxiques. Pour l'aldrine (insecticide), la dieldrine (insecticide), l'heptachlore (insecticide à large spectre utilisé notamment contre les termites) et l'époxyde d'heptachlore (insecticide à large spectre), un taux plus sévère est fixé à 0,03 µg/L. La directive n°98-83 durcit les normes pour l'eau potable en y ajoutant les métabolites des pesticides (exemple : atrazine, son métabolite la deséthylatrazine (DEA)) formés lors de la biodégradation, de l'oxydation ou de l'oxydation radicalaire. Cela implique l'interdiction d'utilisation des traitements de transformation et la régénération très fréquente des charbons actifs en grain (BOUSSAHEI.)


En réaction à ces normes relatives à la qualité de l'eau distribuée, les sociétés de service des eaux procèdent à des solutions d'urgence en cas de dépassement accidentels. Ces solutions consistent soit à injecter du charbon actif pulvérulent pour neutraliser les micropolluants. Selon l'Office International de l'Eau, sur les 6 milliards de m3 d'eau potable produits chaque année dans les 16 000 unités de traitement et distribués, seule une faible part est concernée par des dépassements durables et/ou récurrents notamment observés dans les zones agricoles intensives. La réglementation française prévoit la mise en oeuvre de programme d'amélioration de la qualité des eaux par les pouvoirs publics : recherche de nouveaux captages, équipement des unités de traitement d'eau avec des filières permanentes de traitement des pesticides.


Pour faire face à la dégradation des ressources eau et respecter les normes de plus en plus sévères, les producteurs d'eau potable se tournent vers les techniques à membranes notamment l'utilisation des nanofiltres.


    1. Evolution chronologique des voies d'élimination des pesticides

Les pesticides sont en général des molécules très solubles donc non coagulables ni décantables. Les procédés classiques de traitement de l'eau (fioculation/décantation, filtration sur sable, oxydation conventionnelle) sont inefficaces sur les pesticides. Seuls les procédés d'oxydation poussée, couplant l'ozone et un activateur (03/H2O2, 03/UV, H2O2 /UV), et/ou les procédés d'adsorption sur le charbon actif, sont réellement efficaces (CARDOT- 2000).


      1. Adsorption sur le Charbon Actif en Poudre (CAP)

Il y a une trentaine d'années, le Charbon Actif en Poudre (CAP) était utilisé pour sa capacité d'adsorber efficacement les molécules organochlorées hydrophobes. Le CAP est un réactif pulvérulent de granulométrie fine (10 à 50 µm). Sa place est en tête de la filière, au niveau du décanteur. En raison des variations aléatoires des concentrations en pesticides, la mise en oeuvre était difficile et la maintenance exigée était très contraignante (BOUSSAHEL et al - 2000).

Aujourd'hui, le CAP est préconisé pour les pointes de pollutions temporaires ou accidentelles, de pesticides ou de toxiques divers. Mais, ces pointes de pollutions sont difficiles à mettre en évidence.


      1. Filtration sur le Charbon Actif en Grain (CAG)

Le Charbon Actif en Grain (CAG) élimine des micropolluants organiques et la matière organique (compétitions inter-polluants). Le taux en pesticides est abattu par le phénomène d'adsorption. L'élimination du carbone organique dissous biodégradable (CODB) met en jeu les processus d'adsorption et de biodégradation (processus enzymatique bactérien). Les micropores, représentant jusqu'à 95% de la surface totale du charbon, sont les lieux d'adsorption. La taille des bactéries ne leur permettent pas de pénétrer à l'intérieur du charbon. En un ou deux mois, elles se développent en surface et forment un biofilm. (biomasse colonisatrice).


La mise en oeuvre ne nécessite qu'un simple lavage et une régénération périodique. Pourtant, des difficultés d'exploitation ont été révélées c'est à dire l'adaptation à la variabilité de la qualité de l'eau brute et la bio-transformation dans ces filtres des molécules adsorbées (BOUSSAHEL. et al.- 2000). De plus, lors des pointes de pollution, le charbon actif en poudre est injecté au niveau de la clarification.


      1. La nanofiltration : nouvelle voie d'élimination des pesticides

L'élimination des pesticides dépend de la nature de la membrane, de la solubilité des substances, de leurs interactions avec les membranes (mécanisme de répulsion électrostatique), de leur taille (poids et diamètre moléculaires) et de leur structure moléculaire. Les caractéristiques physico-chimiques, haut poids moléculaire (>300g/M) et faible solubilité dans l'eau, favorisent des taux d'abattement élevés. Cependant, si la molécule présente un moment dipolaire plus élevé, le résultat de l'élimination peut diminuer.


