PROPRIETES ET VALORISATION DU COMPOST

par

Séverine DEVISSCHER (*)


I. Généralités :

Au préalable de toute discussion sur le principe du compostage, il est utile de préciser que :

- le compost est le produit obtenu lors du compostage de matières organiques ; - les déchets organiques sont des composés de matière organique (MO) caractérisée par la présence d’atomes de carbone issus d’organismes vivants, végétaux ou animaux. Il s’agit de pelures de fruits, épluchures de légumes, coquilles d’oeuf, marc de café, morceaux de gras ou de viande, de déchets « verts », etc... De part leur composition chimique, les déchets organiques peuvent subir un phénomène biologique appelé fermentation. On dit alors que les déchets organiques sont putrescibles.

A. Définitions :

Il est difficile d’arriver à donner une définition précise et rapide du compostage car selon le point de vue utilisé, les objectifs et les caractéristiques qui lui sont alors attribués varient.

D’après la définition du dictionnaire, le compostage correspond à « l’action de faire fermenter en présence d’air des matières organiques » : il s’agirait donc de ce point de vue d’une simple réaction chimique, qui globalement s’écrit :

C6 H10 O5 + 6 O2 --> 6 CO2 + 5 H20 + chaleur

Pour certains spécialistes comme R.T HAUG (1980), le phénomène prend une dimension plus complexe : il s’agit alors de « la décomposition biologique et la stabilisation des substrats organiques dans des conditions qui permettent le développement de températures thermophiles, résultat d’une production calorifique d’origine biologique, avec obtention d’un produit final suffisamment stable pour le stockage et l’utilisation sur les sols sans impacts négatifs sur l’environnement. ». Selon cette seconde définition, le compostage est donc avant tout une technique de stabilisation et de traitement des déchets organiques. Pour d’autres encore, c’est une opération qui consiste à faire fermenter en présence de l’oxygène de l’air des déchets organiques pour obtenir un amendement riche en humus : composter correspond donc essentiellement à la production d’humus stables dans les composts. Mais c’est aussi ici recycler la matière organique et boucler des cycles naturels qui avaient été interrompus par l’abandon des pratiques appropriées.

En fait, le compostage est d’après ces différentes définitions tout à la fois :

1. une technique de stabilisation et de traitement aérobie des déchets organiques biodégradables,

2. il s’adresse à tous les déchets organiques mais en priorité aux déchets solides et semi-solides,

3. c’est un mode de destruction, par la chaleur et divers facteurs internes, des germes et parasites vecteurs de maladies, des graines et des fruits indésirables,

4. c’est une technique biologique de recyclage de la matières organique qui au terme de son évolution donne des humus, facteurs de stabilité et de fertilité des sols,

5. c’est le résultat d’une activité microbiologique complexe, survenant dans des conditions particulières : il appartient à ce niveau au domaine des biotechnologies.

D’un point de vue général, le compostage peut être défini, comme le processus biologique assurant la décomposition des constituants organiques des sous produits et déchets en un produit stable riche en composés humiques, par fermentation aérobie : le COMPOST. Les différentes réactions d’oxydation sont dues à la présence de micro-organismes dans les substances mises en décompostion.

Les seuls déchets compostables sont donc d’après cette définition des déchets organiques fermentescibles et non pollués qui ne retournent pas aux sols de façon contrôlée dans les conditions actuelles. Les matières organiques d’origine chimique comme les matières plastiques ou d’autres composés ne se compostent pas ou mal. Ce sont souvent des composés toxiques ou inhibiteurs. Seules les substances organiques proches des composés naturels biodégradables sont susceptibles d’être compostées.

B. Classification des déchets compostables :

Les substances compostables peuvent être classées de différentes façons :

- selon leur nature chimique : . déchets organiques : riches en azote ou riches en carbone, . déchets minéraux (adjuvants de compostage) : déchets basiques (calcaires, cendres...) ou sels résiduaires (carbonate de calcium, sulfates, phosphates...) ;

- selon leur état physique : . déchets solides (ordures ménagères, bois, paille, boues déshydratées...), . déchets semi-solides (boues de station d’épuration...), . déchets liquides (lisiers agricoles, effluents agro-alimentaires, boues fraîches liquides...) ;

- selon leur origine : . déchets provenant de l’activité des ménages : ordures ménagères (OM), . déchets provenant de la distribution et des activités de service, déchets organiques des commmerces agro-alimentaires, . déchets du secteur primaire : déchets agricoles (fumiers et lisiers, résidus de récolte, de stockage...), déchets des industries extractrices comme les mines de phosphates ou les carrières de calcaires, de dolomies, de marbre... . déchets provenant du traitement des effluents liquides et gazeux : boues de traitement des liquides (boues d’épuration des eaux usées domestiques, des eaux résiduaires agro-alimentaires, matières de vidange décantées...) ou boues du traitement des cendres volantes.

Si on considère le processus d’évolution naturel des matières organiques sur le sol (litière de feuilles dans une forêt par exemple), on remarque qu’il possède des similitudes avec le procédé de compostage, mais il s’en distingue aussi par le simple fait que les conditions du milieu sont contrôlées et font évoluer la matière organique de façon différente par rapport au milieu naturel. On aboutit ainsi au compost qu’il faut considérer comme un cas particulier de sol actif très riche en matière organique en évolution, et pauvre en éléments minéraux figurés.

Cette double valeur du compostage (phénomène naturel mais adapté, contrôlé par l’homme) va lui donner toutes ses particularités : le principe du compostage va donc reposer à la fois sur des phénomènes biologiques naturels mais aussi sur des paramètres précis qui vont permettre à l’homme de contrôler l’évolution du processus biologique et de l’orienter si nécessaire.


II. Le principe du compostage :

Le compostage est un processus biologique qui fait intervenir de nombreux mico-organismes pour décomposer la matière organique : ils constituent la flore microbienne du compostage.

A. La flore microbienne :

1. Nature de la flore microbienne :

Elle est majoritairement constituée de bactéries et de champignons. Il est important de notre que ces micro-organismes sont déjà présents en grande quantité dans tous les substrats destinés à être compostés ou épandus sur le sol : le processus de compostage démarre donc généralement tout seul, sauf cas particuliers de substrats stériles ou de conditions de milieu défavorables (trop sec ou trop acide...). On peut dire en fait que « les déchets charrient ainsi les germes de leur propre destruction ». Certains auteurs recommandent l’utilisation d’ensemencements bactériens sélectionnés mais ils n’ont quasiment jamais fait preuve d’efficacité, rapportée aux surcoûts, puisqu’ils sont rapidement noyés dans l’écosystème microbien qui se développe spontanément.

