D.E.S.S. QUALITE ET GESTION DE L'EAU


POLLUTION ET DEPOLLUTION DES NAPPES D'EAU SOUTERRAINE








1. Pollution des sols et des nappes


Les pollutions dites diffuses proviennent d'épandages de produits solides ou liquides à la surface du sol sur des superficies importantes : par exemple engrais, herbicides, pesticides...

Les pollutions ponctuelles, par contre, proviennent d'une surface délimitée, faible vis-à-vis du bassin versant des eaux souterraines ou de surface, et définie dans un espace géographique. Elles sont qualifiées quelques fois d' accidentelles, mais elles ont le plus souvent pour origine des fuites sur des conduites ou des cuves, ou l'infiltration de lixiviats d' un dépôt solide, quelquefois la retombée de polluants, émis dans l'atmosphère, sur le sol à proximité des points d'émission. La nature des produits polluants peut être fortement variée, mais les plus fréquemment rencontrés sont les hydrocarbures (ce sont les liquides autres que l'eau les plus largement distribuées), les solvants chlorés, les chlorures, les sulfates, quelques métaux lourds particulièrement mobiles (chrome hexavalent par exemple), et autres sous-produits de l'industrie.

Dans certains cas, le nombre de pollutions ponctuelles peut être tel que la pollution devient généralisée.


Dans la plupart des cas, la pollution de l'eau d'une nappe par une substance indésirable provoque de simples nuisances: l'eau est rendue impropre pour certaines utilisations (eau potable, eau agricole, eau industrielle), sans qu'il y ait un réel danger pour la santé. C' est par exemple, la plupart du temps, le cas des pollutions par hydrocarbures ; le seuil de détection à l'odeur et au goût est si faible que l'eau est impropre à la consommation bien avant que des doses préjudiciables ne soient ingérées.

En revanche, certaines substances dissoutes dans l'eau peuvent être peu sensibles et comporter un risque pour la santé. Fort heureusement les analyses de contrôle sur les exploitations d'eau potable sont, le plus souvent, suffisamment nombreuses et fréquentes pour que ce risque soit très faible.




2. Caractères des polluants

(D'après BALLERINI et al., 1998)


2.1. Solubilité aqueuse

La solubilité est la quantité maximale dissoute d'un composé dans l'eau à une température donnée. Elle est influencée outre la température, par la pression, la fraction molaire de chaque composé dans le mélange de polluants et la teneur en matières organiques dissoutes. Les composés très solubles sont facilement transportés par l'eau, car ils suivent son écoulement. Ils sont souvent peu adsorbés sur les sols, et plus facilement biodégradables. Cependant, certaines espèces solubles, de métaux par exemple, ne sont pas biodégradables.



Figure 1 : Comportement du polluant dans son environnement (d'après Ballerini et al., 1998)


2.2. Tension de vapeur

Ce paramètre sert à estimer la tendance d'un produit à se volatiliser et donc à passer dans l'atmosphère gazeuse à partir de la phase aqueuse du sol .

Les interactions entre la solubilité en milieu aqueux et la tension de vapeur conditionnent la volatilisation d'un produit donné à partir de la solution aqueuse. Par exemple, un polluant très soluble dans l'eau mais présentant une tension de vapeur élevée se volatilise rapidement. De ce fait, il atteindra rarement l'aquifère lors de la pollution.

Plus un produit sera volatil, moins grande sera son affinité pour le sol. II sera éliminé dans l'atmosphère avant d'être bio dégradé.


La loi de Henry décrit les équilibres phase liquide-phase gazeuse.


H= Gg/Cl


H = constante de Henry

Gg = concentration en phase gazeuse du constituant

Cl= concentration en phase liquide du constituant


2.3. Adsorption

Ce paramètre représente le potentiel d'un composé à s'adsorber sur le sol , résultant des actions physico-chimiques eau/roche. L'adsorption va de pair avec la surface spécifique des grains ou des fissures. Elle va se traduire par une diminution de la mobilité et de l'accessibilité du polluant.

La surface spécifique d'un milieu poreux ou fissuré est le rapport de la surface totale des grains ou des parois des fissures, par rapport à l'unité de masse (surface massique) ou à l'unité de volume (surface volumique) de l'échantillon. Elle s'exprime en cm2/g ou par cm2/cm3. La surface spécifique augmente lorsque le diamètre des grains ou la densité des fissures diminuent.

L'adsorption dépend de la charge électrique des polluants. Les polluants chargés électriquement ont tendance à se lier aux particules d'argile et autres minéraux, alors que ceux non chargés s'associeront préférentiellement à la matière organique. Les polluants peuvet être adsorbés par des interactions ioniques, polaires, hydrophobes ou hydrophiles.

Les polluants sous forme de précipités et les liquides non miscibles à l'eau peuvent entraîner des occlusions des pores du sol, leur accessibilité aux microorganismes s'en trouve d'autant plus limitée.



Le coefficient de partition (Kow) est le coefficient de partage d'un produit entre la phase organique (l'octanol) et la phase aqueuse. Les composés à Kow élevé seront adsorbés en grande quantité dans le sol. Ils ne sont pas entraînés avec l'eau en profondeur,. Ces propriétés physicochimiques donnent des indications sur la répartition probable du polluant dans l'eau et dans le sol. L'adsorption dépend aussi des caractères géologiques du sol tels que la porosité, la perméabilité, la fraction de matière organique. . .


Kow = Co / Cw



Co = concentration du soluté dans l'octanol

Cw = concentration du soluté dans l'eau.


Coefficient de partage Kow

>10

> 100

Comportement vis à vis de l'eau

Hydrophile

Hydrophobe

Solubilité dans l'eau

Elevée

Faible

Solubilité dans la phase organique

Faible

Elevée

Coefficient d'adsorption

Faible

Elevée

Facteur de bio-concentration

Faible

Elevée


Figure 2 : Influence du coefficient de partage Kow sur le comportement du polluant vis à vis des phases aqueuses et solide (Ballerrini et al., 1998).


