LA PRATIQUE DU COMPOSTAGE EN FRANCE

par

Séverine DEVISSCHER (*)


I. Pourquoi composter aujourd’hui ?

A. La poussée législative des années 1990 :

Dans l’euphorie d’après guerre, avec la croissance économique fulgurante, les matières premières semblent inépuisables et la société évolue alors vers une société évolue alors vers une société de consommation. Or si dans l’ancien temps, la destination logique des déchets organiques était le tas de fumier et ensuite le champ, cette situation va évoluer et leur destination privilégiée à partir des années 60-70 va plutôt être la décharge.

Au début des années 90, cette situation n’a guère évolué et l’industrie française du traitement des déchets ne fait que très peu de place aux procédés de valorisation organique de la matière : si l’on considère les ordures ménagères , 50 % des OM vont en décharge, 40 % sont incinérées (donc destination décharge aussi via les mâchefers ensuite) et seulement 10 % sont valorisées dont 6,4 % par compostage. La solution décharge/incinération est à ce moment privilégiée car simple à mettre en place et peu coûteuse.

Mais le problème des déchets en 1990 ne se limite pas à la préférence donnée à la solution décharge/incinération ; se pose aussi le problème des volumes à traiter car ceux-ci n’ont pas cessé d’augmenter depuis 1960: on considère que de 1960 à 1993 leur volume a augmenté de 93 %.

Au début des années 90, face à l’engorgement des décharges et à l’impossibilité d’en ouvrir d’autres (syndrome Nimby), face à la pression écologique du public, les pouvoirs publics agissent en 1992 par la mise en place d’une législation appropriée : la loi du 13 juillet 1992 lance à ce niveau un double défi : - « à compter du 1er juillet 2002, les installations d’élimination des déchets par stockage ne seront autorisées à accueillir que des déchets ultimes » ; - « il convient de valoriser les déchets par réemploi, recyclage ou tout autre action visant à obtenir à partir des déchets des matériaux réutilisables ou de l’énergie ».

Le compostage, correspondant à une technique de valorisation des déchets organiques répond parfaitement bien à ces nouvelles obligations législatives.

B. Le compostage : un moyen de lutte contre le gaspillage des matières premières.

Cette volonté législative du début des années 90 de valoriser au maximum des conditions techniques, économiques et financières du moment les déchets s’inscrit aussi dans la prise de conscience écologique des années 80.

L’empoisonnement au mercure de la baie japonaise de Minamata en 1959, les marées noires spectaculaires du Torrey Canyon en 1967 à l’Amoco Cadiz en 1978, le rejet d’un nuage de dioxine à Seveso en Italie en 1976, la combustion du réacteur nucléaire de Three Miles Island aux Etats-Unis en 1979, l’accident chimique de Bhopal en Inde qui a tué 2 000 personnes et enfin l’accident nucléaire de Tchernobyl en Ex-URSS en 1986, amènent l’homme et l’opinion publique mondiale à s’interroger sur la qualité de son milieu de vie : celui-ci se dégrade à vitesse exponentielle et remet totalement en question par son évolution le développement possible des générations futures. Dans cette lignée de grandes réflexions mondiales sur l’environnement et sa préservation, est promulgué en 1987 le rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE, crée à Stockholm en 1972) : ce texte lance le concept du « développement durable », et propose de tout mettre en oeuvre pour assurer « un développement durable », et propose de tout mettre en oeuvre pour assurer « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité de répondre aux besoins des générations futures ». Le compostage s’inscrit ici encore totalement dans cette optique, pour la part organique des déchets, puisqu’il permet de remettre en circulation la matière organique bloquée, à un moment donné dans la matière vivante, dans le cycle de la matière. La mise en oeuvre de ce processus, réalisé naturellement dans le sol par les décomposeurs, va ainsi permettre aux déchets organiques (végétaux et animaux) d’être ré-utilisés, alors que dans une décharge la matière organique est bloquée, « sortie » du cycle de la matière.

Le compostage à ce niveau est une écotechnologie puisqu’il permet le retour de la matière organique dans le sol et donc sa réinsertion dans les grands cycles écologiques vitaux de notre planète. Il limite ainsi la fuite de matières premières, par les décharges, et répond pleinement au principe du développement durable de ne pas entamer le potentiel des générations futures.

Cependant cette logique, qui voudrait que le compostage se développe, ne se limite pas à des objectifs législatifs ou à une volonté mondiale (certes présente mais très difficile à appliquer sans enfreindre le principe de non-ingérence) : elle correspond aussi à une réflexion profonde sur l’ensemble des filières actuelles de traitement des déchets.

C. Place du compostage aujourd’hui vis-à-vis des autres procédés de traitement des déchets :

En effet, la matière organique pose de nombreux problèmes quand elle emprunte pour son traitement une filière différente de la valorisation organique. Stockés dans une décharge, les déchets organiques vont y subir une fermentation anaérobie spontanée, comme dans le cas du compostage, mais source de gaz malodorants, polluants et surtout inflammables (car composés essentiellement de méthane) : leur présence entraîne un risque d’explosion, mais aussi de pollution de la nappe phréatique, ou tout du moins du sol car ils sont aussi source de lixiviats polluants. Leur présence est donc une source de risques qui va compliquer la gestion des déchets mis en décharge et nécessiter la mise en place d’équipements spéciaux (drains pour récupérer les lixiviats et les traiter, torchères pour brûler les gaz à l’air libre). La fermentation des matières organiques pose surtout un problème lors de la réhabilitation des décharges, car le réaménagement du site est souvent synonyme d’une augmentation de fréquentation (transformation en terrain de golf, parc, etc) ce qui décuplerait l’impact d’un éventuel accident : la mise en place d’un suivi rigoureux (et donc coûteux) est donc obligatoire.