Les micro-organismes sont d’origine tellurique (du sol) et appartiennent aux groupes suivants : - Bactéries, - Actinomycètes, - Champignons (ou Mycètes), - Protozoaires, - Algues. A l’intérieur d’un même groupe tous les micro-organismes n’agissent pas de la même façon sur le substrat et on peut les classer alors suivant la fonction biochimique spécifique qu’ils assurent au sein du compost : ce sont par exemple des amylolytiques qui dégradent l’amidon de la MO, des nitrificateurs (transformation des acides aminés, de l’urée, des acides nucléiques...), etc.

2. Evolution de la composition de cette flore au cours du compostage :

Les micro-organismes (et la microfaune des Invertébrés) dégradent la matière organique par la production d’enzymes, véritables biocatalyseurs de toutes les réactions biochimiques. Ces enzymes sont : (1) extracellulaires c’est-à-dire produits et excrétés par les micro-organismes en activité, (2) intracellulaires, libérés lors de la mort ou de la destruction des cellules, et qui peuvent continuer à opérer indépendamment des cellules productrices pendant un temps plus ou moins long en dépit de leur relative fragilité. (Ceci explique d’ailleurs que le compost possède une activité enzymatique, en dehors des êtres vivants qui le peuplent et ceci peut être mis en évidence lors de leur destruction à l’aide d’un antiseptique non dénaturant - le toluène ou le chloroforme par exemple- ou par irradiation gamma.). Par l’action de ces enzymes sur la matière organique, les micro-organismes modifient la composition du substrat mais aussi la température et le pH du milieu. Or les enzymes fonctionnent dans une certaine gamme de température et de pH : au fur et à mesure de l’évolution de ces deux paramètres il va y avoir une sélection des populations de micro-organismes possédant un équipement enzymatique propre à s’adapter à ces nouvelles caractéristiques du milieu. De part leur activité, les micro-organismes du compost, à un moment donné, créent les conditions de leur propre destruction qui se trouvent être optimales pour la vague suivante des populations.

La diversité de la flore existante est donc en fait liée aux différents niveaux de biodégradabilité des constituants organiques : des communautés différentes de micro-organismes vont ainsi se succéder en fonction du niveau de décomposition atteint et de leur équipement enzymatique. Cette succession de décomposition explique en fait la succession des différentes phases du compostage.

B. Les différentes phases du compostage :

Après une phase de latence, se déroule une phase thermophile. L’énergie calorifique produite par les réactions d’oxydation est la cause de l’élévation de température. Cette première phase voit se développer l’activité microbienne et la multiplication des micro-organismes ; il s’y produit une synthèse d’acides et un dégagement de gaz carbonique. La fraction cellulosique, plus résistante aux dégradations microbiennes est dominée par les organismes thermophiles (70°C). Les éléments ligneux étant très peu biodégradables, la lignine subit une décomposition très lente. La durée d’une dégradation totale de la lignine n’est pas à l’échelle d’un temps de compostage et justifie un broyage préalable. A la phase thermophile succède une phase dite de stabilisation ou de maturation la température redescend autour de 40 degrés ; la flore microbienne est dominée par les organismes mésophiles.

L’évolution de la matière organique en compost est régie essentiellement par les micro-organismes et leurs actions enzymatiques : le compostage possède à ce niveau de nombreuses similitudes avec le processus d’évolution naturel des matières organiques sur le sol mais il s’en distingue aussi par le fait essentiel que cette évolution est contrôlée pour l’orienter vers un enrichissement en matières organiques, par l’intermédiaire de certains paramètres fondamentaux.


III. Les paramètres du compostage :

Il s’agit : - du taux d’oxygène lacunaire, - de l’humidité, - de la température, - des caractères physico-chimiques des matériaux mis en compostage.

Ces paramètres sont en fait ceux qui influencent les conditions de vie des micro-organismes, des facteurs régissant leur métabolisme : d’abord approchés de façon empirique, par la pratique et l’expérimentation scientifique, ces paramètres ont été progressivement cernés et identifiés comme agissant sur les transformations. On a surtout établi ainsi la relation entre l’activité des micro-organismes (reflétée par ces paramètres) et l’évolution du compost. Le contrôle de ces paramètres est donc déterminant pour obtenir un compost de bonne qualité.

Le bilan du compostage peut se résumer ainsi et cette réaction montre bien que le suivi de ces parmètres va être indispensable pour évaluer la bonne marche du système en compostage :

A. Les paramètres physiques de contrôle du bon déroulement du procédé :

1. Le taux d’oxygène lacunaire :

La présence d’oxygène (dioxygène en fait) est indispensable au bon déroulement du compostage : il est en effet consommé d’une part par les micro-organismes au cours de leur respiration et d’autre part, par les réactions d’oxydation consommatrices d’oxygène. La décomposition de la matière organique conduit ainsi à un dégagement de gaz carbonique dont l’augmentation est corrélée à une baisse du taux d’oxygène. Il est donc nécessaire d’apporter, dans la matière à composter, de l’oxygène par aération pour maintenir un taux d’oxygène suffisant.

On considère généralement que le seuil minimal nécessaire pour maintenir des conditions aérobies est d’environ 5 % d’oxygène : ce seuil ne devra pas être dépassé car la mise en place de conditions anaérobies déséquilibrerait la flore en place au profit d’une autre et le système évoluerait alors vers le processus de méthanisation, avec production de biogaz et d’un digestat (résidu solide).

On parle ici d’oxygène lacunaire car il est contenu dans les « vides », les lacunes existants entre les différentes particules de la matière mise à composter : il est défini comme le pourcentage d’oxygène dans l’air des « vides ». Ce pourcentage d’espaces vides n’est pas fixe et va varier en fonction : - de la granulométrie (taille des particules) et de la forme des particules organiques, - de la quantité d’eau présente. La vitesse du transfert de l’oxygène, de l’espace lacunaire aux micro-organismes conditionne la vitesse du compostage, car le substrat organique biodégradable présent partout en grande quantité, n’est pas un facteur limitant.

Ce premier paramètre nous permet de distinguer deux systèmes de compostage : - dans le cas de substrats pâteux ou liquides (dans lesquels il n’existe pas d’espaces lacunaires) on doit apporter l’oxygène au milieu par agitation ou par bullage : on parle alors de système actif de compostage, - pour des déchets solides où le renouvellement de l’air des lacunes n’est pas provoqué, on parle de système passif.