La nature du matériau de la membrane (polyamide, amine, acétate de cellulose) influence le mécanisme de rétention. La rétention d'une molécule donnée (poids moléculaire, diamètre moléculaire) correspond à la fraction des pores dont le diamètre est plus petit que la molécule à éliminer. Les taux de rétention dans les résultats publiés varient pour certains pesticides entre 70 et 95%.


La rétention d'une molécule est fonction de plusieurs paramètres : sa taille, sa masse molaire, sa structure. La structure de la molécule et l'encombrement stérique qui en résulte jouent un rôle prépondérant. Le diuron et l'isoproturon, par exemple, sont des grosses molécules, de masses élevées et de structures quasiment linéaires (faible encombrement stérique), elles sont donc moins bien retenues et quelles que soient les membranes utilisées.


Il semble que la présence des matières organiques (MO) favorise l'élimination de certains pesticides comme l'atrazine et la simazine. Le phénomène d'adsorption des pesticides sur la MO se fait :


* soit par physisorption: grâce aux interactions de faible énergie (physisorption) entre les triazines et les matières organiques naturelles (MON). Les triazines s'adsorbent sur les MON;

* soit par chimisorption : les acides humiques hydrophobes par exemple qui présentent un certains nombre de sites fonctionnels interagissent avec l'atrazine.

Dans ce cas, plusieurs mécanismes peuvent expliquer l'élimination de certains pesticides :


1. par l'adsorption du complexe sur les membranes hydrophobes : le caractère hydrophobe de certaines matières organiques naturelles les pousse à s'adsorber à la surface de la membrane. Les triazines adsorbées sur ces matières organiques peuvent être retenues ;

2. par l'exclusion stérique (taille des complexes formées)

3.par la diminution de leur diffusion au travers de 1a membrane : la densité de charge des MON se trouve augmentée par l'adsorption des triazines induisant ainsi un phénomène de répulsion électrostatique (BOUSSAHEL.aI- 2000).


Les nanofiltres n'éliminent pas complètement les pesticides. La performance de la nanofiltration dépend de plusieurs facteurs et imposerait l'étude de toutes les familles de pesticides sur les différents types de membranes. Par sécurité et pour garantir en tout temps la norme de 0,1 µg/L pour toutes molécules phytosanitaires, un traitement supplémentaire (la filtration sur CAG) est préconisé. L'un des avantages de la nanofiltration sera alors de diminuer de 20 fois la fréquence de régénération des CAG (baisse le coût de la maintenance).


Mais pour cause de coût de mise en place excessif, la majorité des producteurs rétablissent la qualité de l'eau en sortie d'usine en mettant en oeuvre d'autres mesures :


· Dilution ou mélange des eaux « saines » à l'eau non conforme, ou à une interconnexion, c'est à dire s'approvisionner sur un autre réseau de distribution.

· Traitements physico-chimiques, avec utilisation du charbon actif :

- injection d'une dose de charbon actif en début de traitement et lors d'une période de crise (après orages, par exemple);

- filtration sur charbon actif en grains couplée à une oxydation par l'ozone et l'eau oxygénée.




  1. L'étape d'affinage

L'affinage consiste à améliorer la qualité de l'eau traitée en micro-polluants, en microorganismes pathogènes et en chlore résiduel. L'eau affinée est par voie de conséquence de qualités organoleptiques (saveur, odeur, limpidité) supérieures. Après les prétraitements et la clarification, les procédés d'affinage mis en oeuvres sont l'ozonation, la filtration sur charbon actif ou la filtration sur membrane. Certains micro-polluants sont ainsi éliminés ou adsorbés, et les matières organiques sont oxydées et biodégradées. Une clarification traditionnelle suivie d'une filtration membranaire élève le taux d'abattement du carbone organique dissous (COD) ce qui se répercute sur la demande en chlore moins importante. Le risque de former des sousproduits de la désinfection et des trihalométhanes est alors réduit.


La nanofiltration est un traitement d'affinage efficace vis-à-vis des pesticides, des trihatométhanes et des matières organiques (MO) responsables des goûts, couleurs et odeurs. La nanofiltration adoucit l'eau (sulfates de calcium et de magnésium) et parfois, une reminéralisation finale s'impose afin d'éviter la corrosion du réseau de distribution. Sous certaines conditions, la nanofiltration peut éliminer les fiuorures.