Polluants

Densité

Volatilité

(Atm.m3/mole

Hydrophobicité

log Kow

1/2 vie dans sol

(jours ou ans)

1/2 vie dans nappe

(jours ou ans)

Anthracène

1,28

86

4,45

50 jours – 1,3 ans

100 jours – 2,5 ans

Benzène

0,88

5550

2,13

5 – 16 jours

10 jours – 2 ans

naphtalène

1,02

483

3,37

16 – 48 jours

258 jours

Phénol

1,07

1,36

1,46

1 – 10 jours

5 – 7 jours

Pyrène

1,27

5,1

5,18

210 jours – 5,1 ans

1,15 – 10,4 ans

Toluène

0,87

5920

2,69

0,5 – 1 jour

0,5 – 1 jour

Xylène

0,86

7040

3,26

7 – 28 jours

14 jours – 1 an


Figure 3: Caractéristiques physico-chimiques de quelques polluants organiques. Le temps de demie vie correspond au temps nécessaire pour que la moitié d'une quantité ou d'une concentration d'un polluant disparaisse du milieu ou de l'organisme qu'il contamine (d'après BERTHELIN et al., 1995)

.

2.4. Biodégradabilité

La biodégradation des composés organiques se produit en condition aérobie ou anaérobie selon la structure moléculaire et les conditions environnementales. Le potentiel de biodégradation permet de classer les composés en trois catégories :

La position des substituants joue un rôle important : les positions méta- et ortho- confèrent une plus grande stabilité aux molécules aromatiques. Il en est de même pour les substitutions des carbones en alpha par rapport à celle en oméga. En général, plus une molécule est substituée (remplacement d'un groupement fonctionnel par un autre), plus elle est résistante à la biodégradation. Certaines biodégradations nécessitent l'action conjointe de microorganismes et non pas d'une souche unique.




3. Principaux types de polluants chimiques

Les exemples locaux sont tirés du mémoire de A. DESBORDES (2001).


3.1 Les micro-polluants métalliques

Les pollutions engendrées par la présence de métaux dans les eaux souterraines sont dues généralement aux activités industrielles par rejets d'effluents et par lessivage de produits stockés sur un sol.
Certains de ces métaux peuvent être toxiques (cadmium, chrome, mercure, plomb...), D'autres éléments sont considérés comme indésirables et peuvent présenter des inconvénients au consommateur d'ordre organoleptique : goût, saveur, coloration. C'est le cas pour le cuivre, le zinc, le fer, le manganèse, l'aluminium.

Le cadmium : Lorsque des teneurs élevées de cadmium sont rencontrées dans les eaux des nappes phréatiques, son origine doit être recherchée dans des effluents industriels (galvanoplastie,  en particulier). Le cadmium peut être entraîné par les pluies à partir des fumées industrielles. De plus, la présence de cadmium comme contaminant dans les engrais et les boues de station d'épuration utilisées en agriculture peut contribuer à la pollution de l'aquifère.

Le chrome :  sa présence est liée aux rejets des ateliers de galvanoplastie.Dans la vallée de l'Aronde (Oise), une langue de pollution ponctuelle par le chrome hexavalent (de 2 km de long sur 200 m de large) a contaminé un captage public, suite aux rejets des eaux de rinçage et de bains par une usine de chromage dans un bassin et un puisard. Dans le Vimeu (Somme), les ateliers de traitement de surface, faute d'avoir un cours d'eau, ont déversé leurs effluents bruts, non détoxiqués, dans la nappe de la craie par l'intermédiaire de puits anciens ou de puisards. Durant de nombreuses années, la nappe de la craie a été progressivement contaminée de sorte qu'en 1973 des traces de chrome hexavalent et de zinc avaient été détectés dans certains captages d'eau potable du Vimeu. Depuis une dizaine d'années, les actions de lutte contre la pollution ont pour objectif  « zéro métal »  soit environ 1 à 2 mg/L de métaux totaux. Ces rejets liquides sont acheminés vers les unités d'épuration industrielles et/ou collectives qui infiltrent les eaux épurées en nappe.

Le mercure : il est présent dans les rejets de certaines activités industrielles : raffinerie, cimenterie, sidérurgie, traitement des phosphates, raffinage du mercure, combustion des hydrocarbures fossiles et du charbon, industries de la pâte à papier, etc. Il entre dans la fabrication d'appareillages électriques, d'instruments de contrôle, de peintures marines et de certains fongicides. Les sels de mercure divalents sont solubles pour la plupart. Sur le site de la Sté Elf Atochem à Villers St Paul (Oise), 50 000 m3 de déchets contiennent arsenic, mercure, ammonium, phénols, manganèse, solvants halogénés et non  halogénés. Les eaux souterraines font l'objet d'une surveillance régulière.

Le nickel : il entre dans la composition de nombreux alliages et dans la fabrication d'éléments de batteries. Son emploi comme catalyseur dans l'industrie chimique est important. Dans les pollutions d'origine industrielle, on le retrouve généralement associé aux cyanures, au mercure, à l'arsenic, au chrome, etc.

Le cuivre : En métallurgie, il entre dans de nombreux alliages . Les sels de cuivre (sulfate, acétate, dérivés organiques) sont utilisés comme fongicides ou algicides en agriculture, pour les traitements chimiques de surface, la fabrication de peintures et de céramiques. . En dehors des pollutions industrielles ou de traitements agricoles, ce métal provient habituellement de la corrosion des tuyauteries de distribution (0,5 à 1 mg/L). Sur le site de la Sté Tréfimétaux à Sérifontaine (Oise), 917 tonnes de déchets sont lessivés par les eaux de pluie et libèrent dans le sol cuivre, zinc, nickel, plomb.

Le zinc : le zinc est employé dans de nombreux alliages, pour la galvanisation des pièces métalliques, dans la fabrication de pigments de teinture, de vernis, comme raticide et dans la fabrication de produits phytosanitaires. Dans l'eau, la solubilité des chlorure et sulfate de zinc est importante, leur hydrolyse conduit à une diminution de pH. En présence d'excès d'hydrogénocarbonate, la solubilité du zinc est contrôlée par la solubilité du carbonate qui est relativement soluble et de l'hydroxyde qui l'est peu. Le zinc retrouvé dans les eaux de distribution à des teneurs pouvant dépasser 1 mg/L provient des canalisations de laiton ou de fer galvanisé, attaquées par les eaux agressives ou riches en chlorures et sulfates. Sur le site de l'ancienne décharge industrielle Louyot à Bornel (Oise), le sol est pollué par le cuivre, le zinc, le nickel et l'étain. La nappe n'est pas encore atteinte.