Eliminées dans un incinérateur, les matières organiques posent d’autres problèmes : elles engorgent les incinérateurs en service, de plus elles sont susceptibles de perturber leur fonctionnement car leur foisonnement et la grande variabilité de leur pouvoir calorifique posent des problèmes d’alimentation et de conduite des équipements. Si les plastiques ont un apport calorifique intéressant par exemple, il est par contre aberrant d’essayer de brûler de la matière organique qui est majoritairement constituée d’eau : le peu de chaleur libérée par leur combustion va en effet être quasiment absorbée pour l’évaporation de cette eau constitutive.

Enfin entre le stockage, interdit à moyen terme et l’incinération, au coût de plus en plus prohibitif, il est alors intéressant de s’intéresser au compostage dont les coût de traitement varient entre 150 et 400 francs la tonne selon les déchets utilisés et la technique sélectionnée.

L’utilisation du principe du compostage comme moyen de traitement des déchets organiques s’est traduit dans la pratique par la création d’un certain nombre de plates-formes de compostage sur l’ensemble du territoire français.


II. La technologie du compostage :

En fonction du type de déchets qu’elle sera censée traiter (déchets verts, OM,...) et de la technologie choisie, ces unités vont présenter des variantes mais elles possèdent toutes un schéma de base de fonctionnement et leur mise en place nécessite toujours de résoudre un certain nombre de questions qui vont déterminer la pérennité de cette installation.

A. La mise en place d’une unité de compostage :

1. Les impératifs à résoudre avant la création

Au préalable une demande d’installation classée est nécessaire pour l’implantation d’une unité de compostage. Il faut donc prévoir une étude préalable, une étude d’impact et tous les frais annexes dont la charge n’est pas négligeable dans un projet (de l’ordre de 200 à 400 kF). Comme avant toute création d’une unité de traitement des déchets, une étude technico-économique préalable est nécessaire.

a) Evaluer la matière première à disposition :

En tout premier lieu, il est nécessaire de procéder au recensement des déchets et sous-produits organiques disponibles : déchets verts, OM (fraction fermentescible des OM, papiers-cartons, boues de stations d’épuration), déchets agro-industriels,... Car en fonction des déchets à traiter et de leurs particularités, il va être nécessaire de dimensionner l’installation et de prévoir un certain taux de mécanisation : une étude poussée sur la nature de ces déchets, leur rythme de production et la quantité des flux, voire le cas échéant leur qualité va être déterminante à ce niveau.

L’étude de ces flux est très importante car dans de nombreux cas les quantités peuvent varier énormément au cours du temps.

Si on considère, par exemple le compostage de déchets verts (tontes de gazon, déchets d’élagage,...) on observe des fluctuations importantes tout au long de l’année. Ces fluctuations sont dues essentiellement aux tontes massives de gazons au printemps et en été et au ramassage des feuilles mortes mi-octobre, fin décembre. Ces quantités supplémentaires vont devoir être stockées et incorporer progressivement dans le processus de compostage avec d’autres déchets : il sera nécessaire de stocker une partie des branches et des élagages d’hiver pour les mélanger au fur et à mesure aux tontes de gazons qui affluent au printemps. Il faut donc prévoir des aires de stockage des déchets en tenant compte de ces fluctuations possibles qui sont l’une des principales caractéristiques de la pratique du compostage : il constitue en effet un fidèle reflet des habitudes de consommation des habitants : ainsi, dans le cas d’un compostage d’OM, lorsqu’arrive le nouveau catalogue de La Redoute les gens jettent tous l’ancien en même temps et le gérant de l’unité de compostage se retrouve avec une anomalie brutale des quantités à absorber.

Ces quantités vont de plus déterminer la viabilité d’un projet moyen car celle-ci sera en général très aléatoire en dessous d’une production de 2 000 tonnes/an (Ce seuil minimal est donné à titre indicatif car il est très difficile à définir, en effet certaines plates-formes d’industries agro-alimentaires ou de communes fonctionnent actuellement en produisant de très faibles quantités).

Enfin la qualité des déchets peut elle aussi varier fortement et il faudra en tenir compte pour maintenir une certaine qualité en parallèle du compost produit : par exemple après le premier beau week-end du printemps, les gens tondent en masse leur gazon et lors des analyses de métaux lourds du compost de déchets verts on note alors toujours une petite augmentation de la teneur en plomb car les tondeuses fonctionnent à l’essence... avec plomb.

Les variations de flux sont donc à très maîtriser car elles vont conditionner la qualité du compost à la sortie qui sera alors commercialisable ou non ; et là se situe la difficulté de la gestion d’une unité de compostage : il ne s’agit pas seulement d’éliminer des déchets mais aussi de produire un compost qui devra être de bonne qualité pour pouvoir être commercialisé. Et tout le fonctionnement de l’unité de compostage sera lié à cet objectif : obtenir une bonne qualité de compost pour pouvoir l’écouler sur le marché. Parallèlement à cette étude des flux, il va donc falloir :

b) S’assurer de l’existence de débouchés locaux pour le compost produit

A l’heure actuelle, la production de compost urbain s’élève à environ 600 000 tonnes/an, celle de compost végétal (déchets verts) se situe entre 110 000 et 40 000 tonnes par an. Une grande partie de ces tonnages pourtant finit en décharge, annulant par conséquent l’intérêt d’une plate-forme. Ce phénomène s’explique moins par un manque de débouchés que par une mauvaise estimation préalable du marché local, étape déterminante dans le choix et la qualité du gisement à composter. Pour des raisons évidentes de coût de transport, il est essentiel de trouver un débouché local au compost. En général, il s’agit d’une valorisation agricole mais il faut tenir compte du fait qu’elle est toujours sujette à des évolutions de comportement. D’autres solutions sont à étudier :

- pour les industries agro-alimentaires, l’élimination en interne est pratiquée depuis longtemps : elles compostent ainsi les marcs de raisons, les matières stercoraires ou les composts usés de champignonnières. Une faible part des déjections animales est compostée (100 000 tonnes sur les 275 millions recyclées en terre).