Selon Marie RICHARDIS, la plupart des recherches et des applications pratiques ont eu lieu aux Etats-Unis, en Floride, par exemple, avec des installations d'adoucissement par membrane. Ces dernières années, la nanofiltration émerge sur le continent Européen, dans le domaine du traitement de l'eau alors que depuis vingtaine d'années, la nanofiltration est utilisée pour produire des eaux ultra-pures en laboratoire, pour dessaler l'eau de mer ou dans les industries agro-alimentaires (jus de fruit, bière).


L'usine de Méry-sur-Oise (Générale des Eaux/ VIVENDI) est un bon exemple d'intégration de la nanofiltration dans le process de production d'eau potable.





      3.1 L'usine de nanofiltration de MERY-SUR-OISE

L'usine de Méry-sur-Oise date de 1965. Elle est l'une des 3 propriétés du Syndicat des Eaux de l'Ile-de-France (SEDIF) exploitée par la Générale des Eaux. Depuis le 22 septembre 1999, cette usine produit jusqu'à 340 000 m3 d'eau potable par jour dont 140 000 m3 sont issus de la filière membranaire et 200 000 m3 de la filière biologique. En fait, la production de la filière biologique varie entre 30 000 m3 et 200 000 m3 par jour en fonction des besoins en eau. Cette capacité de surproduction a pour objectif d'assurer les besoins en eau potable lorsque l'une des deux autres usines est confrontée à une pollution accidentelle ou à un dysfonctionnement. L'eau distribuée plus douce, sans goût de chlore et qui ne se dégrade pas dans le réseau de distribution alimente 800 000 habitants répartis dans 39 communes situées au nord-ouest de la région parisienne.


Selon Schneider Electric Industries, le SEDIF a investi un million de francs dans cette usine, ce qui devrait engendrer un surcoût de l'ordre de 85 centimes au m3. Vingt pourcent de cet investissement concerne l'électricité et les automatismes.


Le choix de la nanofiltration a été guidé par ce problème de pollutions notamment par les pesticides et fait suite à des campagnes d'essais (dès 1992) fournissant en eau potable l'agglomération voisine d'Auvers-sur-Oise. En raison du succès de l'installation pilote (3000 m3 par jour), la nanofiltration a été étendue à l'ensemble de l'usine.


      1. La nanofiltration

Le process initial comportait les étapes de coagulation-floculation-sédimentation, une préozonation, un filtre multicouche et une étape de chloration. Aujourd'hui, l'unité de nanofiltration se substitue à l'étape d'affinage par ozonation et filtration biologique sur CAG.

Méry-sur-Oise utilise des modules spiralés à membrane composite (schéma 4) où l'eau brute circule le long des espaceurs et où l'eau traitée est drainée par la membrane et est rassemblée au tube collecteur. Un module de membrane de longueur 1 mètre comprend des feuilles doubles enroulées en spirale et de porosité de I nm.




Schéma 4: Les éléments d'un module spiral ( GOULD -1995)



Les membranes NF 200 sont fournies par l'entreprise DOW et OTV, par le biais de OTV Industries a assuré la fourniture et le montage des équipements périphériques.


L'unité de nanofiltration (schéma 5) se divise en 3 étages de membranes assemblées en série au sein de tubes de pression en PVC et SVR capables de résister à des pressions de 120 bars. Le premier étage comprend 2 blocs de 54 tubes, le second étage comprend 1 bloc de 54 tubes et le troisième étage, 1 bloc de 28 tubes. Au total, 4 blocs constituent une file de traitement.





Schéma 5 : Agencement des 4 blocs en série-parallèle dans une fi1e de traitement (Données de OTV-2000)


A la sortie d'une membrane, le perméat constitue environ 15% de l'eau entrée. A chaque étage, le perméat est récupéré, tandis que le concentrat est injecté dans l'étage suivant. Au final, le rendement en perméat atteint près de 85% de l'eau brute (tableau 19).