Le plomb : Ce métal est trés répandu et trés utilisé dans l'industrie; les possibilités de pollution sont extrêmement nombreuses et variées. Les activités humaines (emploi de plomb tétraéthyl dans les carburants comme antidétonant, utilisation de combustibles fossiles) entraînant la formation d'aérosols plombifères constituent, actuellement, la principale source de plomb dans l'eau. Le dépassement des concentrations autorisées en plomb au robinet du consommateur est généralement produit par la présence de tuyaux en plomb ou de brasures de plomb.

L'arsenic : La présence de cet élément non métallique dans l'environnement est due aux rejets d'eaux résiduaires industrielles, traitement de minerais arsenicaux (cuivre), combustion de charbon ou de déchets, utilisation d'engrais phosphatés, d'herbicides, d'insecticides et de détergents. Dans les eaux minérales, l'arsenic d'origine naturelle atteint parfois des teneurs de 10 mg/L. La pollution industrielle à l'arsenic, au cadmium, au chrome, au cuivre et au plomb du site de l'usine Rhône Poulenc à Chauny (Aisne) interdit l'utilisation du sol, du sous-sol et de l'eau de la nappe.

Cette liste d'éléments traces métalliques n'est pas exhaustive : les micro-polluants métalliques comprennent également le l'aluminium, bore, le cobalt, le molybdène, le sélénium, le thallium, le magnésium, le fer, le manganèse (ces deux derniers éléments faisant partie des paramètres de la qualité naturelle des eaux souterraines).
 

 3.2 Les nitrates et autres composés azotés
 

Toutes les formes d'azote (azote organique, ammoniaque, nitrites, etc) sont susceptibles d'être à l'origine des nitrates par un processus d'oxydation biologique.

Les nitrates sont très solubles. Une bonne part des nitrates vient des usines d'engrais qui fixent l'azote minéral de l'air pour fabriquer de l'ammoniac, ultérieurement oxydé. Quand les nitrates sont épandus sur sol nu ou gelé, ils s'infiltrent avec les pluies ou sont lessivés en surface. Au contraire, épandus au printemps et à la bonne dose, ils sont absorbés par les plantes cultivées.  Dans les eaux naturelles non polluées, le taux de nitrates est très variable (de 1 à 15 mg/L) suivant la saison et l'origine des eaux.

L'accroissement démographique et le développement de l'agriculture et de l'industrie ont modifié le cycle biogéochimiques de l'azote. Depuis quelques années, on observe une élévation lente de la teneur en nitrates des eaux souterraines et superficielles; celle-ci est souvent liée au développement des élevages, à une fertilisation excessive des zones agricoles par les engrais, les fientes, fumiers et lisiers, voire les boues de stations d'épuration.  La migration des nitrates est nettement plus rapide sur les surfaces cultivables laissées à nues pendant l'hiver. Les rejets des collectivités et occasionnellement de certaines industries (engrais chimiques azotés, engrais chimiques azotés, oxydants) peuvent aussi concourir à l'enrichissement des eaux en nitrates.

La présence d'azote ammoniacal dans les eaux souterraines provient des rejets d'effluents domestiques et industriels ou de la réduction naturelle des nitrates. Pour les nappes libres, la pollution a lieu dans les plaines alluviales à implantation urbaine et industrielle, à la suite de l'échange existant entre l'eau de la nappe et l'eau de la rivière. Dans les nappes captives, sa présence est le résultat de la réduction des nitrates par des bactéries ou par les ions ferreux présents dans ce type de nappe.

Les nitrites sont très peu présents dans les eaux souterraines sauf en cas d'une pollution de surface proche.

Les nitrates sont des sels trés solubles qui sont facilement entraînés en profondeur par les eaux d'infiltration. Pour la nappe de la craie, on estime qu'il faut quelques dizaines d'années pour qu'ils passent du sol à la nappe. Leur origine est principalement agricole, la pollution engendrée est diffuse: ils sont le résultat de:

*un excès de matières organiques végétales en décomposition sur et dans le sol après la récolte, après un déboisement.

*un épandage d'engrais azotés en quantité supérieure aux besoins des plantes cultivées: engrais chimiques (nitrates de potasse, scories, ...) et engrais organiques (fumier, lisier, boues de Stations d'Epuration...)

L'origine domestique et industrielle est secondaire; la pollution engendrée est plus ponctuelle (assainissement défectueux par exemple).

La pollution de l'eau des nappes par les nitrates est malheureusement un phénomène généralisé. Elle atteint la quasi-toatalité des nappes libres en France. La teneur est la plus importante dans les régions de grandes cultures, ce qui confirme l'origine agricole de la pollution. En Bretagne, la production de lisier par les élevage industriels est supérieure à la capacité d'épandage: les zones saturées en azote sont appelées des 'zones d'excédent structurel'. Dans le bassin Loire-Bretagne, la pollution azotée produite par les élevages et infiltrée dans le sol atteint 100 millions d'équivalents-habitants...En Bretagne, les élevages produisent 215 000 tonnes d'azote par an et les agriculteurs épandent en plus 198 000 tonnes d'engrais azotés minéraux. La teneur en nirates des eaux souterraines augmente en moyenne de 1 mg/l par an: si cette progression continue, il n'y aura plus d'eau potable (> 50 mg/l de nitrates) en 2005. Déjà en 1987, plus de 800 000 habitants en France recevaient une eau contenant plus de 50 mg/l de nitrates, essentiellement dans les zones de grandes cultures ou d'élevage intensif..
 

En Picardie, la quasi-totalité des nappes libres est atteinte par cette pollution azotée. Le 'bruit de fond' en nitrates est voisin de 25 mg/l. Des teneurs plus élevées sont dûes à des pollutions ponctuelles (eaux usées, eaux de drainage infiltées dans des puisards...) et aux pratiques agricoles. Les teneurs en nitrates des eaux souterraines en Picardie se situent principalement dans la classe 25 à 50 mg/L. Ce sont les nappes perchées des formations tertiaires qui présentent le plus fortes teneurs (souvent supérieures à 50 mg/L). Une concentration de 175 mg/L a été mesurée à La Ferte-Chevrésis (Aisne). Dans le Pas-de-Calais, la limite des 50 mg/l a également été dépasée. La teneur en nitrates a régulièrement augmenté pendant ces 20 dernières années.