Les besoins des micro-organismes aérobies évoluent en cours de fermentation. Ils sont maximaux au démarrage du compostage lors des premières phases de dégradation intense de la matière organique fermentescible ; la disparition progressive de cette fraction provoque une diminution proportionnelle des besoins en oxygène, jusqu’à la maturation du compost où une faible consommation résiduelle est encore enregistrée. La consommation de l’oxygène par une masse organique est donc un paramètre direct de l’activité des micro-organismes aérobies qui permet de situer le stade d’évolution atteint par un compost.

2. L’humidité :

L’eau contenue dans la matière organique mise en compostage est nécessaire à la vie des micro-organismes. Elle joue également un rôle prépondérant dans le transport des particules, assurant ainsi un meilleur contact entre les fractions organiques et la flore microbienne. Pendant le compostage, la teneur en eau varie :

- elle augmente à cause des réactions chimiques d’oxydation de la matière organique. Globalement on peut écrire :

Ca Hb Oc Nd + O2 ---> C O2 + H2 O

Matière organique + oxygène ---> gaz carbonique + eau

- elle diminue à cause simultanément de l’élévation de température (évaporation) et de l’aération (perte de vapeur d’eau par aération forcée ou par retournement).

Donc plus l’aération sera forte, la température élevée et le matériau divisé, plus la masse en compostage s’asséchera ( cet assèchement peut-être un avantage voir même être recherché dans le cas de compostage de substrat liquide comme les déjections animales liquides : les lisiers, boues de stations d’épuration...) Comme pour l’oxygène, où il existe une valeur limite inférieure (l’asphyxie) et supérieure (le dessèchement), l’humidité ne doit ni être un facteur limitant (elle est indispensable aux micro-organismes), ni être trop importante car l’eau saturerait progressivement, dans ce cas, les espaces lacunaires et pourrait étouffer le tas, en empêchant la diffusion de l’oxygène vers les micro-organismes, qui s’asphyxieraient progressivement. Pour assurer un bon déroulement du compostage, il va donc être nécessaire d’assurer un taux optimal l’humidité, qui va être défini, pour un substrat donné, par le taux maximal d’espaces lacunaires qui n’entraîne pas d’inhibition de l’activité des micro-organismes. On considère en général que le compostage optimal dans les premières phases est obtenu pour des valeurs de 30 à 36 % d’espaces lacunaires dans la masse.

3. La température

L’augmentation de température de la masse en compostage constitue le paramètre le plus facilement mesurable car ce phénomène est sensible à main nue, il suffit pour cela d’approcher sa paume de la surface du tas en évolution. Cette élévation de température est due, elle aussi, à l’action des micro-organismes qui en oxydant la matière organique des substrats libèrent ainsi l’énergie contenue dans les liaisons chimiques des molécules constitutives : une partie de cette énergie est récupérée par l’organisme mais une grande part est perdue et dissipée dans l’atmosphère. Le suivi de la température permet donc une mesure indirecte de l’intensité des dégradations aérobies, même s’il ne reflète pas la qualité de ces dégradations, le bon suivi de la fermentation aérobie, comme le dosage de la consommation d’oxygène ou la mesure du flux de chaleur.

L’évolution de la température au cours du compostage va dépendre :

- de la composition des substrats mis à fermenter, et de leur pouvoir calorifique : des déchets riches en composés fermentescibles (animaux et végétaux riches en sucre) atteindront rapidement des températures élevées contrairement aux autres déchets peu fermentescibles (végétaux lignocellulosiques, etc...). De même des déchets riches en graisses et huiles (lipides) dégageront davantage de chaleur par unité de masse que d’autres composés organiques ;

- du régime des échanges thermiques dans la masse en fermentation : en fonction de la masse, de la forme du tas (rapport volume du tas/surface extérieure du tas) ou du fermenteur, du climat, de la présence de couches externes isolantes... des niveaux très différents de température seront atteints pour un même substrat.

La température est un témoin de l’activité biologique. Mais les micro-organismes ne sont pas seuls responsables de ce phénomène car il existe une certaine inertie thermique de la masse de compost qui lui confère une capacité auto-isolante et qui maintient une température élevée à l’intérieur du tas alors que la fermentation a diminué. La température des tas est auto-régulée :

En début de compostage, l’activité biologique s’installe et fait monter la température dans le tas jusqu’à 60 à 70°C. Mais, au-delà de 60 à 65°C, cette température devient limitante pour l’activité biologique (inactivation des enzymes), ce qui réduit la quantité de chaleur produite et la température se stabilise jusqu’à ce que certaines conditions deviennent limitantes, notamment la dégradabilité du substrat, ce qui conduit à une baisse progressive de la température. On remarquera que le système se stabilise ainsi à un stade qui ne correspond pas à l’optimum de l’activité biologique mais à un niveau inférieur. En fait dans la pratique la température n’est pas homogène dans un tas et à un moment donné, une partie seulement du substrat est en phase mésophile. En outre, si le tas est trop petit, il ne présente pas une inertie thermique suffisante pour assurer la montée en température.

L’élévation de température est très importante pour la destruction des germes pathogènes, des graines adventices que peuvent contenir les végétaux mis à composter. La qualité de cette « hygiénisation » du compost est vitale pour éviter un tranfert de pollution lors de son utilisation future, surtout en agriculture.

4. Les conditions physico-chimiques des substrats :

Les substrats organiques qu’il est possible de composter sont extrêmement variables dans leur composition chimique et ceci va influer sur le déroulement du compostage. En effet, les micro-organismes, par l’action des enzymes qu’ils produisent, décomposent la matière organique en éléments simples, appelés nutriments qu’ils vont utiliser pour leurs propres besoins, leur fonctionnement (reproduction, croissance...). Les quantités de ces nutriments dans le milieu vont donc varier en fonction des besoins du moment des micro-organismes et on distingue alors à ce niveau plusieurs indicateurs d’évolution du compostage : . Les rapports entre éléments majeurs (carbone, azote, phosphore, potassium et soufre), plus particulièrement le rapport carbone/azote ou C/N, . le pH, . les taux de matière sèche et de matière organique.

a) Le rapport C/N : Il mesure les proportions relatives en carbone et en azote, nutriments essentiels à la vie des micro-organismes. Le C/N optimal, en début de compostage, que l’on trouve dans la littérature est assez variable et se situe dans l’intervalle (20 - 30). Pour approcher cette valeur optimale, on essaie de mélanger plusieurs types de substrats ayant des C/N différents et qui sont généralement inaptes à être compostés seuls. On peut citer le gazon qui à un C/N très bas (riche en azote) ou le bois dont le C/N est élevé (beaucoup de lignine). Ce rapport décroît constamment au cours du compostage, pour se stabiliser dans un compost fini vers 10 : ceci s’explique par le fait que les micro-organismes consomment plus de carbone (principal constituant des molécules organiques) que d’azote.

