UNIVERSITE DE PICARDIE JULES VERNE/ Jacques Beauchamp

Pédologie

L'EAU ET LE SOL






 
 
 

1. L'EAU DANS LE SOL

Sous nos climats, l'apport d'eau au sol se fait sous forme de pluie, neige, rosée et brouillard.Toute l'eau des précipitations n'atteint pas le sol: une part est évaporée directement pendant et après la pluie; les gouttes peuvent être interceptées en partie partre interceptées en partie par le feuillage. L'eau qui atteint le sol ruisselle, s'infiltre et réhumecte le sol. Les racines absorbent cette eau que la tige et les feuilles évaporent par transpiration. Une fraction réduite finalement gagne la profondeur et atteint la nappe. Un profil habituel de la quantité d'eau contenu dans une coupe du sol et du sous-sofil habituel de la quantité d'eau contenu dans une coupe du sol et du sous-sol montre une augmentation de la teneur en eau avec la profondeur.

Figure 1: teneur en eau dans le sol et le sous-sol.
 

La teneur en eau est fonction de la porosité et de la perméabilité du sol. Le volume maximal d'eau qu'un sol peut retenir est la "capacité au champ" ou capacité de rétention du sol qui dépend essentiellement de la granulométrie du sol. Près de la surface, le sol n'est pas saturé, les espaces vides contiennent de l'eau et de l'air; l'eau est soumise aux forces de gravité et de capillarité. A partir d'une certain profondeur, la teneur en eau n'augmente plus: le sol est saturé, tous les pores du sol sont remplis d'eau: cette zone saturée forme une nappe; les forces de gravité sont prédominantes. L'eau du sol ne représente que 0,064% de l'eau douce totale; son rôle est cependant essentiel puisque c'est l'eau qu'utilisent les racines des plantes.
 
 

Figure 2: porosité du sol (d'après GAUCHER).
Légende:

    (1) grosse crevasse déterminant la surstructure. (2)  crevasse de 2ème ordre délimitant les agrégats
    (3) fissures fines déterminant la sous-structure  (4) canalicules de faible diamètre
    (5) grosse lacune traversant les agrégats            (6) lacune tubulaire creusée par un lombric
    (7) lacune aveugle.

La perméabilité k d'un sol est définie par la vitesse d'infiltration de l'eau; k est mesuré par la loi de Darcy: 
 
 
 
 
 

Q = k.s. H/h

Q: débit 

s: section de la colonne de sol 

H: hauteur de la colonne d'eau 

h: hauteur de la colonne de sol 

Pour des sols saturés en eau (fortes pluies):

Pour les sols non saturés (pluies faibles, air présents dans les pores du sol), k est beaucoup plus faible (0,1 mm/heure pour un limon).

Une couche est réputée imperméable pour des valeurs de k de l'ordre de 10 -9 m/s. L'eau qui tombe à la surface du sol commence à humidifier la partie supérieure du sol (quelques centimètres). Le profil hydrique change. Cette augmentation de la teneur en eau en surface ne détermine pas automatiquement un transfert en profondeur: l'eau peut rester retenue dans le sol par les forces de capillarité. Lorsque la capacité de rétention du sol en eau est dépassée, l'eau descend sous l'effet de la gravité et humidifie les couches inférieures. Si l'humidification du sol continue, l'eau finalement atteint la nappe par infiltration: ce phénomène est trés lent et peut demander plusieurs mois. En zone tempérée, la quantité d'eau infiltrée jusqu'à la nappe est estimée à 300 mm/an, soit 10 l/s par km2.

Si la pluie est forte, le sol ne peut pas absorber toute l'eau tombée, la partie supérieure du sol devient saturée mais le transfert vers la profondeur n'est pas assez rapide. Une pellicule d'eau s'accumule en surface et s'écoule selon la pente: c'est le ruissellement. L'eau qui s'écoule arrache des particules puis se rassemble en chenaux de plus en plus important (cours d'eau). Lorsque la surface du sol est imperméable (roche imperméable, route ou zone urbaine bitumée), le ruissellement apparaît sitôt que les dépressions du sol ont été remplies. La végétation favorise l'infiltration et s'oppose ainsi au ruissellement.



