Jacques Beauchamp/ SEDIMENTOLOGIE

chapitre 6
 
 

LE DOMAINE MARIN

 



 

1. GENERALITES

Le domaine marin est défini par opposition au domaine continental. Il comprend les océans et mers recouvrant en grande partie une croûte océanique (Atlantique, Méditerranée...) et les mers épicontinentales sur croûte continentale (Mer du Nord par exemple). Leurs traits les plus caractéristiques sont l'étendue de leur surface et la salure de leur eau. Le domaine marin couvre près des 3/4 de la surface du globe. Sa salinité est assez homogène et voisine de 36 pour mille. La distance au continent et la profondeur de l'eau permettent de définir plusieurs zones caractérisées par leur hydrodynamisme et leur type de sédimentation.



2. MORPHOLOGIE DES OCEANS

Les fonds océaniques sont maintenant bien connus grâce aux progrès des techniques de sondage et les plongées à grandes profondeurs. Trois grandes régions morphologiques sont distinguées, les marges, les bassins et les dorsales.


Figure 6-1: Morphologie du domaine marin.

2.1 Les marges océaniques
Ce sont les limites du domaine marin; elles sont encore appelées marges continentales. Selon leur structure, on distingue les marges passives, ou stables, et les marges actives.

Figure 6-2: structure d'une marge passive

* Les marges actives sont étroites et fortement pentées. La plate-forme continentale est réduite à quelques centaines de mètres, le talus continentale plonge jusqu'à plus de 5000 mètres
pour aboutir dans une fosse océanique qui borde le continent.

Cette zone est tectoniquement trés active (séismes, volcans); elle correspond à une zone de subduction. La sédimentation est représentées par des matériaux apportés notamment par les courant de turbidité qui sont soumis à la compression et forment un prisme d'accrétion.


Figure 6-3: structure d'une marge active.

2.2 Les bassins océaniques

Ce sont de vastes étendues plates situées à environ 5000 m de profondeur et appelées encore plaines abyssales. La sédimentation y est faible par rapport à celle des marges. Le fond est constitué de croûte océanique. Des reliefs, d'origine volcanique, accidentent les plaines abyssales.

2.3 Les dorsales océaniques

Ces chaines sous-marines occupent généralement la partie médiane des océans (d'où leur nom de rides médio-océaniques). Elles sont le lieu de production de la croûte océanique.


3. CARACTERES DE L'EAU DE MER

3.1 Composition chimique

La composition moyenne de l'eau de mer a été donnée précédemment . Aux sels dissous il faut ajouter les gaz; l'oxygène et le gaz carbonique jouent un rôle déterminant dans l'activité biologique et le faciès des sédiments. Dans l'Atlantique, la teneur en oxygène dissous est voisine de 5 pour mille; sa variation est relativement faible de la surface en profondeur, ce qui indique un brassage de l'eau par des courants profonds (phénomène d'"up-welling" en particulier). A l'inverse, une diminution de la teneur en profondeur témoigne de la stratification de l'eau particulièrement fréquente dans les mers chaudes et fermées.
Les sels minéraux dissous proviennent de l'altération continentale et de l'hydro-thermalisme. On a admis, sans preuves décisives, que la composition de l'eau de mer avait peu varié au cours des temps géologiques; des études géochimiques précises ont montré que les teneurs en certains éléments présentaient des fluctuations. Un enrichissement en Mg pourrait expliquer la dominance des dolomies à certaines périodes.

3.2 Température

La température de l'eau varie en surface en fonction de la latitude et des saisons. Elle est en revanche remarquablement constante en profondeur et voisine de 0 °C à partir de -3000 m. La température remonte au voisinage du fond et des dorsales. La densité de l'eau augmente quand la température s'abaisse.

3.3 Niveau de l'eau

Le niveau des océans a varié au cours des temps géologiques: ces variations eustatiques ont été reconstituées à l'échelle du globe et consignées dans un tableau, la "Charte de VAIL", d'après le nom de l'auteur qui a joué le rôle déterminant dans son élaboration. Les fluctuations sont attribuées aux variations de vitesse de génération de la croûte océanique et au volume des glaces polaires. Des variations du niveau marin de plus de 300 m ont été mises en évidence à l'Oligocène. La période actuelle est une période de remontée du niveau marin (fonte des glaces polaires) et on estime à 2 mm/an le taux de remontée eustatique. Une transgression généralisée correspond à une montée du niveau, une régression à une descente.