Les bilans dressés entre 1992 et 1996 montrent une évolution défavorable de la concentration en nitrates au niveau des captages, malgré toutes les mesures prises pour assurer la conformité des eaux distribuées aux exigences réglementaires (> 50 mg/L), et alors que que les captages d'eau potable sont implantés dans des secteurs sélectionnés pour leur bonne qualité, et malgré les campagnes de sensibilisation menées par les Ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, relayés en particulier par les Agences de l'Eau,  auprès des exploitants agricoles et de la nouvelle réglementation:

*constitution du Comité d'Orientation pour la Réduction de la Pollution des Eaux par les Nitrates et les phosphates, ou plus simplement CORPEN,
* Mission Eau-Nitrates,
* Directive Nitrates,
* Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole,
* Plan Ferti-mieux comprenant des mesures des résidus azotés en fin de culture, un calendrier d'épandage des lisiers et des boues...).

Le département de la Somme a ainsi été classé «zone vulnérable» à la pollution par les nitrates. Mais il ne faut pas oublier la lenteur de la migration des nitrates dans le sol et le sous-sol qui explique le retard observé entre les mesures prises et l'effet attendu.



Figure 4: Transfert des nitrates dans la zone non saturée du bassin crayeux de l'Hallue (Somme): le « front des nitrates » est encore à une dizaine de mètre de la nappe (modifié d'après B. NORMAND et al., 2000).

La vitesse de percolation des nitrates dans le sous-sol est faible: dans la zone non saturée d'une craie homogène, elle est estimée à 1 m environ par an. La fracturation de la craie augmente cette vitesse. La transfert des polluants prend donc plusieurs dizaines d'années avant d'atteindre la nappe. Les projections actuelles montrent que d'ici 30 à 60 ans, à pratiques agricoles comparables, les concentrations maximales admissibles de nitrates dans les eaux souterraines seront largement dépassées.
 

 3.3 Les autres substances minérales
 

Les chlorures, les sulfates, le fluor (étant des paramètres de la qualité naturelle des eaux) et des éléments toxiques tels que le cyanure et l'arsenic sont des substances minérales issues de l'activité humaine et susceptibles de polluer les nappes de façon ponctuelle.
 

 3.4 Les détergents ( tensioactifs)
 

Ce sont des substances utilisées pour les diverses opérations de nettoyage. Un détergent est un produit complexe contenant un ou plusieurs agents de surface et des composés minéraux (carbonates, phosphates, polyphosphates, perborates), souvent associés à des matières organiques améliorantes (carboxyméthyl-cellulose, alkanolamides), à des enzymes hydrolysants et à des séquestrants (dérives de l'acide éthylènediamine tétracétique et de l'acide mitriloacétique). La biodégradabilité de ces substances est trés variable. Les détergents sont rares dans les eaux souterraines, sauf dans les zones suburbaines, en liaison avec les puisards recevant les eaux usées et dans certaines nappes alluviales en relation étroite avec un cours d'eau pollué. Ces détergents sont peu toxiques mais ils facilitent par leur pouvoir mouillant la dispersion et le transfert d'autres polluants comme les pesticides.



 3.5 Les pesticides
 

Les produits phytosanitaires sont apportés dans l'environnement par les grandes cultures, par le maraîchage agricole, par le traitement des forêts, par le traitement sur plans d'eau, par les traitements en zone urbaine (espaces verts, jardins, trottoirs, rues), par certains rejets industriels de conditionnement ou de fabrication, par le traitement des routes et des voies de chemin de fer. Ils comprennent:

L'air et l'au sont les vecteurs de migration des produits phytosanitaires. Au cours du transport par l'eau dans le sol et la zone non saturée se produisent des processus d'adsorption/désorption et des processus de dégradation, qui peuvent freiner, ou parfois accélérer, la migration.

Une étude sur la teneur en pesticides e été effectuée par la DDASS entre 1992 et le 1996 sur 911 captages d'eau souterraine de Picardie: 27 % contenaient des traces de triazines. En 2000, une campagne menée en Seine-maritime a révélé que sur 52 points de prélèvement, 8% seulement étaitent indemnes de traces de pesticides. Dans le bassin versant de la Serre (Aisne), des pesticides ont été trouvés au moins une fois sur 21 captages parmi les 34 analysés.


L'atrazine est une molécule active appartenant à la famille des triazines qui est utilisée pour le déherbage, en particulier celui du maïs. Elle est incomplètement biodégradée dans le sol, notamment en déséthylatrazine. Ces deux molécules montrent une persistance et une mobilité élevée qui favorise la contamination des eaux souterrraines par lessivage et ressuyage pendant les périodes de recharge de la nappe. 

Figure 5 : Processus de contamination de la nappe par l'atrazine (d'après REGLE, 2001)

De plus, chaque année 800 à 1000 nouveaux produits phytosanitaires sont commercialisés, augmentant ainsi la diversité des molécules utilisées et imposant de renforcer leur recherche dans les analyses des eaux et d'étudier leurs effets toxicologiques.

La recherche de composés organiques dans l'eau souterraine est confrontée, hormis le coût que cela représente,  à de nombreuses difficultés:

  3.6 Les hydrocarbures
 

Les hydrocarbures se rencontrent essentiellement dans le pétrole qui est un mélange complexe de ces composés. On distingue trois grandes catégories d'hydrocarbures: les  hydrocarbures aliphatiques (molécules linéaires ou ramifiées en longues chaînes), les hydrocarbures aromatiques (constitués de cycles benzéniques et homologues supérieurs), les hydrocarbures hétérocycliques (cycles complexes renfermant un nombre différent de carbone). Leur transfert à la nappe dépend en particulier de leur masse molaire, leur tension de vapeur, leur viscosité et leur légère solubilité dans l'eau. Les hydrocarbures les plus hydrosolubles sont les BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène). Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) comme le pyrène sont peu solubles.

Ces pollutions ponctuelles d'origine accidentelle (ruptures de cuves de stockage d'essence, de fioul, de mazout, industrielles ou domestiques, rupture de pipeline, accidents de la circulation routière, …) ont des effets variables selon la viscosité du produit renversé et la perméabilité des terrains traversés. Ces produits faiblement biodégradables peuvent polluer d' importants volumes d'eau par dissolution même à dose infinitésimale. Une teneur diluée de 1/10 000 à 1/100 000 altère les propriétés gustatives de l'eau. A cette dose, l'inconvénient principal est de développer des odeurs et des saveurs désagréables. Un litre d'essence souille entre 1 000 et 5 000 m3 d'eau. Ces modifications organoleptiques de l'eau persistent longtemps après la pollution. Comme ces produits sont pour la plupart faiblement oxydables et encore perceptibles à des dilutions de 1 partie par milliard, les nappes d'eau polluées deviennent inutilisables pendant de très longues années.