Taux de conversion Y

Type de module

Pression de service

85,00%

Module spirale à membrane composite

8-15 bars selon la température de l'eau



Tableau 19 : Exemple de Méry-sur-Oise, valeur de Y en fonction du procédé (données SEDIF-2000)



Toujours selon OTV, le bâtiment de nanofiltration (100 m de long sur 40 m de large) séparé en deux par un couloir central abrite :


- 8 files de traitement ou trains de membranes - 8 files x 4 blocs/file = 32 blocs

- 3 blocs x 54 tubes/bloc + 1 bloc x 28 tubes/bloc = 190 tubes/ file - 8 files x 190 tubes/file = 1 520 tubes

- 1 520 tubes x 6 membranes synthétiques/tube = 9 120 membranes - surface de membranes = 340 000 m2 = 70 terrains de football

La mise en route des files s'est faite de façon progressive : « depuis le mois de janvier 1999, la première file est alimentée en eau pour les tests en grandeur réelle. Les files suivantes ont été mises en route de façon échelonnée jusqu'en avril 1999. La livraison définitive date de finjuin 1999» OTV-2000.



Figure 12: Filière membranaire exploitée à l'usine de Méry-sur-0ise (T. LEBLEAU et al., 1998)



En amont de la nanofiltration (figure 12), l'eau filtrée sur sable subit un double prétraitement chimique et physique. Un réactif est injecté pour éviter la précipitation des ions sulfates qui auraient pour effet d'entraîner un colmatage irréversible des membranes. La filtration de sécurité en continu (prétraitement physique) s'effectue sur des poches filtrantes elles-mêmes constituées d'éléments filtrant SEPTRA.

Ces éléments filtrant (membrane entre 2 couches support) sous la forme plissée sont en polypropylène. Un système de décolmatage à contre-courant (backwash) automatisé, compact et sans ajout d'adjuvant entretient le procédé. Périodiquement, le décolmatage est effectué par un écoulement à contre-courant d'eau filtrée. En iraversant, ces éléments, les contaminants se détachent et sont évacués. Ce rétrolavage est assisté par un gaz comprimé (figure 13).




Figure 13 : Système de décolmatage à contre-courant (Inspiré de LEBLEAU et al.- 1998)


Même si l'eau est microfiltrée deux fois sur des membranes de porosité de 10 à 5 pm, pour éviter le colmatage irréversible des membranes, il est conseillé d'effectuer un décolmatage chimique en tant que post-traitement. A Méry-sur-Oise, le post-traitement consiste à effectuer un nettoyage périodique des modules à l'acide citrique (élimine matières minérales) et/ou à la soude (élimine matières organiques).


L'unité de nanofiltration est donc « surprotégée » afin d'augmenter la longévité des membranes et de conserver au mieux leur qualité séparative.


      1. Filières biologique et membranaire

La qualité de l'Oise est variable (-1 à 25°C selon l'époque MES, teneur en polluants) elle est affectée par la pollution en pesticides et présente un haut pouvoir colmatant. La filière biologique reste insuffisante pour traiter cette eau brute. En fonctionnant avec deux filières autonomes, l'eau traitée est plus douce et faiblement chargée en chlore {qualité organoleptique). L'adoucissement de cette eau est accompagnée par l'élimination des nitrates N03. Le tableau 20 résume les étapes qui constituent chacune des 2 filières.

Intégration des membranes dans la production d'eau potable


Deux filières autonomes

Filière membranaire 70%


Coagulation/floculation/décantation à flocs ·

lestés (Actiflo®): clarification


Préozonation : attaque les micro-algues par

l'ozone diffusé dans l'eau par l'intermédiaire

de mélangeurs statiques


Filtration bicouche (sable/anthracite) :

élimine les impuretés encore en suspension

dans l'eau. Cette filtration par tamisage se fait

à travers 10 bassins filtrants.


Préfiltration à 5µm ou cartouche de sécurité : microfiltration élimine les gosses particules restantes supérieures à 6 µm. Huit microfiltres protègent donc les nanofiltres. L'eau est enfin mise sous-pression (8-15 bars en fonction de la température) pour la nanofiltration.


Nanofiltration et dégazage: filtre les micro- polluants, les composés organiques et une partie des sels minéraux et dégazage du CO2 en excès dans le perméat


Désinfection UV : performance sur une eau rendue limpide


Ajustement du pH

Filière biologique 30%



Coagulation/floculation/décantation ·





Filtration sur sable


Filtration biotogique sur CAG









Chloration





Tableau 20 : Présentation de la filière biologique et de la filière membranaire exploitées à l'usine de Méry-sur-0ise (données SEDIF- 2000)





3.2 Installation d'ultrafiltration-XFLOW (fibres creuses) de Clay Lane (Till FREIHAMMER, ingénieur principal de procédé/ Société OTVB - juillet 2000)


L'ultrafiltration est peu applicable au traitement des eaux de surface. Elle est essentiellement usitée pour traiter les eaux souterraines à turbidité épisodique. Tel est le cas de l'exemple présenté. Cette configuration de membrane permet d'éliminer la turbidité, les bactéries et les métaux adsorbés sur les particules en suspension. L'abattement de la matière organique est limité (30 à 50%) ainsi que les pesticides, sauf en présence de charbon actif pulvérulent.