3.4 Hydrodynamisme

L'eau des océans est agitée par divers types de mouvements qui sont dûs au phénomène de la marée, à l'action des vents créant des vagues, aux différences de température et de densité
qui déterminent les déplacements en masse des grands courants océaniques.

a)Les marées
Les marées sont des variations du niveau des mers provoquées par l'attraction de la lune et du soleil. Les marées ont une amplitude maximale quand la lune et le soleil ajoutent leur action au moment de la pleine et de la nouvelle lune ("marées de vives eaux"). Elles sont minimales quand les actions des deux astres se contrarient ("marées de mortes eaux"). L'action de la lune est dominante, l'attraction du soleil ne représente que 45% de celle de la lune: les marées suivent le cycle lunaire, soit 29 jours environ, pendant lequel il y a deux périodes de vives eaux et deux de mortes eaux.
La masse d'eau oscille selon une période correspondant à la moitié d'un jour lunaire qui est d'environ 24 heures 50 minutes. Pendant 6 heures environ la mer monte; elle reste étale pendant quelques minutes (marée haute); puis elle redescend pendant 6 heures, reste étale (marée basse), et le cycle recommence (cycle semi-diurne). Dans certaines régions, le cycle est diurne (un cycle de marée par jour dans le golfe du Mexique).
L'amplitude des marées, ou marnage, varie selon les lieux et les masses d'eaux mises en mouvements. Le marnage est faible en haute mer, il augmente sur les côtes surtout par phénomène de résonnance; il est faible dans les mers, fort dans les océans plus vastes. Les côtes sont dites microtidales quand le marnage est inférieur à 2m (cas de la Méditerranée), mésotidales pour des valeurs comprises entre 2 et 4 mètres, macrotidales pour des valeurs supérieures. Le marnage depasse 10 mètres en baie de Somme, il atteint 12 mètres dans la baie du Mont Saint Michel.
Les marées déterminent des courants côtiers alternatifs qui se propagent sur la plate-forme dans un sens quand la marée monte (courant de flot) et dans le sens opposé quand elle descend (courant de jusant). En général, la vitesse du courant dépend du marnage, de la profondeur et de la forme des côtes.

b) Les vagues
Les vagues correspondent à l'oscillation de la surface de l'eau sous l'action du vent. Leur longueur d'onde varie de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Leur amplitude atteint plusieurs dizaines de mètres pendant les grandes tempêtes (cas de la Mer du Nord). Les vagues en haute mer ne produisent pas de déplacement latérale de l'eau mais seulement un mouvement alternatif dans le plan vertical. Ce phénomène oscillatoire peut se propager trés loin. Les vagues n'ont alors plus de relation avec le vent qui reste local: on parle de houle. La houle peut parcourir des milliers de km: les fortes houles des côtes atlantiques d'Europe et d'Afrique prennent naissance sur les côtes américaines.
A proximité des côtes, les vagues se déforment et induisent la formation de courants. Lorsque le front d'onde des vagues est oblique par rapport à la ligne de côte, il apparaît par reflexion un courant parallèle à la côte appelé la dérive littorale.


Figure 6-4: Transformation des vagues sur la plage et courants induits par le déferlement.




Figure 6-5: (A) Réflexion de la houle et dérive littorale   (B) Dérive littorale sur les côtes de la Manche


Pour en savoir plus sur les facteurs dynamiques côtiers

c) Les grands courants océaniques

Outre les courants locaux produits par les vagues et les marées, il existe des grands mouvements d'eau dans les océans qui dépendent de la conjonction de nombreux facteurs: action des vents alizés qui entrainent la couche d'eau superficielle, intervention de la force de Coriolis due à la rotation de la terre, différence de température et de salinité des masses d'eau polaires et équatoriales... La dérive nord atlantique ou Gulf stream est un courant chaud qui traverse l'Atlantique nord d'ouest en est. De plus, une lente dérive des eaux océaniques affecte l'ensemble des océans (circulation thermohaline).