- pour une collectivité, l’autoconsommation est possible : les services des espaces verts municipaux ou les particuliers apportant leurs déchets verts en déchetteries peuvent récupérer à tarif préférentiel le compost produit. Ce circuit a le mérite d’être fermé, donc à l’abri des fluctuations du marché, mais n’absorbe pas de grosses quantités.

- d’autres filières sont apparues récemment mais restent marginales comme remettre en état des sols dégradés, réhabiliter d’anciennes décharges ou reconstituer des forêts, reconstruire des pistes de ski, etc. Le milieu agricole reste cependant la destination la plus logique pour le compost. D’autre part, horticulteurs, maraîchers et pépiniéristes ont besoin de matière organique bon marché pour leurs produits à valeur ajoutée.

L’ensemble de ces filières est donc à prospecter soigneusement et en parallèle, il est nécessaire de :

c) Choisir son circuit de distribution

L’auto-consommation, soit au sein des services d’espaces verts municipaux pour le compostage de déchets verts, soit auprès des particuliers apportant leurs déchets en déchetterie représente un premier schéma particulièrement attractif, en raison de son caractère pédagogique : apporteurs de déchets et repreneurs de compost sont les mêmes personnes. Il s’agit en outre d’un marché dit « captif », facile à atteindre et à convaincre. En Belgique (Wallonie), la logique va même jusqu’à fournir gratuitement en compost tout apporteur de déchets à hauteur de 30 % du tonnage apporté : au-delà le prix est de 650 FB/m3 (soit environ 110 FF/m3) pour les P.M.E., et 1 000 FB/m3 (soit 167 FF/m3) pour les particuliers. Lorsqu’il y a une demande agricole locale, on peut choisir le circuit court qui passe par une relation directe avec l’utilisateur pour connaître ses besoins et ses contraintes : connaissances des sols et des pratiques culturales, périodicité des plans d’épandage, exigences en termes de qualité, tarifs, mise en oeuvre, possibilités de stockage, etc. Afin de pérenniser le débouché, des contractualisations aussi sont conseillées. On peut aussi avoir recours à un réseau commercial existant (professionnels de l’agrofourniture ou coopératives) : le producteur de compost ici doit veiller à ce que la promotion de son produit soit faite de manière efficace ce qui n’est pas toujours fait, mais l’avantage de cette filière est que l’intégralité du stock brut annuel de compost est repris par un seul intervenant. Cette solution est alors très réaliste dans le cas de gisements importants. Enfin, beaucoup plus aléatoire, on peut décider d’une vraie logique de commercialisation (marque déposée, gamme de produits, force de vente). Mais ce dernier schéma est, de loin, le plus exigeant et aléatoire. Les fabricants d’amendements organiques sont déjà nombreux sur le marché. De l’ordre d’un million de tonnes (composts urbains, amendements organiques du commerce, engrais organo-minéraux..), il est en expansion continue (15 % par an) mais les prix sont tendanciellement à la baisse.

Il faut bien mettre en évidence que la vente du compost obtenu, et donc sa commercialisation, va dépendre totalement de sa qualité : si elle ne correspond pas aux attentes des utilisateurs, directement dans le cas de l’auto-consommation ou indirectement par les filières de commercialisation, le compost sera refusé. La production d’un compost de qualité est donc primordial et la réalisation de cet objectif va dépendre notamment du système de collecte mis en place.

d) Choisir la collecte :

Cette question se pose essentiellement dans le cas des collectivités, car si pour les industries le gisement de déchets est sur place, se trouvent non seulement dispersés dans l’espace mais aussi mélangés souvent avec d’autres déchets dits « indésirables » pour le compostage.

Si le compostage d’ordures ménagères brutes a eu son heure de gloire dans les années 60-70, il a surtout été à l’origine d’une image négative qui a pesé longtemps sur l’ensemble des filières de compostage, et ce sans discrimination : révolue aujourd’hui, cette technique illustre parfaitement la relation entre la qualité des déchets à traiter (surtout leur pourcentage de matière organique par rapport aux teneurs d’indésirables) et la qualité du compost produit et sa valorisation possible. Si le compost comporte une part trop grande d’indésirables, il sera refusé. De plus, plus la collecte sera peu sélective, plus la quantité d’indésirables à éliminer au du procédé sera importante et plus les frais augmenteront pour une qualité de compost restant médiocre, car les techniques de tri quelles soient sont toujours limitées. L’étude présentée à Polluctec en 1994 par Pierre Giloux de France Déchets démontre bien l’importance de la collecte sur l’ensemble de la filière et l’intérêt de mettre en place une collecte sélective pour augmenter la « pureté » en matière organique des déchets à composter dans le cas d’ordure ménagères, malgré les coûts supplémentaires.

Cet intérêt s’est traduit par la création des « poubelles vertes », nom de code pratique pour la collecte sélective en porte à porte des déchets fermentescibles. Le contenant est constitué par un bac dont il existe aujourd’hui trois types :

- classique sans aération, tel que celui retenu par la municipalité de Tarbes (dans lequel on admet de fermentation anaérobie, source éventuelle d’odeurs),

- un bac dit « à compost », avec système d’aération et une grille en fond de cuve (Bapaume, District des 3 frontières),

- un bac cloisonné, en vue d’une collecte sélective simultanée des déchets organiques dits « humides » et d’autres fractions (métal, papier..,).

Il faut assurer à ce moment un ramassage suffisamment fréquent pour éviter qu’une évolution biologique, qui ne pourrait être qu’à dominante anaérobie, ne commence dans la poubelle. La « poubelle verte » concerne essentiellement les déchets de cuisine, voire de jardin en zone rurale. La collecte sélective peut aussi être mise en place par l’intermédiaire du développement de conteneurs situés à des « points de regroupements » ou dans des bennes implantées en « déchetteries ».