Dans la banlieus de Rouen une explosion s'est produite en 1990 dans un pavillon: le gaz provenait d'une couche d'hydrocarbures flottant sur la nappe alluviale et issus d'une fuite sur une canalisation de raffinerie (la perte a été estimée à 20 000 m3). Une nappe du Jurassique dans le département de l'Aisne présente une concentration notable d'hydrocarbures (2,2 mg/L) qui proviendraient de l'infiltration des eaux pluviales d'une route à grande circulation.

3.7 Les solvants chlorés

 
Les solvants chlorés, ou hydrocarbures chlorés aliphatiques, sont utilisés comme solvants aussi bien pour le nettoyage que pour l'extraction et la séparation de certains produits, ils sont également employés comme réfrigérants (chlorofluorocarbone ou CFC). Ils sont largement répandus. Leur présence dans les décharges de tous types constitue un risque de pollution des nappes phréatiques car ils ne sont pas retenus par les argiles. Après percolation dans le sol, les eaux souterraines, près de zones urbaines ou industrielles (décharges industrielles) peuvent être contaminées par ces polluants très volatils. Ils sont peu dégradables et ont tendance à se déposer dans la partie basse de la nappe. A Villers-Cotterets on a mesuré 360 µg/L de tétrachloréthylène dans l'eau d'un aquifère du Tertiaire.

3.8 les polychlorobiphényles (PCB) et les polychloroterphényles (PCT)

Les PCB et leurs impuretés PCT sont des mélanges congénères isomères obtenus par chloration du biphényl et du terphényl ; leur teneur en chlore varie de 20 à 60%. Depuis 1930, ils sont largement utilisés dans les peintures, vernis, matières plastiques, résines synthétiques, encres, huiles de coupes, isolants électriques, liquides pour machines hydrauliques, etc. Leur présence dans l'environnement est liée aux rejets industriels, aux fuites dans les circuits ouverts, à la volatilisation par incinération. Ils sont identifiés à des teneurs proches du seuil de détection dans les eaux souterraines.

3.9 les phtalates ou esters phtaliques

Ces produits sont de faible volatilité et très peu solubles dans l'eau. On les trouve dans les résines cellulosiques et vinyliques (polychlorures de vinyle ou PVC), dans les peintures, les laques, les encres, … Mais bien que les phtalates soient fortement biodégradables, ils peuvent être détecter parfois dans les eaux souterraines en régime libre voire même captif.

Sur le site de l'ancienne décharge de Villembray (Oise) : dépôt (500 000t) dans une décharge de solvants halogénés et non halogénés, de sels minéraux résiduaires solides non cyanurés; la nappe contient des hydrocarbures, des PCB/PCT, des solvants halogénés et non halogénés, des chlorures.

3.10 La matière organique diffuse

 La matière organique résiduelle peut être rencontrée dans les aquifères fissurés (karst) et dans les aquifères alluviaux. Elle constitue un milieu nutritif favorable au développement des micro-organismes, notamment  pathogènes. Sa présence est un indice de pollution généralement d'origine proche. Elle favorise l'apparition de mauvais goûts, notamment à la suite d'une chloration, et d'odeurs désagréables.




4. Les pollutions microbiologiques

De nombreux microorganismes, virus, bactéries et protozoaires, voire des champignons et des algues sont présents dans l'eau. Les conditions anaérobies généralement rencontrées dans les eaux souterraines en limitent cependant la diversité. Les bactéries, virus et autres agents pathogènes rencontrés dans les eaux souterraines proviennent de fosses septiques, des décharges, des épandages d'eaux usées, de l'élevage, de matières fermentées, de cimetières, du rejet d'eaux superficielles. Ces pollutions peuvent être aussi dues à des fuites de canalisations et d'égouts ou à l'infiltration d'eaux superficielles.

La grande majorité de ces microorganismes nocifs, susceptibles d'engendrer des infections humaines redoutables, diffuse dans l'environnement hydrique par l'intermédiaire de souillures fécales humaines ou animales. Les pollutions microbiologiques se rencontrent surtout dans les aquifères à perméabilité de fissure (craie, massifs calcaires), dans lesquels la fonction épuratrice du sous-sol ne peut s'exercer et dans lesquels la matière organique est dégradée partiellement. Les émergences de type karstique avec des circulations souterraines rapides sont par conséquence très vulnérables à cette pollution. Dans les aquifères à porosité intergranulaire, une contamination bactérienne implique une source proche de pollution (puisard, défaut d'étanchéité du captage, rejet de station d'épuration, décharges,…).
La surveillance microbiologique des eaux de distribution concerne les paramètres suivants: coliformes thermotolérants (Escherichia coli, Enterobacter cloacae, Salmonella, Yersinia enterocolitica, …), streptocoques fécaux (genres Enterococcus et Streptococcus ) et bactéries aérobies revivifiables à 22°C (germes saprophytes) et à 37°C (germes pathogènes ou plutôt hébergés par l'homme et par les animaux à sang chaud).

D'après une étude réalisée par la D.R.A.S.S. à partir des données des années 1994, 1995 et 1996, la situation en Picardie n'apparaît pas totalement satisfaisante. Près de 95% de la population a reçu une eau de qualité microbiologique acceptable et aucune eau de mauvaise qualité n'a été distribuée. Mais pour plus de 5,5% de la population régionale, répartis dans 169 unités de distribution, l'eau a subi des contaminations passagères plus ou moins fréquentes.


5. Les défenses naturelles contre les pollutions


5.1 Rôle du sol


Les sols constituent un puissant moyen d'épuration et de recyclage des eaux. Le complexe argilo-humique confère des propriétés d'adsorption et d'échange : le sol constitue un système accumulateur de substances très diverses. L'adsorption moléculaire et la rétention des micro-polluants organiques dans les sols sont plus ou moins forte et plus ou moins réversible. La nature de la molécule détermine son pouvoir de rétention, par son poids moléculaire, par sa charge, par la conformation de la molécule et son affinité à établir des liaisons covalentes, par sa solubilité dans l'eau. La capacité d'adsorption ionique et la rétention des cations (Ca, Mg, K, Na) du sol varient essentiellement en fonction de son épaisseur, de sa teneur en argile et en matières organiques. Les anions tels que Cl-, NO3-, SO42- ne sont pas retenus et migrent par convection ou par diffusion alors que certaines molécules sont fortement retenues dans le sol, comme par exemple les phosphates.