 
 

2. EVAPO-TRANSPIRATION ET TENSION DE SUCCION

Une partie de l'eau qui pénètre dans le sol est évaporée de nouveau dans l'atmosphère soit directement soit par l'intermédiaire des plantes: l'ensemble de ces pertes en eau constitue l'évapo-transpiration. L'évaporation se fait surtout à la surface du sol. Même pendant la pluie, une partie de l'eau est immédiatement ré-évaporée car l'atmosphère n'est pas saturé en eau. Le départ de l'eau superficielle fait remonter l'eau des zones plus profondes. La quantité évaporée diminue avec la quantité retenue dans le sol car les forces de capillarité s'oppose à son départ et l'énergie nécessaire pour extraire l'eau est d'autant plus grande que le sol s'appauvrit en eau. Les forces de capillarité entre les grains et la tension superficielle du film d'eau autour des gains déterminent un potentiel de matrice qui tend à retenir l'eau et qui peut être mesurée à l'aide d'un tensiomètre. La succion du sol dépend de sa texture et de la taille des pores, de la quantité d'eau contenue par rapport à sa capacité de champ (quantité maximale absorbée). Les conditions climatiques sont également déterminantes.

Figure 3: Tension de succion d'un sol (saturé, humide ou sec), d'après Brooks et al.
 
 
 
 

Taille des pores 

(µm)

Tension de succion 

(hPa)

Commentaire

20 000

0,15

grosse crevasse

4 000

0,75

galerie de vers

300

10

diamètre d'une racine de blé

60-30

50-100

Tension de succion à la capacité au champ

2

1 500

limite de pore contenant de l'eau facilement utilisable

0,2

15 000

Point de flétrissement

0,003

1 000 000

Tension de succion d'un sol sec à l'air

TABLEAU  6-A : Relation entre la taille des pores et la tension de succion nécessaire pour les vider de leur eau (d'après ROWELL, 1994)



Figure 4a: Eau contenue dans le sol selon sa texture (d'après Duchaufour).
 

La tension de succion du sol peut être exprimée en unités de pression ou en hauteur d'eau. Les pédologues emploient volontiers une unité particulière, le pF, qui est le logarithme de la pression négative P exprimée en cm d'eau (cf figure 3):
 
 

pF = log P

1 pression de 1 atmosphère (1013 hPa) correspond à un pF de 3.

La tension de succion du sol correspond à un potentiel matriciel provoqué par les phénomènes de capillarité et d'absorption-adsorption de l'eau sur les particules du sol.  Rappelons que la hauteur d'ascension capillaire de l'eau dans un tube fin suit la loi de Jurin :
 
 
 

h = 2s / r d g

 

h : hauteur de l'eau dans le tube
s  : tension superficielle du liquide
r : rayon du tube
d: densité du liquide
g : accélération de la pesanteur

La montée de l'eau est de 150 mm pour un tube de 0,1 mm.

Le potentiel matriciel du sol augmente quand la teneur en eau diminue. Il est de l'ordre de 330 hPa, soit pF=2,5, pour la capacité au champ d'un sol limoneux.

