http://www.forumfr.com/sujet348188-post30-la-lignee-humaine.html


La lignée humaine


La position phylogénétique exacte de l'homme de Néandertal provoque encore de nombreux débats : certains considèrent qu'il représente une sous-espèce au sein de l'espèce Homo sapiens et le nomment donc Homo sapiens neanderthalensis tandis que d'autres considèrent qu'il représente une espèce indépendante et le nomment Homo neanderthalensis. Il ne s’agit pas d’un simple problème de classification, il s’agit aussi de savoir si l’Homme de Néandertal représente une lignée parallèle et éteinte (espèce indépendante) ou bien s’il a pu contribuer en partie au patrimoine génétique de l’homme actuel. Deux sous-espèces peuvent se croiser et avoir une descendance fertile, mais c'est beaucoup plus variable pour deux espèces différentes, certaines le peuvent et d'autres pas - c'est l'infertilité de la descendance qui signe l'existence de deux espèces mais l'inverse n'est pas vrai.

Lors de son identification, l’hypothèse d’une espèce distincte a été privilégiée. Mais dans les années 1960, tous les Hominidés à l’exception des Australopithèques ont été regroupés dans le genre Homo. Les Néandertaliens ont alors été considérés comme une sous-espèce d'Homo sapiens. Cette hypothèse était alors soutenue par de nombreux spécialistes, comme le généticien Theodosius Dobzhansky ou le biologiste Ernst Mayr qui déclarait que « jamais plus d'une seule espèce d'homme n'a existé au même moment ». Aujourd’hui, l’idée d’espèces distinctes est à nouveau proposée, notamment grâce aux apports de la génétique.

En effet, les multiples études paléoanthropologiques effectuées sur les ossements ne permettent pas de se prononcer clairement sur la classification de l'homme de Néandertal. De récentes analyses comparées d'ADN mitochondrial extrait d'ossements de Néandertaliens, d'Homo sapiens anciens et de formes supposées intermédiaires indiqueraient un cheminement séparé des lignées humaine et néandertalienne pendant 500 000 ans ; il s'agirait donc bien de deux espèces différentes. L'ancêtre commun de l'Homme de Néandertal et d’Homo sapiens serait donc probablement un Homo erectus qui vivait 500 000 ans plus tôt.

La question n'est pas résolue, la difficulté étant de concilier deux notions d'espèce (biologique et paléontologique) dont l'unicité est contestée. La possibilité pour ces deux représentants du genre Homo d'avoir une descendance féconde serait une preuve irréfutable, mais là encore les indices sont contradictoires. Aucun élément n'a permis d’établir la possibilité de croisements, même partiels, entre les Néandertaliens et les ancêtres de l'homme moderne qui lui étaient contemporains. Les analyses d’ADN des hommes de Néandertal découverts autrefois et récemment laissent penser que Néandertaliens et sapiens modernes n'ont échangé aucun de leurs gènes lors de leur coexistence (autour de 30 000 ans avant notre ère). Il s’agit pour l’instant de résultats partiels, portant sur les gènes qui ont pu être comparés, à savoir 370 paires de base sur 600 ; jusqu'à ce que l'étude soit complète, un échange de gènes ne peut être complètement exclu.

En Afrique et au Proche-Orient, une coexistence des deux taxons durant plus de 10 000 ans est vraisemblable. En Europe, cette coexistence n'a duré qu'un peu plus de 5 000 ans.

Un squelette d'enfant trouvé en contexte Gravettien à Lagar Velho dans la vallée de Lapedo, au centre du Portugal, porterait des caractéristiques des deux espèces. Cet enfant d'environ quatre ans a été inhumé dans une sépulture intentionnelle, il y a 25 000 ans. Il n’est donc postérieur que de quelques milliers d'années aux derniers restes clairement attribuables aux Néandertaliens, datant d'environ 30 000 ans avant notre ère. Cependant, le caractère hybride de cet enfant est très discuté et difficile à établir : les caractères dérivés des deux taxons sont moins marqués chez les individus juvéniles que chez les adultes et la variabilité individuelle des enfants de l’époque est absolument inconnue.

Enfin, l'analyse publiée en 2006 d'une séquence d'ADN mitochondrial de la racine d'une molaire d'un enfant néandertalien datant de - 100 000 ans, mise au jour dans la grotte de Scladina à Sclayn (Belgique), vient à l'appui de la thèse faisant de Néandertal une espèce différente d’Homo sapiens. La séquence d'ADN mt de cette dent présente une grande distance par rapport aux autres séquences connues de Néandertaliens, ce qui montre la grande diversité génétique de l'espèce à l'époque. Cette diversité semble s'être fortement réduite ensuite comme le montrent les analyses faites sur les séquences connues entre - 29 000 et - 42 000 ans, au moment où Néandertal cohabite avec l’Homo sapiens. Cette tendance vient à l'appui de la thèse du déclin démographique de Néandertal sur cette longue période conduisant, par un phénomène de goulet d'étranglement de la population, à la disparition progressive de certains génotypes, et donc à l'appauvrissement génétique de l'espèce puis à sa disparition. Reste à savoir ce qui a pu causer cette évolution (voir ci-dessous Extinction des Néandertaliens).

En 2006, un programme de séquençage de l'ADN de l'homme de Néandertal a été lancé par le Max Planck Institut en collaboration avec la société 454 Life Sciences fabriquant des séquenceurs de gènes à haut débit. Ceci permettra de connaître l'étendue du lien de parenté avec l'homme moderne et d'évaluer l'interfécondité de l'homme de Néandertal et l'homme moderne. Un million de paires de bases d'ADN nucléaire ont déjà été analysées.

Ce message a été modifié par Gallium - mercredi 24 février 2010 à 20h29.