La microfaune et la microflore du sol lui confère une importante capacité d'épuration biologique. Un gramme de sol renferme environ 108 à 109 bactéries essentiellement non pathogènes. L'azote organique protéinique et l'azote minéral sont métabolisés avec alternance de phases aérobies de minéralisation et de phases anaérobies de dénitrification. Les différentes voies de catabolisme des micro-polluants organiques, via des enzymes, aboutissent à la production de déchets (dégradation totale de la matière organique), que sont le dioxyde de carbone et le méthane, ou à des métabolites secondaires (dégradation partielle) parfois plus toxiques que la molécule d'origine.

En revanche, les solvants chlorés, l'acétone et le benzène sont très peu retenus par les sols et peuvent atteindre rapidement les nappes avec une grande persistance en entraînant avec eux d'autres molécules polluantes adsorbées.

Le sol peut être un réservoir pour les germes pathogènes introduits accidentellement. Les bactéries circulent relativement peu dans les sols et sont retenues dans les premiers centimètres, à la différence des virus qui sont facilement entraînés et peuvent contaminer la nappe sous-jacente.


5.2 Rôle du couvert végétal

Le couvert végétal agricole ou forestier agit par ses prélèvements cycliques dans la couche occupée par les racines: stockage dans la biomasse puis restitution au sol par dégradation.Les changements d'occupation des sols peuvent rompre cet équilibre : libération importante d'azote liée à la déforestation et la mise en culture, pollution azotée par les jachères travaillées, dégradation accélérée de la matière organique par le retournement des prairies, …


5.3 Rôle protecteur des berges des cours d'eau


Les dépôts vaseux situés au fond des cours d'eau et latéralement à proximité de la berge, riches en bactéries, sont le siège du processus de biodégradation des hydrocarbures, par exemple, et de l'accumulation des métaux lourds (Zn, Pb, Cd, As, Mn) qui se fixent sur les particules argileuses des alluvions.


5.4 Autoépuration biologique des eaux souterraines


Les organismes vivants et non toxiques (Bactéries et Invertébrés) présents dans les eaux souterraines peuvent jouer un rôle essentiel dans les processus d'autoépuration des polluants des eaux souterraines.

Les Invertébrés sont capables de métaboliser et de transformer certains polluants (hydrocarbures, métaux lourds) en des composés à toxicité moindre. La bioaccumulation de polluants, c'est-à-dire l'assimilation et la concentration de substances toxiques par l'organisme, permet de stocker temporairement dans les tissus vivants des polluants et de contribuer à la restauration des milieux. La biotransformation, processus important chez les animaux qui ingèrent de grande quantité de sédiments, réduit également la concentration en éléments toxiques dans la chaîne trophique considérée.


Les bactéries sont les acteurs fondamentaux de la dégradation directe ou indirecte et de l'immobilisation des polluants minéraux ou organiques, ainsi que de la remobilisation des molécules toxiques ou indésirables. Les transformations biotiques sont moins importantes dans les eaux souterraines que dans le sol en raison de la plus faible activité biologique et sont réalisées par des bactéries libres et par des bactéries fixées sur un substratum (sédiments, fraction argileuse, silt). Cependant, les bactéries libres, susceptibles d'être entraînées avec l'écoulement des eaux souterraines et par conséquent avec le flux de polluant, ont un rôle important dans la transformation de ces substances indésirables. Généralement, plus une molécule organique est substituée plus elle est résistante à la biodégradation. Le remplacement du carbone par d'autres atomes, comme les branchements multiples sur un même atome de carbone, augmente la résistance à la biotransformation des produits organiques.Des polluants organiques toxiques comme les HAP et les PCB sont peu biodégradés. L'activité biologique de bactéries dénitrifiantes se déclenche lors du passage du régime libre au régime captif d'une nappe, c'est-à-dire lorsque l'eau s'appauvrit en oxygène dissous. La teneur en nitrates de l'eau diminue sensiblement.





6. Transfert et évolution des polluants 

Dans le milieu souterrain, l'évolution des polluants est très lente, comparativement à ce qui se passe en surface. Il s'écoule des mois, des années, ou même des dizaines d' années, entre le début de la pollution et sa mise en évidence. Les volumes infiltrés peuvent donc être très importants. Le milieu souterrain intègre successivement tous les événements polluants, et les nuisances peuvent se maintenir très longtemps après le tarissement des sources de pollution. Les bactéries sont retenues dans les premiers centimètres du sol. Les virus sont en revanche plus mobiles et peuvent contaminer la nappe sous jacente.


Le temps de transfert d'un polluant chimique à la nappe varie de quelques jours à plusieurs années. Il dépend principalement: de:

Les terrains à perméabilité d'interstices (sables, grès) connaissent un temps de transfert très court. Les roches à perméabilité de fissures (calcaires) connaissent un temps de transfert élevé.


Le soluté traverse la zone non saturée, et d'abord le sol, caractérisée par la présence d'oxygène, de minéraux argileux et matières organiques.... Les réactions adsorption/désorption entraînent un retard dans le transfert du polluant. Ces deux phénomènes sont favorisés par la présence d'argiles, oxydes et hydroxydes, et par les constituants organiques. L'adsorption prédomine sur la désorption. Les métaux sous forme ionique sont retenus par échanges d'ions ou adsorption, par les argiles, acides humiques et hydroxydes. Par suite du phénomène de désorption, les cations sont libérés progressivement. La pollution persiste dans l'eau souterraine, longtemps après l'introduction du polluant. Cette rémanence peut durer des mois, voire des années.


En zone saturée, la vitesse de propagation du soluté n'est pas identique à celle de l'eau souterraine. Elle dépend du type de polluant, en particulier de sa viscosité, et de sa concentration (phénomène de diffusion).Le débit de la nappe et les fluctuations de la surface piézométrique jouent également un rôle.



4.1 Transfert dans le sol



Les argiles et la matière organique peuvent aider à retenir des composés organiques dans le sol (humus). Les interactions chimiques entre les solides peuvent être très complexes. Plus la molécule est grosse, mieux elle sera adsorbée sur les argiles et la matière organique. Les composés constitués de carbone, d'hydrogène, de brome, de chlore ou d'iode sont hydrophobes. Ceux composés d'azote, de soufre, d'oxygène ou de phosphore sont hydrophiles. L'hydrophobicité d'une molécule favorise son accumulation dans le sol. Son caractère hydrophile favorise sa lixiviation et donc son transfert à la nappe.