Les déplacements d'eau verticaux ou obliques ont une grande importance sur la répartition et le développement des organismes. La remontée des eaux froides de la profondeur vers la surface constitue l'up-welling; cette remontée apporte une grande quantité de nutriments et favorise la productivité biologique. Les zones d'upwelling au large des côtes de Mauritanie constituent une zone de pêche convoitée (sardines...)


4. FACTEURS BIOLOGIQUES

4.1 Répartition des organismes

Les organismes animaux et végétaux vivent en pleine eau ou sur le fond. Les micro-organismes flottant près de la surface constituent le plancton (zooplancton et phytoplancton). Les animaux nageurs forment le necton. Les êtres vivant sur le fond forment le benthos; on parle d'épifaune pour les animaux vivant à la surface du sédiment, d'endofaune pour ceux vivant à l'intérieur. L'activité des organismes laisse des traces sur et dans le sédiment qui peuvent être conservées après lithification: ce sont les traces fossiles ou ichnofossiles.

4.2 Rôle des organismesLes plantes supérieures du benthos littoral et le phytoplancton dégagent de l'oxygène par photosynthèse et enrichissent de ce gaz la couche d'eau superficielle. Le zooplancton et le necton , et les organismes chlorophylliens en l'absence de lumière, sont des consommateurs d'oxygène par respiration. Il s'établit un équilibre biologique dans la masse d'eau. Il faut ajouter au niveau du benthos l'activité généralement réductrice des bactéries qui décomposent la matière organique accumulée en produisant du méthane et du sulfure d'hydrogène; on aboutit dans certains cas à des conditions anaérobiques peu favorables au développement des organismes.
Lorsque les substances nutritives sont anormalement abondantes, les organismes prolifèrent, l'oxygène disponible est surconsommé et le milieu s'eutrophise; l'anoxie entraîne la mort des animaux. L'eutrophisation est généralement le fait de l'homme qui déverse ses déchets dans l'eau; elle a d'abord été observée dans les lacs; elle existe maintenant dans les estuaires. En Baie de Somme, la pollution , due probablement aux engrais copieusement déversés dans les terres agricoles et aux rejets des stations d'épuration, produit la prolifération du phytoplancton, surtout des Dinoflagellés; l'eau devient brune, pauvre en oxygène; la matière organique s'accumule et se décompose sur le fond; les bivalves du benthos meurent et leurs coquilles s'accumulent en une thanatocénose.
Les organismes du plancton et du benthos peuvent prélever certains ions et les combiner dans leur coquille, test ou squelette. C'est le cas pour les phosphates de calcium, la silice et surtout le carbonate de calcium. A la mort des organismes, ces corps s'accumulent sur le fond ou sont redissous dans l'eau de mer. Les organismes sont les principaux pourvoyeurs de calcaire dans les milieux de sédimentation.
Les organismes fournissent également la matière organique aux sédiments marins. Cette matière est autochtone dans les bassins océaniques: elle provient de la décomposition des êtres du benthos, necton et surtout plancton. A proximité des côtes s'ajoutent les débris organiques issus du continent. Sa quantitéest importante en cas d'anoxie.
Enfin, les organismes jouent un rôle sur l'hydrodynamisme du milieu et le déplacement des particules. Les organismes du benthos produisent souvent des sécrétions qui agglomèrent les grains du sédiment (tube des annelides fouisseurs, byssus des moules...) Lorsqu'ils sont nombreux, ils peuvent former un véritable feutrage qui indure la surface du sédiment: en Baie de Somme, les sables fins sont localement fixés par des tubes d'annelides. En milieu littoral, les plantes supérieures et les algues fixés sur le fond diminuent l'agitation de l'eau et favorisent le dépôt des particules. Les organismes constructeurs édifient de véritables barrières qui cassent la force des vagues et isolent des milieux calmes (exemple des coraux). 


5. PLANCHE PHOTOGRAPHIQUE

 

chapitre suivant

 

Jacques Beauchamp