Vis-à-vis des autres macronutriments, on considère généralement que leurs teneurs ne doivent pas être limitantes et elles sont rarement mesurées. Les teneurs optimales et elles sont rarement mesurées. Les teneurs optimales azote/phosphore varient entre 2 et 5, pour le potassium 0,2 à 0,5%. Pour les autres éléments majeurs comme le soufre, le calcium et le magnésium, les teneurs limitantes sont extrêmement rares.

b) Le pH : Le pH n’a pas d’influence majeure sur le procédé de compostage (la plage optimale se situant autour de la neutralité, entre 6,5 et 8,5). Mais le pH des milieux de compostage va varier énormément : initialement il va dépendre des substrats constate alors une baisse du pH. Cette acidification est due à la production d’acides organiques (dégradation des sucres simples) et à la production de CO2 en début de compostage. Le pH remonte ensuite et redevient basique. Le contrôle du pH est souvent utile en fermentation parfois indispensable : il permet de suivre le processus et ultérieurement de l’orienter favorablement.

c) Evolution quantitative et qualitative de la matière minérale et de la matière organique du substrat au cours du compostage : Pendant le compostage, le volume total et la masse ne font que diminuer. Cette décroissance est due à plusieurs facteurs :

1. il y a diminution du volume par tassement au cours du temps et par fragmentation du substrat (destruction progressive des particules) ;

2. il y a diminution de la masse totale à humidité constante par diminution de la masse de matière organique (dégradations accompagnées de pertes de carbone par départ du gaz carbonique et de composés volatiles). Parallèlement, l’élévation de température entraîne des pertes d’eau par évaporation. Sur le plan densité, ces deux diminutions se compensent en partie : la densité finale est surtout fonction de la teneur en eau du compost, et de la proportion d’agrégats stables. En moyenne, on estime que la perte de matière organique, pour un rapport C/N de départ optimal, varie entre 35 et 50 %. Les réductions augmentent avec le pouvoir fermentescible des déchets mis à composter.

On étudie tout particulièrement la granulométrie du compost, c’est à dire la mesure de la dimension des particules d’un mélange. Par extension, c’est la proportion relative de répartition des particules dans différents intervalles de dimensions. Comme il a été précisé précédemment, l’aération est un paramètre prépondérant des fermentations au cours du compostage et la présence d’oxygène est directement liée au pourcentage d’espaces lacunaires (porosité) dans le compost : or ce pourcentage est fonction de la granulométrie. Si la granulométrie est trop fine, elle provoque un « étouffement » du tas, si elle est trop grossière elle peut être synonyme de dessèchement dû à des circulations d’air importantes : un broyage des déchets est donc nécessaire pour obtenir une granulométrie favorable et un bon mélange des produits.

Dans la réalité, ces paramètres majeurs (composition, activité microbiologique et oxygène, température, pH) interviennent en même temps au cours du compostage et non pas séparément comme le suggère leur précédente étude. Leur action résultante, pour une aération et une humidité optimale, détermine l’allure des courbes d’évolution des substrat en fonction du temps. Le contrôle de ces paramètres tout au long du processus de compostage est essentiel et doit être respecté : leur maîtrise permet de mener à bien l’évolution de la matière organique et d’obtenir un compost de qualité. Cette qualité est déterminée elle aussi par un certain nombre de paramètres.

B. Les paramètres de suivi de la qualité du compost :

Le traitement par compostage, s’il se déroule correctement, doit permettre en effet non seulement de dégrader de la matière organique (des déchets) mais aussi de produire un compost mûr, stabilisé (sans danger pour les cultures) et répondant aux réglementations en vigueur en vue d’une commercialisation ou d’une utilisation par la collectivité.

Les principaux paramètres à connaître sont : (1) la teneur en matière sèche, en carbone organique, en azote, potasse, phosphore; (2) le dégré de maturité. Il sera utile aussi de connaître le pH et les teneurs en métaux lourds, germes pathogènes et graines adventices pour prévenir le risque d’un transfert de pollution.

1. Teneur en éléments fertilisants :

Ces résultats sont extraits de la « synthèse de référence : qualité, maturité et efficacité agronomique des composts de déchets verts » : ils concernent uniquement les composts de déchets verts : les teneurs en éléments fertilisants sont donc propres à ce type de compost mais la variation de leur composition peut être généralisée à tous les types de compost.

La teneur en matière sèche est généralement comprise entre 50 et 60 %, pour une moyenne de 55 %. Une siccité élevée peut être observée dans le cas d’une aération forcée. La teneur en matière organique (sur MS) est très variable : de 23 à 63 % avec une moyenne de 41 % sur sec, et 24 % sur brut. Le pH a une valeur assez stable, située entre 7 et 8, quels que soient les composts. Cette caractéristique éliminera d’emblée l’usage du compost pour des plantes acidophiles telles que l’azalée, la bruyère, le rhododendron, la callune, etc, à imaginer un mélange avec des produits nettement acides. Le rapport C/N est presque souvent proche de 15. La teneur en azote total (mesurée par la méthode Kjeldahl) donne une valeur moyenne de 1,5 % sur sec avec des écarts de 1 à 2,4. Parmi les autres éléments fertilisants, on peut noter une teneur élevée en calcium (CaO 50 Kg par tonne brute), une teneur notable en potasse (6,7 Kg/t brute), et, dans une moindre mesure en phosphore (environ 3,4 Kg/tonne brute).

Cette composition du compost va varier en fonction de la maille de criblage utilisée. Ainsi : (1) la teneur en matière organique diminue avec la granulométrie, (2) à l’inverse, la teneur en éléments fertilisants (N, P, K, Ca, Mg) augmente à mesure que la granulométrie diminue, (3) le rapport C/N diminue avec la maille de criblage. Du point de vue pratique, le producteur de composts va pouvoir jouer sur un post-traitement pour atteindre un objectif de production précis (teneur en matière organique ou teneur en azote, phosphore pour exemple). Enfin, la composition du compost va aussi varier en fonction de la durée du compostage, plus ce temps sera long, plus la dégradation de la matière organique sera importante. Tout au long du processus on assiste à une diminution de la masse du tas corrélative à une augmentation de la concentration en éléments fertilisants. Dans la pratique, ce parmètre sera à étudier avec précision car la durée du compostage va déterminer une quantité précise de compost à évacuer et une certaine qualité fertilisante de celui-ci.