Grâce à ses propriétés d'adsorption et d'échange, dues à la présence de colloïdes minéraux et organiques, le sol peut retenir un grand nombre de substances très diverses.

Les polluants peuvent être piégés dans les pores du sol, trop étroits pour que les bactéries puissent y pénétrer. Ils deviennent inaccessibles aux microorganismes et s'accumulent. Les phosphates sont fortement retenus par le calcium ou sur les bords des feuillets argileux. Certains herbicides, comme l' atrazine, sont très fortement retenus dans les sols. Les polluants peuvent être piégés dans des structures argileuses, ou complexés avec des polymères organiques résistants à la biotransformation (lignines, composés humiques). Certaines molécules sont résistantes, sur de très longues périodes, à toute action de dégradation. L'accumulation peut être due également à des conditions non favorables au développement des microorganismes (manque de nutriment par exemple). Les polluants et leurs produits de dégradation peuvent aussi être piégés temporairement par les animaux ou les végétaux . C'est le phénomène de bioaccumulation.

Le sol joue donc un rôle fondamental dans la fixation des micropolluants. Il fait également fonction de stockage et de tampon en ce qui concerne la pollution aux nitrates de la nappe.


4.2 Transfert dans la zone non saturée


Le fluide polluant migre d'abord verticalement dans le milieu non saturé entre la surface du sol et la nappe, laissant dans son sillage des terrains imprégnés à une concentration proche de la saturation. Suivant sa volatilité, le polluant a tendance à plus ou moins diffuser dans la phase gazeuse du milieu non saturé. C'est notamment le cas des solvants chlorés et des hydrocarbures aromatiques.

Les teneurs des fractions solubles du produit polluant évoluent avec le temps et la distance à la source, sous l'effet de la dilution, de la convection (entraînement direct par l'eau), de la dispersion due à la tortuosité des écoulements entre les grains du terrain, et enfin de phénomènes de fixation ou de dégradation : transformations chimiques de type oxydoréduction, précipitation, hydrolyse, complexation avec d'autres substances, biodégradation des molécules organiques.


4.3 Evolution en milieu saturé


Une fois la surface piézométrique franchie, la propagation du polluant ne rencontre pratiquement plus d'obstacles. Dans l'aquifère, en raison de la rareté ou de l'absence d'oxygène, de matières organiques et de microorganismes, le rôle épurateur est réduit, comparativement à la zone non saturée. Les mécanismes de transport du soluté dans l'aquifère sont complexes. Ils sont la conséquence de l'hétérogénéité du réservoir. La dispersion du soluté se fait à la verticale du foyer de contamination (zone non saturée), puis selon un étalement latéral dans le sens de l'écoulement de l'eau souterraine (zone saturée).

La dilution est d'autant plus importante que le débit de la nappe, la vitesse ou la transmissivité sont élevés. La vitesse d'écoulement est assez lente en aquifère homogène, mais peut être extrêmement rapide en milieu karstique.


Dans la nappe, l'extension du panache de pollution dépend essentiellement de la direction et de la vitesse d'écoulement de l'eau, mais aussi des caractéristiques du polluant :

Il faut distinguer les éléments chimiques solubles des insolubles plus légers ou plus lourds que l'eau, et les polluants bactériologiques.


La concentration des polluants minéraux dépend de leur solubilité. La solubilité et la mobilité des métaux lourds sont généralement contrôlée par les anions (les plus abondants dans l'eau souterraine): hydroxydes, carbonates, sulfates, chlorures et sulfures. Cette solubilité peut être modifiée par la formation de complexes argilo-humiques insolubles qui fixent les cations.


Les substances organiques solubles sont maintenues en solution sous forme moléculaire par des liaisons hydrogènes. Les produits organiques peuvent être totalement détruits dans l'eau, ou ou transformées en produits non toxiques, par des réactions chimiques . La dégradation transforme un produit complexe en produits simples. L'activation est la transformation d'une substance non toxique en une molécule toxique. La détoxication consiste en la perte du caractère toxique.



Figure 6: pollution par un produit soluble n'atteignant pas la nappe.



Figure 7: pollution par un produit plus léger que l'eau et qui atteint la nappe.





Figure 8: pollution de la nappe par un produit plus lourd que l'eau.


Les polluants insolubles plus légers que l'eau restent à la surface de la nappe où ils s'étalent. C'est principalement le cas des hydrocarbures, même si quelques uns sont légèrement solubles (phénols, aromatiques). Pour circuler dans le sol et rejoindre la nappe, les hydrocarbures doivent être en quantité suffisante pour former une phase continue. S'ils sont présents sous forme discontinue (gouttelettes piégées dans les pores), la pollution sera plus lente.

Les polluants insolubles et plus denses que l'eau comme les organochlorés migrent jusqu'à la nappe sans laisser de traces derrière eux. Une fois arrivés à la nappe, ils continuent à descendre jusqu'à la base, puis migrent dans le sens du pendage. Peu ou pas biodégradables, ils polluent la nappe pour des durées très longues. Ils sont très difficiles à localiser et à éliminer.



7. Protection des nappes contre les pollutions


La loi sur l'eau du 3 janvier 1992 a mis en place les périmètres de protection des captages d'eau potable. La circulaire du 15 février 1993 du Ministère de l'Environnement précise les cas où la mise en place des périmètres de protection s'impose. Il s'agit, dans le cas des eaux souterraines, des captage dans une nappe alluviale ou dans des terrains largement fissurés. Les périmètres de protection d'un captage sont définis après une étude hydrogéologique; ils sont prescrits par une déclaration d'utilité publique. Leur but est de protéger les abords immédiats de l'ouvrage et son voisinage et d' interdire ou réglementer les activités qui pourraient dégrader la qualité des eaux captées.Pour un captage ou un champ captant, trois zones concentriques sont définies dans lesquelles des contraintes plus ou moins fortes sont instituées pour éviter la dégradation de la ressource.
 

7.1 Le périmètre de protection immédiate

Ce premier périmètre contient le captage lui-même. Sa surface est limitée à quelques centaines de mètres carrés (environ 30 mètres sur 30). La collectivité locale est propriétaire du terrain qu'elle doit clôturer, sauf en cas d'impossibilité. Toutes les activités y sont interdites, sauf celles consacrées à l'exploitation et l'entretien des équipements.Son rôle est d'empêcher la dégradation des ouvrages ou l'introduction directe de substances polluantes dans l'eau.