Situé au Royaume-Uni, l'installation de Clay Lane est gérée par la société Three Valleys Water. Cette société produit et distribue l'eau pour une population située un peu au nord de Londres (750 000 personnes).


Un système d'ultrafiltration sera ajouté dans le but de rénover cette installation de production d'eau de consommation. L'installation doit être fonctionnelle au printemps 2 001(schéma 6). Le procédé de filtration utilisé dans ce projet est le « Dead-End-Filtration » ou « filtration frontale » .





Schéma 6 : La filière de traitement à Clay Lane (extrait d'un article de SCOTT et ROULEAU- 2000).



La station fonctionne depuis 1950 et est alimentée par une eau de forage extraite aux environs de 60 mètres de profondeur. La turbidité, élément clé du choix de la filière de traitement, varie entre 0,3 et 0,4 mg/L de MES. L'eau brute est traitée par une ozonation, une filtration sur du charbon actif granuleux puis, une fois chlorée l'eau traitée est acheminée dans le réseau de distribution. L'utilisation du charbon actif s'impose pour faire face à des problèmes particuliers comme les pesticides.


En vue d'améliorer la qualité de l'eau distribuée et d'obtenir un débit de production de 160 000 m3/jour contre un débit actuel oscillant entre 100 000 et l20 000 m3 /jour, la société Three Valleys Water a choisi d'ajouter l'ultrafiltration à la chaîne existante.


Le choix d'um procédé de filtration fait suite à des essais pilotes et des essais de perfomance. La société OTVB, avant d'obtenir le contrat actuel, a dû faire une conception (« Design Contract »), technique préliminaire du système. Cette conception implique de sélectionner le fournisseur de membrane et le sous-traitant génie civil pour garantir un démarrage rapide de l'installation.


3.2.1.Barrière bactériologique


L'un des grands avantages de la filtration est de constituer une barrière pour éliminer tout risque de retrouver des parasites ou oocystes de Cryptosporidium dans 1'eau de boisson. Il y a 2 ou 3 ans, un incident a été attribué au Cryptosporidium.


Actuellement, pour assurer la meilleure protection possible vis-à-vis de ces pollutions microbiologiques, l'installation de Clay Lane assure un débit réduit de l00 000 à 120 000 m3 /jour contre un débit maximal de 210 000 m3/jour pour permettre une ozonation plus importante et un temps de contact supérieur.


Le choix du projet de filtration membranaire a été essentiellement dirigé par l'enlèvement des virus (MS2 phage 0,025 µm) et de Cryptosporidium (4 à 6 µm). Si le procédé d'ultrafiltration constitue une barrière totale pour les Cryptosporidium, il ne l'est pas pour l'enlèvement des virus (trop petits). CE procédé garantissant en enlèvement 5 logs pour Cryptosporidium et 3 logs pour les virus, on souhaite obtenir 6 et 4 logs.


Mis à part les paramètres microbiologiques et les pesticides, la turbité a été prise en compte dans le choix du traitement.


      1. La turbidité

Hors pluie, le niveau de turbidité de l'eau brute est de bonne qualité, 0,3 mg./L de MES, et celui de l'eau traitée varie de 0,1 à 0,15 mg/L de MES. L'étape de flltration sur CAG enlève cette turbidité et les MES contenues dans l'eau brute, et en particulier en période de pluie. La région de Londres présente des formations calcaires et si il y a des failles, les eaux de ruissellement plus turbides s'introduisent dans les nappes plus profondes.


La turbidité utilisée pour le dimensionnement est de I mg/L avec une pointe de 2 mg/L, à l'entrée des unités des unités d'ultrafiltration. Le bâtiment et les unités d'ultrafiltration représentent un procédé très compact.