Une fois que l’ensemble de ces questions auront été résolues, la mise en place de l’unité de compostage dite va pouvoir se faire, avec la mise en place de l’unité de traitement.

2. La technique du compostage :

Cette technique est en pleine évolution, notamment à cause des changements dans la collecte : les étapes mentionnées ci-dessous sont rarement toutes présentes.

a) Un tri préalable indispensable :

Sauf dans le cas d’une collecte exclusive de déchets biologiques » (cas de la poubelle verte), un premier tri est indispensable pour retirer ce qui peut l’être.

Les méthodes sont variées : passage dans un trommel à larges mailles pour les surfaces les plus grandes (morceaux de vêtement, grandes feuilles de papier ou de matière plastique...), tambour magnétique pour les ferrailles auquel on adjoint depuis peu une élimination des déchets métalliques par courant de Foucault. IL existe des tapis inclinés qui permettent d’éliminer les objets qui roulent facilement, comme les bouteilles, et finalement le tri à la main dont on annonce périodiquement la disparition en raison du caractère pénible et « peu honorable » de ce travail. Philosophiquement parlant, la persistance du tri manuel montre à l’évidence que, malgré tous les efforts de la mécanique, l’intelligence de l’homme reste irremplaçable !

b) Le broyage :

Au tri succède en général énergétique ayant pour but d’homogénéiser les ordures et de favoriser l’attaque microbienne par la division des éléments organiques. Le broyage correspond en fait à une première attaque « physique » des déchets, réduisant ainsi leur résistance naturelle aux dégradations. Il permet d’augmenter les surfaces d’échanges et donc de contact entre les micro-organismes et la matière organique à décomposer.

On choisit généralement des broyeurs à marteaux en acier spécial capables de résister quelques miliers d’heures à ce travail difficile. Ce stade est cependant omis de plus en plus souvent en raison même de son efficacité : une fois broyés en éléments fins, il devient très difficile de retirer les morceaux de verre et même les éléments en matière plastique. Le résultat a été que trop souvent le morceaux de verre et même les éléments en matière plastique. Le résultat a été que trop souvent le compost final s’ornait de petits carrés bleus dus à la couleur trop voyante des sacs poubelles... Certains constructeurs préfèrent passer tout de suite au stade biologique et trier l’ensemble en fin de filière. Cela dit, le broyage garde tout son intérêt quand il y a risque de présence de déchets pris en masse ou encombrants, car la division de la partie organique reste un paramètre essentiel d’une attaque microbienne rapide. Lorsque les déchets sont livrés en sacs, il faut prévoir au moins une dilacération de ces sacs.

c) Le traitement biologique :

C’est le coeur du système. La partie organique des déchets va ici subir des modifications profondes.

La transformation biologique peut se faire à l’intérieur de tas appelés andains en forme de prismes d’une hauteur variant entre 2 et 4 mètres et d’une longueur pouvant atteindre plus de 30 mètres. Ces tas peuvent être maintenus dans une enceinte fermée conservant chaleur et humidité, ou bien laissés à l’air libre. Le taux d’humidité est important puisqu’il n’y a aucune vie sans eau, aussi est-il parfois nécessaire d’arroser les andains en été. Pour favoriser leur oxygénation, on les retourne périodiquement : tous les deux ou trois jours dans les premières semaines, une fois par semaine ensuite. Au bout d’un ou deux mois, le produit est placé sur des aires où il achève lentement son évolution, aires qui servent également de stockage en attendant acquéreur... On parle alors de compostage lent.

Une variante perfectionnée consiste à placer les déchets dans un tambour de 3 ou 4 mètres de diamètre et de 10 à 20 mètres de longueur tournant lentement (moins d’un tour par minute). La rotation du tambour assure l’oxygénation de la masse en évolution, un système d’arrosage permet de piloter l’installation, le contrôle étant assuré par des mesures de température le long du parcours : cette technique dite de compostage accéléré consiste alors à stimuler l’activité microbienne dans une enceint et non plus à l’air libre. Mais il faut savoir qu’au-delà de 2,5 à 3 mètres de haut, il devient difficile de maitriser de façon relativement homogène les conditions de milieu. Par ailleurs, les temps de compostage (séchage) les plus courts sont de l’ordre de trois semaines. Aussi, la plupart des réacteurs n’opèrent que pour une première partie de la phase thermophile. Le reste du compostage se déroule en andains.

d) Des traitements de finition de plus en plus perfectionnés :

Même si on n’a introduit dans l’usine que des corps organiques, un tri final est indispensable, ne serait-ce que pour retirer les morceaux les plus volumineux : cette étape est très importante quand le compost est commercialisé car en fonction de son utilisation future une certaine granulométrie sera nécessaire. Il faut adapter le produit aux besoins du client. Si on peut contrôler la ganulométrie pendant le processus de fermentation, via la nature des déchets acceptés, la température, ce contrôle n’est cependant pas suffisamment précis et doit donc être complété par un tri mécanique pour obtenir une meilleure qualité. Lorsque le compost est fabriqué à partir d’ordures « tout-venant » ou OM brutes, et même si on a préalablement retiré en proportion plus ou moins grande des éléments indésirables comme le verre, les piles, les matières plastiques, etc..., le traitement de finition devient la partie essentielle. On procède en général à un tamisage fin et à une famille de tris comprenant :

- le tri balistique : on « lance » le produit, les parties lourdes vont plus loin que les parties légères ;

- le tri pneumatique : on fait passer le compost dans un courant d’air qui en sépare les éléments en fonction de leur densité ;

- le tri à rebond : on fait tomber le matériau sur un tapis élastique sur lequel les parties dures rebondissent au contraire des parties molles..., etc. Les inertes, mélange complexe issu de ce dernier tri seront éliminés en décharge, ou incinérer. Ces installations se trouvant en général assez éloignées des usines de traitement biologique, cette constatation a conduit à des projets d’usines de « traitement intégré » dans lesquelles sont construites côte à côte une partie incinération, une partie compostage et une unité de transformation des résidus des traitements précédents en « déchet ultime ».