2. Maturité du compost :

Il correspond au degré de stabilité atteint par le produit et cet optimum sera différent selon l’utilisation prévue du compost.

Il est très important que le compost est atteint cet optimum : en effet un compost non mûr est encore riche en carbone facilement assimilable par les micro-organismes. Cette richesse en carbone peut provoquer un blocage de l’azote (phénomène dit de la « faim d’azote »). Cet effet de blocage est dû à l’utilisation trop importante de l’azote du sol par les bactéries dégradant la matière organique. Ceci se produit quand ces bactéries ne peuvent se fournir en azote à l’intérieur du compost. D’autres effets dépressifs sont à signaler, notamment dûs à la trop rapide décomposition d’un compost immature. Cette transformation rapide provoque une diminution de la concentration d’oxygène et du potentiel d’oxydo-réduction du sol, ce qui peut créer un milieu anaérobie et fortement réducteur. Cela entraîne une augmentation de la solubilité des métaux lourds dans le sol, ainsi qu’une inhibition de la germination des graines. Cette inhibition est causée par la production de substances phyto-toxiques telles que l’ammoniaque, l’oxyde d’éthylène et les acides organiques.

La plante réagit à ce milieu inhibiteur en diminuant sa respiration racinaire et son absorption d’une manière générale. De plus, elle ralentit sa production de gibberelline, de cytokinine et l’ensemble de ses transports.

Différents paramètres peuvent être utilisés pour déterminer la maturité du compost. On peut citer le rapport C/N dont la valeur recommandée se situe dans l’intervalle (10-15). La température qui décroît en fin de compostage est également un moyen de connaître si le compost est mûr. Il faut néanmoins rester prudent quant à l’utilisation de la température comme témoin de maturité à cause de l’inertie thermique du compost. On peut aussi mesurer le flux de gaz (consommation d’oxygène, dégagement de CO2), le degré d’humidification, le pH ou la demande chimique en oxygène.

En général, on utilise certains tests de maturité pour cela : on peut citer le test global de phyto-toxicité de JUSTE et al., 1980 ; le test rapide de NICOLARDOT et al., 1980 (basé sur la consommation d’oxygène) ; le test de colorimétrie de MOREL et al., 1979 ; etc. La plate-forme de Rouen (compostage de déchets verts) procède par exemple ainsi à des analyses de phyto-toxicité en utilisant le cresson (Lepidium sativum). Le test consiste à faire germer dans des boites de Pétri des graines de cresson en contact avec des extraits hydrosolubles des différents substrats à étudier. Après 48 heures d’incubation à 28° C, le taux de germination est mesuré, ainsi que le taux d’élongation racinaire, par rapport à un témoin à l’eau distillée. Ensuite est calculé l’indice de germination, produit des 2 taux, qui reflète la maturité du compost.

3. Métaux lourds :

La présence de métaux lourds dans le compost peut avoir diverses origines. Le plomb contenu dans les gaz d’échappement représente une source importante de métaux lourds : il provient essentiellement des végétaux bordant les axes routiers et des feuilles mortes ramassés sur les chaussées. On peut également citer le cuivre provenant des fongicides ou le cadmium provenant des apports phosphorés ou des piles « boutons » jetées avec les ordures ménagères. L’usure des marteaux fréquemment utilisés pour broyer les déchets avant le compostage et celle de l’aire de travail peut aussi enrichir le compost en éléments-traces métalliques.

Le risque de teneurs élevées réside essentiellement dans la concentration qui se produit au cours du compostage puisqu’il y a perte de matière organique et que les métaux lourds ne sont pas « dégradés ».

4. Les pesticides :

Les pesticides ou produits phytosanitaires se classent en plusieurs grandes familles en fonction de leur spécificité. Les herbicides, les fongicides et les insecticides sont les pesticides les plus utilisés.

Le problème de leur présence se pose surtout dans le cas du compostage de déchets verts. Une enquête sur l’utilisation des pesticides réalisée en 1992 par le Service Régional de la Protection des Végétaux de Lorraine a montré que 61,4 % des communes interrogées utilisaient des pesticides, les herbicides en représentant la plus grande part. Parmi ces derniers, les matières actives les plus utilisées sont le diuron, l’amminotriazole, le glyphosate et les triazines. En ce qui concerne les espaces verts des particuliers, on peut penser que les quantités de pesticides utilisées sont inférieures à celles des services municipaux et que les produits sont moins concentrés. En effet, certains produits utilisés en espaces verts publics ne sont pas accessibles aux particuliers.

La présence de résidus de pesticides dans le compost de déchets verts dépend en fait de différents facteurs comme l’origine des déchets ou le type de produits utilisés. Il existe par conséquent une incertitude importante sur la probabilité de trouver des résidus de produits phytosanitaires en fin de compostage. Il faut noter que cette probabilité dépend également de la rémanence des molécules de pesticides ainsi que des facteurs de dégradation de ces molécules (température, micro-organismes). Les analyses de résidus de pesticides font défaut en France, cette question ayant été plus étudiée aux USA. HEGBERG et al. (1991) ont ainsi procédé à la recherche de 30 pesticides parmi les plus communs dans un compost de déchets verts : tous étaient à teneur inférieure aux limites de détection, à l’exception du Chlordane (insecticide contre les termites), qui a pourtant cessé d’être utilisé aux USA depuis 1988. Il a réalisé de même un examen portant sur un grand nombre de pesticides sur le compost de déchets verts de Portland (Oregon, USA). Deux produits ressortent seulement : le Pentachlorphénol, herbicide utilisé pour désherber les barrières, abords de maison, etc., et de Chlordante, déjà cité ci-dessus. On constate en fait, et ceci n’est pas étonnant, que les produits les plus rémanents résistent le mieux à la dégradation au cours du compostage.

5. Les germes pathogènes :

La montée en température lors du compostage permet normalement de détruire la majorité des germes pathogènes. Cette « hygiénisation » du compost est généralement réalisée pour un compostage se déroulant dans de bonnes conditions (retournement, aérobiose, durée suffisante, humidité). Une étude du hollandais BOLLEN (1984) (Département de Phytopathologie, Université d’Agriculture de Wageningen) a permis de montrer que la presque totalité des germes sont détruits au cours du compostage, dans la mesure où les températures se situent entre 40 et 70° C. Les seuls organismes résistants, selon leurs formes végétatives et divers phénotypes, seraient Fusarium oxysporum, Pyrenochaeta lycopersici, Plasmodiophora brassicae et des maladies virales du tabac (mosaïque et « rattle virus »). Ces germes particuliers, dans le compost de déchets verts, proviennent en fait de l’introduction de végétaux malades dans les broyats.