      1. La membrane X-Flow

La membrane X-Flow correspond à une membrane polyéthersulfone, qui va dans un arrangement horizontal. Son seuil de coupure est de 150 à 200 K Dalton. Le diamètre interne est de 0,8 mm. La longueur du module est de 1,5 m et son diamètre est de 20 cm. La membrane de polyéthersulfone a une très bonne résistance au chlore (eau brute chlorée). Cette résistance est exprimée en termes d'heures d'exposition et de ppm de chlore. Cette valeur n'est pas limitante pour le cas de la membrane X-Flow (nouvelle génération de membrane). Le choix de cette membrane a fait appel à des essais pilotes à Clay Lane par les fournisseurs de membranes eux-mêmes.


Les résultats de leurs essais furent exploités par la société OTVB qui a ainsi sélectionné la membrane d'après des critères de process tels que :


1 . le caractère hydrophile ou d'hydrophobicité,

2. la consommation des réactifs chimiques pour le lavage,

  1. le flux proposé, la pression transmembranaire pour ce flux,

  2. 4. le coût de remplacement des membranes,

  1. l'arrangement des membranes dans l'ensemble de la station.

      1. Les installations membranaires

Les installations membranaires sont compactes et permettent ainsi d'économiser de l'espace. C'est pour cette raison qu'un bâtiment de petite taille sera construit; il permettra d'abriter :


Les membranes imposent d'être rétrolavées tous les jours. Le rétrolavage standard est effectué avec de l'eau et les rétrolavages chimiques avec de la soude ou de l'acide. Les eaux de lavage sont ensuite traitées pour respecter la limite de décharge : 168 m3 par jour dans la canalisation d'égout soit environ un millième de la production de 160 000 m3 parjour.


Le second stade de l'installation permet de récupérer les eaux de lavage du premier stade pour les refrltrer. Ce second stade est plus petit :

- 4 unités,

- 12 tubes de pression par unité,

- tubes plus courts : 24 membranes par unité (contre 48 membranes par unité).

Au total, il y a 32 unités d'ultrafiltration pour la production d'eau potable et 4 pour filtrer les eaux de lavage. Dans le bâtiment, des bâches reçoivent les eaux de lavage du premier stade. Dans ce même lieu, les réactifs sont stockés. On trouve la ventilation, les câbles d'électricité, les conduites d'eau, les pompes, le local électrique. Les dimensions de ce bâtiment sont : 42 mètres par 30 mètres. Le coût du projet s'élève de 9 à 10 millions Livres Sterling.



3.2.5. Rétrolavages standard et rétrolavages chimiques (soude; acide)


Le dimensionnement a été fait en fonction d'un lavage standard pour chaque unité d'une durée approximative de 40 secondes toutes les 45 minutes. Le flux de lavage à contre-courant est de 250 L/m2/h.


La société OTVB a prévu 5 000 m3 par jours d'eau de lavages standard et chimique soit environ 3% de perte en eau.


Ces lavages chimiques consistent à injecter dans les unités d'ultrafiltration une solution de soude de concentration défmie (par exemple, pour atteindre un pH de 12,5). La temporisation de trempage est d'environ 10 minutes. Ce temps de contact permet à la soude d'enlever toutes les particules responsables du colmatage des membranes et de la perte de charge. La soude n'est pas régénérée et est donc utilisée pour un seul cycle de lavage.


La fréquence des lavages chimiques à la soude est d'une fois par jour et pour l'acide la fréquence est d'un lavage tous les 4 jours. Les importants volumes de produits acides utilisés sont jugés normaux pour de telles installations.


Les eaux de lavages sont traitées tout de suite dans le bâtiment. Elles sont collectées dans bâche de neutralisation avant d'être retraitées. En effet, à pH 12, les eaux de lavages risqueraient de compromettre le traitement.





3.3. Couplage avec des techniques traditionnels


La microfiltration et l'ultrafiltration sont deux procédés de clarification et de filtration. Leur couplage avec des techniques conventionnelles (charbon actif pulvérulent ou coagulation) est efficace vis-à-vis des polluants dissous (couleur, matières organiques naturelles, pesticides). La mise au point de tels procédés de couplage est facilitée par le développement récent des membranes immergées. Dans le domaine de l'eau potable, la configuration comprend des fibres creuses de microfiltration ou des fibres creuses d'ultrafiltration. Les membranes sont directement immergées dans un réacteur recevant l'eau à traiter et dans lequel est introduit le charbon actif pulvérulent (CAP), le coagulant ou Ia biomasse. Les membranes jouent le rôle de séparateur entre le contenu du réacteur et le perméat.