En fonction de la quantité disponible de déchets, la taille de cette installation va varier ; et en fonction des exigences de qualité pour le compost les techniques de tri seront de plus en plus pointues. La nature des déchets a aussi un rôle important à jouer : on trouve ainsi des grandes filières adaptées aux grandes catégories de déchets organiques compostables : les déchets urbains, les sous-produits ligneux, les sous-produits agricoles et agro-alimentaires et les déchets « liquides ». Les marchés sont ici bien définis et bien « rodés » pour certains, et certaines de ces filières possèdent des spécificités propres que nous allons développer ici.


III. Le compostage des déchets urbains :

Cette filière est sûrement la plus connue du grand public et la plus sujette à récrimination dans son principe de base. Elle est, pour une grande part, à l’origine de la dévalorisation du compost via les paillettes de plastiques bleus, les bouts de verre,... qui sont venus orner le compost et les champs à la grande fureur des agriculteurs, à la suite du broyage d’ordures ménagères brutes. Pourtant c’est une filière où de grands progrès ont été fait et où de grands progrès ont été fait et où le gisement potentiel est le plus convoité.

A. Le gisement concerné

Il s’agit ici de nos ordures ménagères (OM). Leur production a progressé de 93 % en 33 ans (de 1960 à 1993). Parallèlement à cette augmentation, la part organique est passée de 52 % en 1960 à 54 % en 1993. On peut noter cependant qu’actuellement l’évolution des modes de consommation (achats de produits alimentaires surgelés, plats cuisinés, salade-minute, repas pris à l’extérieur de la maison, etc.) tend peu à peu à faire baisser la fraction organique dans la poubelle des ménages. Actuellement la production de compost à partir d’ordures ménagères représente 500 000 à 600 000 tonnes par an.

B. Les particularités de cette filière : l’hétérogénéité des déchets à traiter.

Depuis l’apparition du phénomène urbain, l’homme a pratiqué le retour des déchets organiques vers les champs. Certaines vieilles décharges étaient même exploitées pour en retirer après tamisage un produit organique : le « terreau de décharge ».

En France, les premiers essais de compostage industriel des OM ont été effectués par le professeur BECCARI en 1912 dans le Sud-Est. Cette technique s’est alors développé mais dans les années 50-60, l’apparition des matières pastiques et des emballages verre non consignés a donné aux OM une dimension hétérogène qui a entraîné un refus des agriculteurs d’acheter le compost produit, à cause de l’augmentation de la proportion des matières non-dégradables dans les ordures. Car une poubelle aujourd’hui, ce n’est pas seulement 54 % de matière organique valorisable, c’est surtout pour le compostage 46 % d’indésirables, dont certains comme le plastique sont en constante augmentation : il a donc fallu adapter le procédé à ce nouvel impératif. En fait le compostage des OM a évolué parallèlement aux techniques de tri :

- soit on emploie pour le traitement des OM un tri simple avec séparation des fractions : - organique pour le compost, - combustible pour récupérer l’énergie, - inertes pour l’employer en remblais.

- soit on réalise un tri complet avec valorisation séparée de chacun des constituants.

Le tri existe toujours mais aucun procédé n’est capable de séparer totalement la matière organique des indésirables, et si ce « détail » n’a aucun effet pour l’incinération (ou les plastiques par exemple sont très recherchés pour leur PCI), pour le compostage il va poser problème pour sa valorisation. Ceci explique d’ailleurs l’importance du développement des collectes sélectives pour cette filière : elles vont permettre d’augmenter la qualité du tri avant le début du traitement proprement dit. Le plan type d’une installation de compostage des OM repose donc sur la situation de l’étape de tri.

On distingue : - (I) celles où la mise en fermentation est réalisée après broyage, - (II) celles où la mise en fermentation est réalisé avant broyage. Le compostage est réalisé soit en andains, soit en fermenteurs.

L’importance des inertes implique pour l’unité de compostage de prévoir l’existence d’une décharge ou d’installer l’unité dans l’ensemble d’un complexe de traitement des déchets : les plastiques, indésirables pouvant avantageusement être repris par un incinérateur, les mâchefers obtenus finissant en décharge.

Actuellement on assiste au développement de co-compostage OM/boues d’épuration : ceci permet de diminuer les coûts énergétiques pour déshydrater les boues, ou pour humidifier la MO trop sèche. Ce mélange permet aussi d’augmenter la production (quantité énorme de boues disponibles) de compost et son homogénéité. Enfin les boues en moyenne sont plus riches en azote et phosphore que les OM alors que le rapport C/N a tendance à croître avec les emballages (papier-carton, boues). On peut aussi composter des OM avec les matières de vidange domestiques (issu des fosses septiques, puisards,...). Mais il se pose pour l’ensemble de ces dernières filières le problème des métaux lourds qui sont fortement présents dans les boues de station d’épuration.


IV. Le compostage des sous-produits ligneux :

Il s’agit des déchets de la forêt et de l’industrie du bois et surtout les déchets des espaces verts urbains appelés communément « déchets verts ».

A. Les caractéristiques des sous-produits ligneux :

Les végétaux sont composés de cellules, mais contrairement à celles des animaux, ces cellules une fois mortes sont capables de jouer fonctions, de conduction ou de soutien de la plante grâce, par exemple à des composés fibrillaires de celluloses, de pectines, d’hémicelluloses. Avec l’âge, des renforcements supplémentaires se mettent en place lors de la lignification (apport de lignines et de tanins) : ces apports ont pour but de renforcer la résistance des cellules mortes, mais aussi de protéger les parois contre les décompositions microbiennes (la subérisation - formation du liège des écorces - intervient aussi à ce niveau). Les mécanismes biochimiques qui vont entrer en jeu pour la dégradation de ces composés qualifiés de peu ou très peu biodégradables vont donc dépendre de l’entrée en action d’enzymes particulières qui s’attaquent à ces molécules : les phénols oxydases. Celles-ci ne sont produites que par certaines catégories de micro-organismes qualifiés pour cette raison de lignolytiques. Cette dégradation dans le sol est vitale car les composés à cycle aromatique, constituants des lignines et de diverses molécules végétales (tanins, résines, polyphénols,...) sont à l’origine des noyaux des humus. Plus les substrats mis à composter seront riches en lignine et composés phytotoxiques, plus la durée de compostage devra être grande pour un même produit fini. On a donc intérêt à composter des déchets végétaux frais, qui possèdent un peu d’azote organique et de sucres fermentescibles.