6. Les graines adventices :

Cette question n’a elle aussi pas fait l’objet en France de travaux.

HEGBERG (déjà cité) rapporte des essais réalisés par ROSEN et al., en 1989, et GOLUEKE en 1989 aux USA. Il ressort que les tests n’ont jamais montré la présence de graines viables dans le compost obtenu, à partir de déchets verts. HEGBERG considère que la persistance de températures supérieures à 65-70° C, pendant une période suffisante (cette durée n’est pas précisée) suffit à tuer le pouvoir germinatif des graines d’adventices. RAGDALE et al. (1992), USA, affirment que 55 à 60° C suffisent pour détruire les mauvaises herbes. Cette efficacité est fonction de la profondeur de la graine dans le compost : les graines placées en surface du tas résistent plus de 24 jours. A 30 centimètres, toutes les graines sont tuées en 24 jours. A 90 cemtimètres, toutes les graines sont tuées en 3 jours. Il est en général conseillé de couvrir le compost mûr en cours de stockage pour éviter sa recontamination par des graines de mauvaises herbes charriées par le vent.

La surveillance de ces paramètres de qualité va se faire tout au long du processus, par des analyses précises. Leurs résultats vont déterminer la possibilité d’utilisation du compost, surtout en agriculture.

Mais le compost n’a pas comme seule destination l’agriculture : ses utilisations possibles sont multiples et souvent méconnues du grand public, même si la fertilisation des sols correspond à son utilisation la plus classique.


IV. Les valorisations possibles du compost :

A. Les valorisations non agronomiques :

1. La valorisation énergétique :

Cette filière, très méconnue de nos jours, s’est développée avec la crise énergétique des années 70-80. Comme nous l’avons vu précédemment, le compostage dégage de la chaleur due à l’action des micro-organismes. Cette chaleur a deux « devenirs » possibles : 1. une partie sert au déroulement du processus fermentaire en élevant la température interne du tas et en évaporant l’eau ; 2. le reste, excédentaire, est perdu vers l’extérieur. Le principe de la valorisation énergétique du compost va être de récupérer cette énergie dégagée soit au niveau du tas, soit au niveau du fermenteur (si le compostage se déroule en système fermé). Pour cela, on peut :

- installer un échangeur eau-compost dans la masse en fermentation (tuyau de polyéthylène ou polypropylène) et y faire circuler de l’eau qui s’échauffe progressivement à ce contact. En 1980-82, l’association SOLEIL VERT à Saint Aulaye (Dordogne) a expérimenté ainsi le chauffage de douches d’un stade par compostage de bois broyé. On calculé à cet effet qu’un tas d’environ 25 tonnes de broyat (soit 80 m3), avec une température moyenne interne de 65° C, a permis d’élever 22 473 litres d’eau en 225 jours d’une température moyenne de 12° C (eau de ville) à une température moyenne de 45,5° C (eau chaude au compteur). On a ainsi calculé que le tas a fourni au total une énergie de 1 426 810 kilocalories, soit 1 659 kW.heure. La puissance installée moyenne sur 225 jours est donc de 307 Watts, soit 12,3 W/tonne, avec 25 W/t en puissance de pointe (pics de fermentation). D’autres expériences ont été menées en ce sens notamment par le CEMAGREF.

- récupérer les calories sur l’air extrait par aération forcée dans un fermenteur ou sur tas.

Diverses expériences ont montré que ces deux techniques dites « à calories basses températures » peuvent être mises en place et rentabilisées : (1) pour la production agricole sous serres (chauffage), (2) pour la production d’eau chaude sanitaire et le chauffage de locaux. Il faut pourtant bien noter qu’en dehors du milieu agricole, le développement de ces techniques est limité car il faut disposer sur place de grandes quantités de matière organique de bonne qualité fermentescible (fumier, lisier...) et que les tonnages à manipuler sont énormes, tout comme les coûts de raccordements. Cette technique connaît peu d’engouement de la part du grand public : ainsi différents modèles de « chaudières biologiques » ont été proposées sur le marché français sans grand succès (METHANECO en 1980 avec le « BIOCAPTEUR », DEA à Bordeaux avec la chaudière BIONIQUE en 1982...). Enfin ce domaine souffre de la concurrence de la méthanisation (autre voie possible de valorisation organique des déchets) beaucoup plus rentable en énergie.

2. La valorisation du compost en alimentation animale :

Les animaux domestiques dans le milieu naturel ingèrent de petites quantités de terres. Ces comportements connus sont liés, selon les vétérinaires, à des aspects psychologiques et nutritionnels, comme la prévention de certaines carences minérales. Le compost peut dans cette optique être utilisé en alimentation animale, en fonction de sa qualité particulière comme aliment proprement dit, comme matière première entrant dans la composition d’un aliment complet, comme additif alimentaire pour prévenir les carences (cas du porcelet).

a) le compost comme aliment proprement dit. Le compost utilisé ici est le compost urbain. Pour un compost urbain frais, il s’agit de l’ulilisation classique des ordures ménagères triées en alimentation animale (cas des porcs). Pour un compost plus évolué, la rapide croissance des micro-organismes sur les fractions cellulosiques entraîne une augmentation du taux protéique. Il est possible d’en faire des granulés et cet aliment peut être employé pour différents élevages (exemple comme compléments de l’herbe des ruminants). Une usine de compostage de ROME en fabrique dans un atelier spécialisé.

b) utilisation comme matière première entrant dans un aliment complet d’élevage. Le compost est incorporé à raison de 5 à 10 % dans un aliment complet en substitution d’un aliment de lest cellulosique. Il apporte en plus des aligo-éléments et une teneur correcte en divers produits quand il est stabilisé.

c) utilisation en complément de l’alimentation. Le porcelet à la naissance a une réserve de fer très faible (50 mg) et il en consomme 7 à 15 mg par jour, avec un rapport dans le lait de la truie d’environ 1 mg/jour. Après 15 jours, des signes d’anémie ferrique apparaissent. La prévention est donc nécessaire économiquement et si le plus souvent elle se fait par apport de fer et de vitamines par piqûre, le compost peut avantageusement être utilisé. C’est ailleurs le cas en Suisse (UFA 303 de l’usine de Bienne) et en Italie où il est commercialisé à cette fin.