L'affinage des eaux de surface par couplage de membranes immergées et de CAP permet d'éliminer efiicacement les matières organiques naturelles et les pesticides tout en produisant une faible quantité de boues. Le mode de renouvellement du CAP à l'intérieur du réacteur confère au système une certaine capacité tampon et permet de faire face aux pointes de pollution.


3.3.1. Couplage microfiltration/charbon actif en poudre (MF/CAP)


Les membranes de microfiltration sont associées à une suspension de CAP à concentration élevée. Ces membranes sous forme de fibres creuses constituent une barrière «  absolue » entre l'eau traitée et une zone réactionnelle dans laquelle l'adsorption est réalisée. L'utilisation de la capacité d'adsorption du CAP est optimisée (bonne élimination des pesticides et des matières organiques). Le développement d'une activité bactérienne à l'intérieur du réacteur complète le traitement en assurant l'élimination du carbone organique dissous biodégradable et la nitrification biologique de l'ammoniac.


Comparé à la nanofiltration, le niveau de prétraitement est moins complexe. II peut être utilisé en affinage après clarification (coagulation-floculation-décantation) ou traiter directement une eau brute avec une coagulation «  en ligne » .



Le principe de fonctionnement du procédé MF/CAP est le suivant :



Schéma 7: Module à fibres creuses immergées et écoulement Ext-In (BOUCHARD et al.- 2000)


La couche filtrante est déposée à l'extérieur d'un tube textile qui donne aux fibres une résistance mécanique élevée. La filtration Ext-In permet de récupérer l'eau filtrée à chaque extrémité des fibres dans deux carters de collecte sous une faible dépression (< 0,3 bar). Ces modules sont assemblés en cassettes (unité de dimensionnement industriel). Dans le réacteur, une suspension concentrée de CAP (5 à 20 g/L) est injectée. L'aération par de grosses bulles crée une turbulence au droit des fibres pour limiter les colmatages et pour mettre le CAP en suspension. Son efficacité est renforcée en créant à l'intérieur du réacteur une zone de recirculation (par airliftl. Ceci provoque la circulation de l'eau dans la zone située sous les modules de filtration.

Le mode de renouvellement du CAP permet d'adapter le taux de traitement à la qualité de l'eau à traiter : le mode de gestion est inspiré de celui des boues activées en traitement d'eaux résiduaires. Une fraction de la suspension purgée chaque jour et du CAP neuf est ajouté dans le réacteur pour maintenir constante la concentration globale du charbon actif


3.3.2. Couplage UF/CAP : procédé CRLSTAL®


Le procédé CRISTAL® peut être appliqué directement sur la ressource mais il convient aussi à l'affinage d'une eau déjà clarifiée.

L'usine de Vigneux-sur-Seine (Essonne) pratique l'étape d'affinage par CRlSTAL® pour compléter le traitement classique de l'eau de la Seine.


Avant la rénovation, il se succédait :

. une préchloration,

· une clarification,

· une filtration stu CAG.


Des anomalies de qualité de l'eau traitée étaient liées à la présence occasionnelle de composés halogénés , de micropolluants, de goûts, d'odeurs et de micro-organismes.

Cette unité de production d'une capacité de 55 000 m3/j alimente 200 000 habitants et fait partie intégrante du dispositif de sécurité de distribution d'eau de l'Ile de France.

Afin d'améliorer et de fiabiliser la qualité de l'eau distribuée, après la chaîne de traitement existante l'ozonation est intégrée en 1994 puis, fin 1997 l'étape d'affinnage par CRISTAL® (schéma 8).

Comparé à l'ozonation, CRISTAL® est plus efficace vis-à-vis des composés organiques insaturés, des triazines, des mauvais goûts et des odeurs. En période chaude, l'ozonation n'élimine pas toujours complètement les goûts et les odeurs.



Schéma 8: Procédé CRISTAL® (Cirsee-2000)


« L'absence de goûts et d'odeurs est une attente prioritaire des consommateurs. Les recherches conduites par le Centre lntemational de Recherche sur l'Eau et l'Environnement ont abouti à la conception de CRISTAL®, procédé d'affinage de l'eau (ultrafiltration combinée au charbon actif). Cette combinaison permet de désinfecter l'eau par voie physique, limitant ainsi l'utilisation de chlore. » CIRSEE- 2000.