Ce sont surtout des micro-organismes cellulolytiques et lignolytiques (Champignons surtout, Actinomycètes et bactéries) qui vont assurer la dégradation des structures végétales dures du bois et vont déterminés à eux seuls l’évolution des paramètres du compostage :

- la vitesse de ces dégradations est lente, la production calorifique sera faible et la température maximale atteinte faible (60° C),

- l’existence de bactéries anaérobies cellulolytiques va entraîner une faible consommation d’oxygène et la mise en place d’une aération forcée sera inutile : les méthodes de compostage en andains de grande taille sont donc bien adaptées à ce substrat. Un broyage des déchets sera nécessaire pour faciliter l’action des micro-organismes.

Les déchets forestiers, peu riches en éléments minéraux utilisables, sont avant tout des amendements humifères. Ils sont aussi utilisables comme substrats de culture (substituables aux tourbes) ou peuvent être mélangés à d’autres produits pour fournir une gamme large de produits organiques (substrats horticoles prêts à l’emploi,...).

B. Le gisement :

1. Les déchets de la forêt et de l’industrie du bois :

La forêt française, premier domaine forestier d’Europe, couvre une superficie de 14 millions d’hectares (ha), à comparer au 28 millions d’hectares de la SAU (surface agricole utile) française. On distingue usuellement les déchets de l’exploitation forestière, les déchets de la première transformation en scieries, et le bois de rebut.

a) Les déchets de l’exploitation forestière

Les déchets de l’exploitation forestière comprennent les houppiers, branchages, écorces, sciures, et souches, soit une biomasse estimée à 44 milions de tonnes (Ademe, 1994). L’essentiel de ce gisement est rétrocédé au sol forestier, et seule une faible part est valorisée à des fins énergétiques. Pour des raisons économiques, cette masse organique reste difficilement mobilisable. A défaut, elle participe à l’entretien organique des sols forestières et remplit une fonction écologique de la plus grande importance.

b) Les sous-produits de scieries

Le secteur sciage génère à lui seul 86 % des sous-produits de la filière bois, soit une masse totale de 6,1 millions de tonnes. Les déchets posant le plus de problèmes sont surtout les écorces, avec la généralisation depuis quelques années de l’écorçage en scierie plutôt que sur la zone d’abattage. Depuis trois ou quatre ans les écorces de pins maritimes ont trouvé un débouché important en décoration d’espaces verts, et une marque de qualité NF a même été créée en 1994 pour en promouvoir l’image. Le reste des écorces est soit incinéré, soit mis en décharges plus ou moins sauvages. Les écorces constituent, en raison de leur pouvoir structurant, un excellent support de compostage pour d’autres déchets organiques (boues d’épuration, lisiers, matières de vidange par exemple). Ce support présent également l’avantage en fin de compostage de pouvoir être recyclé après criblage en tête de traitement, ce qui réduit les coûts d’approvisionnement, donc les coûts de compostage. La sciure est souvent utilisée en compostage, alors que son pouvoir structurant est faible et que sa teneur en eau élevée dans le cas (fréquent) de sciures fraîches. La sciure donne en contrepartie un bel aspect au compost final, mais elle ne peut être recyclée ; sauf à recycler tout le compost en tête de traitement. Enfin, l’approvisionnement en sciures est souvent onéreux : au prix d’achat (15 à 30 F/t), il convient de rajouter les frais de transport (0,10 à 0,50 F/t/Km selon la distance).

c) Le bois de rebut

Le bois de rebut est constitué de caisses, palettes, et cageots pour un tonnage estimé à 550 000 tonnes. Il fait souvent l’objet d’une valorisation thermique ou d’une mise en décharge. Son utilisation en compostage est possible après broyage et déferrage. Il faut cependant vérifier que le bois n’ait pas été traité par des conservateurs (substances phénoliques ou autres) ou qu’il ne soit souillé par des peintures. Des références étrangères d’utilisation des bois de rebut en support de compostage existent, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis.

Il faut ajouter à cette masse les résidus ligno-cellulosiques générés par les unités d’extraction des huiles essentielles (sauge médicinale, aiguilles de pins, sapins, lavande,...). La distillation à la vapeur est un excellent prétraitement des substrats car elle permet d’enlever certains produits inhibiteurs des micro-organismes et modifie la structure des composés (début d’hydrolyse), ce qui facilite le compostage. Les essais de compostage sur ces produits restent cependant très ponctuels même s’ils fournissent un excellent compost.

2. Les déchets « verts » :

Dans les villes, l’entretien des espaces verts conduit à produire des déchets ligneux qui atteignent des volumes importants (3 à 5 m3/hab./an), chiffre en croissance constante car l’avènement de notre société de loisir a conduit à multiplier ces surfaces d’espaces verts. Pour des raisons d’encombrement, ces déchets sont réduits en plaquettes ou en copeaux par des broyeurs de type forestier. Cependant, l’augmentation rapide des coûts de transport vers les décharges, les incinérateurs, incitent les responsables des Services Techniques des Municipalités (Services Espaces Verts) à rechercher des solutions parmi des valorisations locales simples et peu coûteuses.