Cependant ce secteur de valorisation est encore moins exploré que les autres car il n’est pas défini de catégories de produits de composition connue, normalisée qui permettrait de mieux cerner leurs effets positifs en alimentation animale. De plus, la variation des normes d’un pays à un autre freine leur commercialisation, comme nous le verrons plus tard. Reste aussi le problème de garantir une teneur minimale en substances réputées toxiques.

3. la valorisation environnementale :

Il s’agit à l’origine de la mise en oeuvre de filtres à compost : les macromolécules humiques des composts mûrs ont en effet un fort pouvoir adsorbant et cette propriété va être mise à profit dans certains systèmes de traitement des effluents gazeux ou liquides. Ce système de filtre actif peut être ainsi utilisé comme système de filtration des odeurs dans une station d’épuration ou une station de traitement des ordures ménagères. L’intérêt du compost mûr comme milieu adsorbant est triple. Iil est disponible sur place en grandes quantités à un coût marginal; il agit très efficacement sur la rétention des composés organiques malodorants et toxiques (mercaptans, thio-esters, ammoniac) et surtout il se régénère automatiquement grâce à l’activité des micro-organismes qui décomposent ces composés. De plus si les molécules traitées ne sont pas susceptibles d’être toxiques, le compost sera commercialisable.

D’autres filières de valorisation environnementale se sont développées récemment :

- remise en état de sols dégradés, notamment ceux des forêts calcinées,

- réhabilitation d’anciennes décharges : une décharge de classe 2 de la région nantaise a été recouverte, après réhabilitation, d’une couche de compost produit par l’usine Arc-en-ciel,

- reconstitution de pistes de ski comme à Aime en Savoie,

- re-végétalisation de sites comme les carrières,...

- équipements urbains ou couverture des banquettes d’autoroute.

Cependant le développement de ces valorisations non agronomiques reste très marginal soit en raison de leur faible succès (cas des valorisations énergétiques où les contraintes d’application importantes les limitent au domaine agricole), soit à cause des faibles quantités absorbées ou de leur caractère très ponctuel (réhabilitation de sols, etc.). Le débouché le plus important en quantité demeure la valorisation agronomique par laquelle la matière organique du compost va pouvoir être restituée au sol.

B. La valorisation agronomique :

Cet apport ne représente cependant pas seulement une restitution légitime à la terre de ce qui lui a été enlevé : du point de vue agronomique l’apport de compost a un rôle important à tenir dans le maintien d’une bonne qualité du sol pour satisfaire pleinement aux exigences des plantations. Avant d’étudier l’intérêt de l’apport du compost dans un champ, il est nécessaire de revenir sur la notion de sol et sur celle de ses composants les plus importants pour la nutrition des végétaux et déjà mentionnés précédemment plusieurs fois : les humus.

1. La matière organique dans le sol - notion d’humus :

Dans le sol, de façon simplifiée, on distingue trois fractions : solide minérale et organique, liquide (la solution aqueuse du sol), gazeuse dans les lacunes. La première fraction, que nous allons étudier plus particulièrement (car c’est sur elle qu’agira l’apport de compost), comprend une fraction solide minérale (cailloux, argiles,...)et une fraction solide organique (la matière organique peut être définie comme une matière carbonée provenant d’êtres vivants végétaux et animaux; elle est composée d’éléments principaux (C,H,O,N) et d’éléments secondaires (S,P,K,Ca,Mg)). Dans le sol, cette fraction organique se subdivise en quatre grands groupes :

- la matière organique vivante, végétale et animale, qui englobe la totalité de la biomasse en activité,

- les débris d’origine végétale (résidus végétaux, exsudats) et d’origine animale (déjections et cadavres) qui sont regroupés sous le terme de matière organique fraîche,

- des composés organiques intermédiaires, encore appelés produits transitoires ou matière organique transitoire qui sont les matières organiques en cours d’évolution entre la matière organique fraîche et les composés finaux : les matières humiques,

- les composés organiques stabilisés : les matières humiques ou les humus, avec une fraction extractible par les solvants (acides fulviques et acides humiques) et une fraction non extractible par ces solvants (l’humine).

La matière organique du sol est tout d’abord indispensable à la vie des micro-organismes et constitue, avec le complexe argilo-humique, une importante réserve en ions essentiels à l’alimentation des végétaux. Mais son rôle ne se limite cependant pas à cette seule fonction nutritive : elle est susceptible, de part sa constitution, d’améliorer les propriétés physiques des sols. Elle est un élément capital pour l’entretien des sols et le maintien de leur fertilité. Presque toujours associée à des matières minérales sous forme de complexes notamment avec les minéraux argileux, la matière organique constitue ainsi le complexe argilo-humique et c’est cette association qui va jouer un rôle essentiel sur la structure du sol, ses propriété mécaniques, physiques, hydriques et chimiques. On peut ainsi caractériser un sol par sa CEC (Capacité d’Echange Cationique) proportionnelle à la quantité de charges électriques portées par le complexe. Plus la CEC est élevée, plus le sol peut absorber et désorber de cations et donc les restituer à la plante. La CEC dépend de la nature et de l’association des argiles avec les composés humiques.

La matière organique évolue dans le sol : elle y subit un cycle de transformation qui correspond à un phénomène fondamental assurant un recyclage des éléments constitutifs de la matière vivante dans les sols. La dégradation de la MO, qui aboutit à la formation d’humus, se compose de deux phases :

1. une phase de minéralisation : dégradation par les micro-organismes du sol en éléments minéraux simples, en solution ou fixés sur le complexe argilo-humique,

2. une phase d’humification : réorganisation des éléments en composés humiques plus stables.

L’humus peut donc être défini comme étant un composé final de la dégradation de la matière organique : c’est un composé organique stable, à noyaux aromatiques, riche en radicaux libres, très important du point de vue agronomique car il possède de nombreuses actions sur les sols cultivés et également sur la physiologie des végétaux :

- réduction de la consommation d’eau par unité de matière sèche produit, par diminution de la transpiration,

- accélération des processus respiratoires et indirectement de la photosynthèse,

- influences favorables sur les métabolismes internes de l’azote, du phosphore et des glucides,

- actions stimulante sur la formation et la croissance des racines et des tiges,

- augmentation globale de la santé des plantes par augmentation de leur résistance aux différentes agressions.