7.2 Le périmètre de protection rapprochée

Le périmètre de protection rapproché doit protéger le captage de la migration de substances polluantes. Sa surface dépend des caractéristiques locales; elle varie entre 1 et 10 hectares. Toutes les activités, installations et dépôts susceptibles de nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux sont interdits ou réglementés; il s'agit généralement de:



7.3 Le périmètre de protection éloignée

Le dernier périmètre n'est pas obligatoire. Il renforce le précédent. Sa surface est très variable. Sont réglementés les activités, dépôts ou installations qui présentent un danger de pollution pour les eaux prélevées, par la nature et la quantité de produits polluants mis en jeu ou par l'étendue des surfaces qu'ils affectent.




7. Moyens de traitement des nappes polluées


Les procédés de décontamination des nappes polluées font appel à des voies physiques, chimiques et biologiques.


Ces différente voies sont généralement associées.


Les traitement de décontamination peuvent être réalisés:





La fixation

La fixation consiste à dévier la pollution, afin de l'empêcher d'atteindre un ouvrage à protéger, par exemple en créant un contre-courant par pompage en un ou plusieurs points soigneusement situés à l' intérieur de la zone polluée. L'eau polluée peut être : soit rejetée sans trai­tement dans un cours d'eau de surface ou des égouts, si, compte tenu de la dilution, les teneurs sont suffisamment faibles pour que toute nuisance soit écartée au niveau du milieu récepteur ; soit après traitement dans le cas contraire.

Les pompages de fixation permettent par la même occasion d'éliminer une partie de la pollution qui se trouve dans le milieu souterrain. En ce sens ils sont d'autant plus efficaces qu'ils sont situés au coeur de la pollution. Lorsqu'on a affaire à une pollution biphasique, on emploie la plupart du temps un système de doubles pompes (pompage de l'eau et pompage du produit séparé).

Les temps de récupération peuvent être très longs, et le simple pompage n'est généralement pas suffisant pour évacuer la pollution.


Le confinement

Dans certains cas le confinement de pollutions, provenant par exemple de terrils ou de décharges, par une couche étanche à la surface du dépôt, et la réalisation d'une paroi étanche barrant la circulation des eaux souterraines, a été mise en oeuvre, évitant ainsi la lixiviation et l'entraînement de substances indésirables dans les eaux souterraines.




Figure 11: Confinement et barrière active (procédé SOLETANCHE BACHY).


Le traitement par barrières actives

Ce procédé, tout récemment mis au point consiste à contribuer à l'élimination physico-chimique des produits polluants en mettant en place une barrière verticale, réalisée avec des moyens techniques équivalents à ceux utilisés pour créer des parois étanches souterraines. Les ouvrages sont disposés de telle façon qu'ils interceptent l'écoulement naturel des eaux souterraines, et le remplissage des parois est effectué avec des produits réactifs. La même technique peut être utilisée en employant des filtres biologiques.



L'injection d'air dans la zone saturée (« sparging »)

La technique consiste à injecter de l'air sous pression de façon à former des bulles d'air dans la nappe qui activent la volatilisation du polluant. Les vapeurs sont récupérées par un dispositif d'extraction dans la zone non saturée




Figure 12: Injection d'air sous pression et bullage (« sparging ») dans la zone saturée (d'après Etude interagence n° 36).


Le stripping

C'est une extraction par entrainement des polluants volatils par l'air. L'eau est pompée puis traitée en surface par circulation d'air qui volatilise le polluant.




Figure 13: Décontamination par colonne de stripping (d'après LECOMTE).



L'injection d'oxydant ou de réducteur dans la nappe

L'injection dans l'aquifère d'oxydants comme O3, H2O2, ClO2 permet d'oxyder les polluants organiques récalcitrants (HAP, PCB). L'injection d'un réducteur comme le Fer réduit en particulier le Chrome en Chrome trivalent moins toxique.


La biodégradation

Le sol contient naturellement des souches bactériennes qui ont la faculté de s' adapter rapidement à la dégradation des produits organiques qui se sont infiltrés suivant leur nature. De nombreux produits organiques sont biodégradables en milieu aérobie : c' est notamment le cas des hydrocarbures. On essaie alors d'accélérer cette biodégradation en facilitant la circulation d'oxygène, par exemple en aspirant les gaz présents dans la zone non saturée par des forages correctement équipés, et en apportant des nutriments complémentaires, comme par exemple des nitrates et des phosphates.

L'ajout de souches bactériennes, particulièrement adaptées, est quelques fois réalisé.

Le stade ultime de la bio dégradation (minéralisation complète et transformation en CO2 et H20) est un objectif lointain, l'apport d'oxy­gène étant généralement insuffisant. Il s'agit le plus souvent d'une bio transformation.

Certains polluants, comme les solvants chlorés (trichloréthane, trichloréthylène. . . ), sont biodégradables uniquement en milieu anaérobie. Des recherches sont actuellement menées pour mettre au point des procédés de dépollution in situ. En voici quelques exemples:



Figure 14: Procédé par filtre biologique in situ (d'après R. SAMSON in S. RENARD, 2002)





Figure 15: Procédé par bioventilation de la zone non saturée (d'après R. SAMSON in S. RENARD, 2002).


La biolixiviation consiste à activer la bidégradation aérobie au toit de la nappe et dans la frange capillaire par oxygénation, ajout de nutriments et éventuellement de bactéries. L'eau polluée est pompée puis traitée dans une bâche de mélange et d'aération, enfin réinfiltrée.



Figure 16: Procédé de biolixiviation (d'après Etude interagence n° 36).


C'est une décontamination par injection d'air dans la zone non saturée (bioventing) et dans la zone saturée (biosparging) avec adjonction de nutriments pour stimuler l'activité bactérienne aérobie.




Figure 17: Décontamination in situ par biodégradation et ventilation (d'après LECOMTE)



Le traitement des terrains excavés

Le traitement des terrains pollués peut aussi être réalisé ex situ une fois ces terrains terrassés. Ce procédé est utilisé pour les sols pollués qui constituent un risque pour la nappe sous-jacente.








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mise à jour: 14 décembre 2002

jacques.beauchamp@sc.u-picardie.fr