La production française mobilisable de déchets verts (tontes de gazon, produits d’élagage, feuilles mortes, etc.) est estimée à 17 millions de m3, soit 3,4 millions de tonnes environ (données Ademe 1994). En 1993, 135 000 à 150 000 tonnes de déchets verts étaient traités sur une trentaine de plates-formes, soit environ 6 % du gisement national (Mazaud, 1994), ce qui représentait une production de compost proche de 80 000 tonnes. Cette filière de compostage est en très forte expansion à l’heure actuelle : en 1995, le nombre de plates-formes traitant des déchets verts s’élève à 28 unités, dont 43 traitant des déchets verts seuls. Rappelons que fin 1990, la plate-forme d’Angers (site de Villechien) était la seule vraie référence nationale en ce domaine. La quantité actuellement traitée (1995) par compostage avoisine 400 000 tonnes, pour une production de composts de l’ordre de 110 000 à 140 000 tonnes.


V. Le compostage des sous-produits agricoles et agro-alimentaires :

A. Les sous-produits agricoles :

Les produits organiques concernent essentiellement les résidus de cultures, les déjections animales, les cadavres animaux, ainsi que certains produits d’élagage des haies ou les composts usés de champignonnières. Au total cette masse organique représente approximativement quelque 330 millions de tonnes.

1. Les résidus de cultures ou produits d’élagage :

Les pailles, cannes, sarments, feuilles et autres collets de betteraves, etc. constituent une biomasse évaluée à 54 millions de tonnes. En grande partie, cette masse organique est restituée aux sols où elle participe à leur entretien humique. La paille de céréales (blé tendre surtout) constitue une exception notable : en 1991, sur une production de paille de 23 millions de tonnes, 14 millions ont été récoltées, dont 11 millions utilisées pour la litière animale, et 700 000 tonnes comme biocombustible (Gatel, 1993). L’utilisation de la paille pour le compostage concerne surtout les champignonnistes (200 000 tonnes de paille en 1991). En France, la plate-forme de compostage des boues d’épuration de Chartres, en service depuis 1991, utilise de la paille. Mais la paille reste un produit onéreux à utiliser pour cet usage en raison des coûts de transport et de collecte.

2. Les déjections animales :

Le gisement des déjections animales s’élèvent à environ 275 millions de tonnes, dont 185 millions de tonnes de fumiers et 90 millions de lisiers (Leroy, 1994). Pour l’essentiel du tonnage (plus de 95 %), ces matières sont recyclées dans l’exploitation agricole ou à proximité immédiate.

Le compostage concerne essentiellement les litières de volailles et les fumiers de bovins. Signalons également le fumier de cheval produit par les centres hippiques. Les tonnages commercialisés représentent ici 35 000 à 40 000 tonnes selon Leroy (1994). Mais ce chiffre est sûrement sous-estimé : une part importante est vendue directement par les éleveurs, ou est collectée par de petites entreprises artisanales familiales, avec des débouchés locaux. Une autre part, peut-être encore plus importante, est inclue dans la fabrication des amendements organiques professionnels. Un chiffre de 100 000 tonnes, voire davantage, serait alors plus vraisemblable. Il faut noter que le compostage est une technique déjà développée dans les exploitations partiquant l’agriculture biologique. En élevage porcin, les litières biomaîtrisées aboutissent à un produit plus ou moins solide susceptible d’être composté. Il en va de même avec les sous-produits du tamisage du lisier. Une vingtaine d’installations traitant les déjections animales par compostage (pour satisfaire d’abord à des nécessités de traitement mais également en vue d’une commercialisation) ont été recensée en France. Ce chiffre nous semble cependant très sous-estimé.

3. Les composts de champignonnières :

Chaque année environ 630 000 tonnes de composts de champignonnières épuisés sont évacués par les champignonnistes, soit directement sur les sols agricoles à proximité du lieu de production, soit par l’intermédiaire de professionnels des amendements organiques qui les commercialisent à l’état brut ou en les incorporant dans leur spécialités commerciales.

B. Les sous-produits agro-alimentaires :

1. Les produits des agro-industries :

Les déchets sous-produits et co-produits des agro-industries représentent une masse globale évaluée à plus de 43 millions de tonnes par an (Ademe, 1994). Il s’agit d’un chiffre plancher car un certain nombre de déchets ne font pas l’objet de statistiques fiables. Le taux de valorisation s’élève globalement à 76 % (33 millions de tonnes), et la part éliminée à 23 % soit 10 millions de tonnes. Il s’agit souvent de produits très riches en eau (20 millions de tonnes), les produits organiques solides étant estimés à environ 17 millions de tonnes. Les usages agronomiques (épandages, compostage et additif d’engrais) représentent ainsi en tout 4 à 5 millions de tonnes. Les produits faisant l’objet d’un compostage plus ou moins élaboré sont les suivants :

- les marcs de raisins : 900 000 tonnes. Ils sont souvent repris par les fabricants d’amendements organiques et intégrés dans les spécialités commerciales ;

- les déchets d’abattoirs, tels que les matières stercoraires (contenu des tubes digestifs), les déchets de dégrillage des effluents sortant de l’usine, et les boues de stations d’épuration. les matières stercoraires représentent un gisement de 540 000 tonnes et son souvent rétrocédées en l’état aux agriculteurs locaux. En raison des risques sanitaires, un traitement par compostage est souhaitable avant cession aux agriculteurs ; parmi les quelques plates-formes existant en France, citons Castres (81), La Châtaignerais (85), Saint-Maixent L’Ecole (72), etc...

- les déchets de fruits et légumes, pesant 1,1 millions de tonnes, sont essentiellement représentés par les freintes de commercialisation (produits avariés), les déchets du conditionnement ou de la transformation, et, selon les années, par les retraits économiques de marché. Les plates-formes de compostage de fruits et légumes sont très peu nombreuses en France. Citons l’unité de Villers les Pots (21) traitant des déchets d’oignons, celle de Bagé le Châtel (01) traitant des déchets de carottes et autres légumes, etc...