Conclusion


L'ultrafiltration (pores de 3 à 10 nm) ou la nanofiltration (pores d'environ 1 nm) étaient réservées aux eaux souterraines (exemples, usine de Vigneux-sur-Seine, Essonne usine de Clay-Lane, Nord de Londres). Aujourd'hui, ces membranes commencent à être utilisées pour le traitement des eaux de surfaces (exemple, usine de Méry-sur-Oise, Nord de Paris). La nanofiltration (1984) est efficace vis-à-vis des petites molécules dissoutes telles que les pesticides. L'eau nanofiltrée est exempte de matières organiques, ce qui inhibe (en théorie) les reviviscences de bactéries dans le réseau de distribution (pas de support) et diminue la quantité de chlore nécessaire pour la désinfection finale.


Même si les nettoyages réguliers et le remplacement des membranes entraînent une hausse du prix de l'installation, ces technologies membranaires offrent de nombreux avantages :


- qualité de l'eau produite: respect des normes, stabilité de l'eau dans le réseau de distribution (sauf cas de pollutions accidentelles), meilleur goût et odeur;

- compacité des ouvrages: synonyme d'économie d'espace, d'intégration architecturale; procédés automatisés et de plus en plus économes en énergie;

- coupatible avec des traitements «classiques»: améliorer la qualité des eaux distribuées en terrnes de polluants, faire face aux pollutions de pointes.


L'utilisation des membranes dans la production d'eau potable devrait donc se généraliser. Les recherches financées par les grandes sociétés de l'eau le démontrent. L'eau est actuellement le produit de consommation le plus réglementé ce qui incite les producteurs d'eau potable à intégrer ces technologies propres dans leurs usines.



Références bibliographiques



Office International de l'Eau

· http://www.cieau.com


Osmonfcs®


· Charles GOULD, Treating Industrial Water with Membrane, publié dans Separation & Filtration Systems, 9 pages, O1 Mars 1995


· Osmonics Inc, Method of Water Purification, publié dans National Development, 5 pages, Mars 1992


· Melissa TOROK, The filtration spectrum, publié dans Filtration News, 6 pages, Mai 1994


Groupe OTV

· La nanofiltration, un choix stratégique,


http://www.otv.fr/actu/planet 31/PDF/Technologie.PdF


T. LEBEAU, C. LELIEVRE, S. RENE, H. BUISSON, A. LAPLANCHE, P. COTE, Affinage des eaux de surface par couplage de membranes immergées et de charbon actif en poudre, l3ème Journées Informations sur les Eaux, JIE 98 POITIER, 23- 25 Septembre 1998 Lyonnaise des Eaux,


Mémento du Gestionnaire de l'Alimentation en Eau et de l'Assainissement, Eau dans la ville, Alimentation en eau, p 391- 400, Lavoisier TEC&DOC, 1992


Sauveur PANNUZZO et Amélie SERRE (TIA,bollène), Traiter l'eau et les effluents industriels par les techniques membranaires et d'autres techniques couplées, L'EAU, L'INDUSTRIE, LES NUISANCES, n°235


Marie RICHARDIS, La nanofiltration: méthode potentielle pour l'élimination des pesticides des eaux brotes destinées à la production d'eau potable, Hydroplus 107, p 65-71, Octobre 2000


Luc SCHRIVE et Stéphane SARRADE, Les procédés à membrane, IUP-ENVIRONNEMENT- Option GENIE DES PROCEDES, Université de Provence-Aix Marseille I, Année universitalre 1999/2000


Christian SCOTT et Serge ROULEAU, Royaume-Uni : le plus important système d'ultrafiltration au monde en construction - Entrevue avec M.Till FREIHAMMER, pl3-16, Vecteur Environnement, Volume 33, numéro 4, Juillet 2000


Valentin· Réalisation de 12000m2 de voirie de l'usine de Méry-sur-Oise,

http:!/www.valentinp.com/navig technique/reflet activite/mery/


Jocelyn VALLEE, Ste-Geneviève-de-Bastican : De l'eau potable par filtration membranaire, Vecteur Environnement-Volume 33,n°4, p17-19, Juillet 2000




(*) extrait de :


DECAUX A. (2001) – Ultrafiltration et nanofiltration dans la production d'eau potable. Mémoire D.E.S.S. « Qualité et Gestion de l'Eau », Faculté des Sciences – D.E.P., Amiens, 51 p. + annexes.


Adaptation et mise en page: jacques.beauchamp@u-picardie.fr