Or chaque année, le sol perd de l’humus à cause de la minéralisation : il va donc être nécessaire de compenser ce phénomène en apportant de la matière organique. Il faut noter que ces pertes sont fonction du type de sol (teneur en argile et calcaire notamment) et du climat (humide, sec ou froid). Les apports compensatoires de matière organique peuvent être de différentes natures : on peut utiliser des engrais ou des amendements organiques comme les résidus de récolte, l’enherbement temporaire, les feuilles et sarments d’arbres ou de vigne, les déjections animales, et le compost.

2. Efficacité agronomique du compost :

Les amendements ont pour but d’équilibré le bilan humique des pertes et apports en humus si le taux de MO du sol est jugé insatisfaisant, ou de le rendre excédentaire s’il est jugé insatisfaisant et que l’agriculture souhaite procéder à un redressement. Les amendements organiques possèdent par définition moins de 3 % d’azote : ils participent à l’entretien ou à l’amélioration des propriétés physico-chimiques et biologiques des sols. Ils ne participent pas directement à la nutrition des plantes. Ce sont:

- « les amendements calcaires » dont le rôle est de régulariser l’état ionique de la solution du sol et du complexe argilo-humique, créant ainsi un milieu favorable à l’activité biologique et à la nutrition des plantes. Les amendements magnésiens s’y rattachent, calcium et magnésium ayant des rôles voisins, et se trouvant liés dans certains amendements

- « les amendements humifères » qui servent de support et d’aliment aux micro-organismes, et sont la source de l’humus, colloïde organique du sol. Des travaux récents (Mme Linères et al. 1993 et Audureau I., 1992) ont confirmés que le compost est un produit à fort pouvoir amendant.

Les amendements appartiennent aussi à la famille des fertilisants qui comprend aussi les engrais. A l’opposé des amendements organiques, les engrais participent seulement à la nutrition de la plante soit directement (engrais passant dans la solution du sol immédiatement ou au cours de l’année d’apport) soit indirectement en corrigeant les réserves jugées insuffisantes du sol en un ou plusieurs éléments (fertilisation de redressement), mais en aucun cas ils n’agissent sur la structure du sol.

Un apport de compost a donc pour but de maintenir la structure du sol dans un été satisfaisant. Ce n’est pas un fertilisant au sens habituel du terme : les substances nutritives qu’il peut contenir (azote, phosphore) sont en quantité trop faible pour justifier le transport et les frais d’épandage. Mais il est indispensable dès que les conditions agricoles conduisent à une « consommation » élevée en MO : par exemple en cas d’humidité insuffisante et de température élevée, ce qui est le cas des terres de maraîchage intensif du Sud de l’Europe. Il s’agit de toute manière d’un traitement des terres à long terme, d’un entretien et non pas d’un investissement à rendement immédiat, comme le sont les engrais.

3. Utilisations agricoles du compost :

a) en cultures de plein champ : Le compost s’utilise comme un fumier, cependant il doit être suffisamment élaboré pour ne pas entraîner de risque de blocage de l’azote du sol ou des engrais (« faim d’azote »). L’emploi du compost reste actuellement marginal en pourcentage des surfaces cultivées.

b) en cultures spéciales :

(1) maraîchage, horticulture d’ornement : C’est dans ce domaine qu’un compost de bonne maturité pourra avoir les meilleurs débouchés, car il n’y a pas de contraintes de productivité ou de norme alimentaire des productions. Son utilisation sera particulièrement intéressante comme amendement organique de fond pour les plantations d’arbres et l’installation de nouveaux gazons. Des essais sont en cours comme fertilisant d’entretien en association avec des activateurs biologiques.

(2) Culture de champignons : Ces derniers, décomposeurs primaires de la matière organique fraîche, se satisfont de composts grossiers, faiblement matûrés. Le processus de production et de récolte peut s’accommoder de produits visuellement sales. Mais la forte capacité des champignons à accumuler les métaux lourds est devenue un frein très sérieux à l’usage des composts, notamment en raison de la pression écologique des consommateurs, et de la concurrence des producteurs d’Europe du Nord (Hollande).

(3) Viticulture, arboriculture : Les composts y sont principalement employés comme mulch pour la protection des sols -souvent dénudés et en pente- contre l’érosion, et comme apports de masse à la plantation. Ici aussi, des produits grossiers- en qualité comme en granulométrie- pouvaient trouver leur usage et l’ont trouvé pendant fort longtemps dans des zones géographiques limitées, telle que le vignoble champenois.

(4) Agriculture biologique : Les produits agricoles bénéficiant du label « biologique » doivent respecter un cahier des charges de production. Cette agriculture exclut l’utilisation de produits chimiques de synthèse et le sol doit être fertilisé avec des engrais naturels. Le compost peut y trouver un bon débouché auprès des agriculteurs « biologiques ». Le marché concerné représente cependant des quantités limitées.

c) Dans le jardin : Au jardin potager et au verger, la faible superficie concernée, la relative intensification des productions, la succession des cultures sur la même planche sans période de jachère, rendent obligatoires le maintien d’une bonne structure et d’une activité biologique soutenue du sol. L’utilisation du compost au jardin est donc, de ce fait une nécessité, et peut absorber ainsi les déchets des jardins voire les déchets ménagers. On parle alors de compostage individuel.

Le compostage correspond donc à la mise en oeuvre d’une technologie très pointue. Si à la base, le phénomène est simple (action de micro-organismes de façon spontanée sur la matière organique), il nécessite en fait un grand savoir-faire puisque cette réaction de base va être orientée par le contrôle de certains paramètres (température,oxygène, humidité). Il ne s’agit pas seulement de faire dégrader la matière organique (MO) à disposition par des micro-organismes mais de la dégrader « efficacement » de façon à pouvoir obtenir un produit -le compost- possédant certaines qualités internes qui vont permettent de le valoriser. L’application de ce procédé, ancestral dans son principe et son utilisation, a été « redécouvert » récemment sous la pression d’une politique anti-gaspillage et s’est traduit dans la pratique par la mise en place de plates-formes de compostage. Réparties sur l’ensemble du territoire français, elles ont pour objectif de traiter les déchets orgniques produits aussi bien par les ménages que les industries (bois, agro-alimentaires) ou les exploitations agricoles. Même si chaque unité possède ses propres caractéristiques en fonction du type de déchets traités, elles n’en demeurent pas moins basées sur un même schéma d’organisation, lui-même directement issu de la technologie du compostage.


(*) extrait de :

DEVISSCHER S. (1997) - Le compost. Mém. D.E.S.S., univ. Picardie, 60 p.