- enfin, un certain nombre d’autres déchets pourraient faire l’objet d’un traitement par compostage, même si cela est peu pratiqué : les déchets graisseux (charcuterie, fromageries, lavage de la laine, etc...), les boues de papeteries, les déchets de stockage des céréales, etc...

2. Le compostage de la biomasse aquatique :

Ils comprennent :

- les déchets de la pêche proprement dite et de la conserverie : 213 000 tonnes ;

- les déchets de mollusques et crustacés : 280 000 tonnes ;

- les déchets d’algues et algues épaves : quantités non connues (plusieurs milliers de tonnes). Les algues épaves posent un problème de nuisances olfactives ou esthétiques en saison touristique et certaines communes les ramassent (500 m3/jour dans la baie de Lanion) : le compostage est parfois utilisé pour traiter ces déchets (cas en Bretagne, et au CAT des 4 Vaulx par exemple).

Il existe également des références étrangères sur le compostage de déchets de poissons. Il faut signaler qu’une étude de faisabilité est en cours actuellement dans la région de Thau pour traiter les coquilles d’huîtres par compostage. Ces déchets sont en-effet riches en résidus organiques (algues diverses fixées à la coquille, mollusques morts, débris de chair, etc.) dont la putréfaction en décharge produit des odeurs nauséabondes.


V. Le compostage des déchets « liquides » :

A. Les boues de stations d’épuration :

1. Les particularités de cette filière :

Elles sont liées aux caractéristiques physiques des boues : c’est en-effet un substrat fermentescible, souvent riche en éléments minéraux mais toujours difficile à composter en raison de son taux d’humidité élevé (difficulté du maintien des conditions aérobies) et de sa finesse.

La mise en oeuvre du compostage de boues va donc principalement nécessiter :

- l’ajout d’un agent structurant (qui peut être du compost brut produit à partir de ces mêmes boues, du papier, de la sciure,...), car les boues sont le plus souvent sans porosité, plastiques avec une tendance nette à la compaction sous leur propre poids. On parle alors de compostage mixte. Cet ajout va permettre ainsi de préparer un substrat de compostage adéquat, homogène, avec un taux d’humidité maximal voisin de 65-70 %, et de relever la teneur déficitaire en carbone.

- La mise en place d’un système d’aération forcée pour éviter l’asphyxie du système.

Il est possible de déshydrater auparavant les boues par des systèmes de séchage ce qui résout les problèmes lié à l’humidité du substrat, mais augmente considérablement les coûts de traitements.

Le compostage des boues de stations d’épuration permet alors :

- une réduction de la fraction volatile,

- une réduction de la teneur en eau par une élévation de température dans la masse et parfois par une aération,

- une hygiénisation du produit par destruction des germes pathogènes, des parasites et des graines, présents en grande quantité dans les boues,

- la production d’un compost stable, riche en composés humiques. Le compostage est, par contre, sans-effet sur les métaux lourds et les substances organiques ou minérales non biodégradables, qui réapparaissent lors de leur utilisation agricole.

2. Le gisement :

Les boues résiduaires représentent une production estimée à 865 000 tonnes M.S (matière sèche) en 1992 (source : Ministère de l’environnement), soit environ 9 millions de tonnes brutes, toutes formes confondues. La part recyclée en agriculture représente 58 % des tonnages produits. La part traitée par compostage concerne environ 2 % des boues produites (au total 20 000 tonnes M.S), et s’effectue sur une petite trentaine de plates-formes. La production de composts intégrant en proportion variable des boues s’élève à plus de 110 000 tonnes.

B. Les matières de vidange :

Le tonnage est estimé à 200 000 tonnes M.S en 1993 (Source Ademe, 1994). S’agissant de produits toujours très riches en eau (98 à 99 % maximum), le tonnage brut peut être estimé à 10 millions de m3 ou de tonnes. Des expériences de compostage des matières de vidange avec des OM ou d’autres substrats ont été tentées avec succès dans le passé et se pratiquent encore sur certaines plates-formes de compostage, comme dans la Somme par exemple.

L’étude de ces différentes filières de traitement des déchets organiques met en valeur la diversité d’utilisation du compostage comme moyen de traitement des déchets générés par notre société : le modèle de base, lui-même adapté par l’homme d’un modèle naturel, est modifié, remodeler en fonction de la nature des déchets à composter, et chaque filière va produire un compost particulier.

S'il a été présenté ici les filières principales de compostage (pour les quantités traitées), il faut savoir que d’autres déchets (intéressants souvent pour leur origine particulière) en quantité pas toujours importante suivent cette filière : c’est le cas par exemple des déchets industriels. Le compostage est ici utilisé comme un procédé de stabilisation voire de détoxication des déchets industriels contenant des matières organiques d’origine naturelle ou de synthèse. Ainsi la plate-forme de Chateaurenard (83) traite certains déchets industriels pour faciliter ensuite leur incinération dans des centres spécialisés.

Le compostage permet aussi d’absorber de grandes quantités de déchets, qui posent notamment de gros problèmes écologiques, comme la part organique des OM, les boues de stations d’épuration qui mal épandues génèrent des pollutions de la nappe phréatique, les lisiers...

Enfin à ces intérêts techniques et écologiques, s’ajoute la pression législative du gouvernement qui impose de valoriser les déchets avant leur mise en décharge et qui désigne ainsi le compostage comme une filière qui devrait donc se développer et représenter un mode de valorisation d’une grande partie des déchets organiques. Or, la part valorisée aujourd’hui par le compostage est faible par rapport aux potentialités de chaque filière. Et de plus, les prévisions des constructeurs de plates-formes sont très pessimistes : force est de constater que le compost végète actuellement par rapport aux autres filières de traitement des déchets.


(*) extrait de :

DEVISSCHER S. (1997) - Le compost. Mém. D.E.S.S., univ. Picardie, 60 p.

Jacques.beauchamp@sc.u-picardie.fr