La transpiration des plantes extrait l'eau de la zone non saturée du sol, parfois même de la zone saturée. Cette extraction est possible jusqu'à une certaine valeur limite de la teneur en eau du sol; les racines doivent vaincre le potentiel de matrice qui retient l'eau et qui augmente avec le départ de l'eau; au delà d'une certaine valeur, la plante ne peut plus vaincre la tension et satisfaire son besoin, elle flétrit. Le point de flétrissement d'une plante varie d'une espèce à l'autre. Le volume d'eau disponible pour les plantes, appelé "réserve utile" comprend la "réserve facilement utilisable" et la «réserve de survie»; elle dépend de 2 paramètres: la profondeur du sol colonisée par le système racinaire (1 m environ pour une culture annuelle de blé ou de maïs) et la texture du sol. Pour une profondeur d'1 m, on obtient des valeurs de réserve utile allant de 70 mm d'eau pour un sol sableux grossier à 200 mm d'eau pour un sol limono-argileux. L'eau est extraite par les racines des plantes, elle circule dans la tige et les feuilles puis elle est vaporisée à travers les stomates dans l'atmosphère. Le soleil fournit l'énergie nécessaire à la vaporisation de l'eau. La transpiration d'un végétal est réglée par l'ouverture des  stomates, elle-même dépendant de la nature, de l'état hydrique du végétal et des conditions climatiques (rayonnement solaire, température de l'air, déficit de saturation de l'air).
 
 

Figure 4b: Transpiration du maïs en fonction de la teneur en eau du sol et de l'humidité de l'air (d'après ROWELL, 1994).
 
 

Figure 5: L'état de l'eau dans le sol:

saturation: l'eau s'écoule capacité de champ: le maximum d'eau est retenu sur le terrain

point de flétrissement: les racines ne peuvent plus vaincre les forces de rétention de l'eau.
 
 

Figure 6:  Tension de succion selon la texture du sol, d'après Duchaufour.

L'évapo-transpiration réduit la quantité d'eau s'infiltrant vers la nappe. En été, elle reprend la totalité de l'eau qui a pénétré dans le sol; la nappe ne peut être alimentée que pendant les mois d'hiver. La teneur en eau du sol peut descendre au dessous de la capacité au champ et même atteindre le point de flétrissement près de la surface: un courant d'eau capillaire s'établit depuis la profondeur. La perte en eau d'un sol est plus faible depuis la profondeur. La perte en eau d'un sol est plus faible lorsque celui-ci est nu, car il se forme une croûte superficielle qui limite l'évaporation: on comprend l'utilité de désherber les cultures. Les remontées capillaires sont importantes lorsqu'il existe une nappe : l'eau peut remonter jusqu'à 1 m au dessus du niveau de la nappe dans un sol limoneux et être utilisée par les racines. On a décrit des remontées de 40 m depuis la nappe de la craie jusqu'aux rendzines (sols calcaires) sus-jacents. En année sèche, les remontées capillaires peuvent être importantes et atteindre 100 mm, soit l'équivalent de la réserve hydrique du sol.




3. BILAN HYDRIQUE DU SOL

Le suivi du bilan hydrique des sols est une opération complexe car il n'existe pas actuellement d'appareil simple pour mesurer en routine le volume d'eau du sol. Il y a bien la sonde à neutrons, appareil précis mais d'une manipulation délicate. Son principe repose sur l'émission de neutrons par une source radiol'émission de neutrons par une source radio-active et la réception des particules par les molécules d'eau. La quantité d'eau contenue est fonction du rapport neutrons reçus sur neutrons émis. En étude de routine, on préfère calculer la réserve d'eau du sol à partir des données élémentaires fournies par les stations météorologiques: pluviométrie, température et humidité de l'atmosphère, vitesse du vent, insolation. Le régime des précipitations au cours de l'année est exprimé conjointement avec la température moyenne mensuelle sous forme de diagrammes ombrothermiques. Par convention, l'échelle des température en ° C est doublée par rapport à celle des précipitations exprimée en mm.

 

TABLEAU 6-B: Bilan hydrique du sol en France.
 
 

Figure 7: Evapo-Transpiration Réelle mesurée sur des parcelles aux Pays-Bas (d'après Lambert, 1996).
 
 

Figure 8a: principe d'un lysimètre (ou case lysimétrique).
 
 

Figure 8b: Valeurs moyennes mensuelles de l'ETR mesurée sur une parcelle engazonnée du Sud-Ouest de la France (d'après Lambert, 1996).
 

L'ETR peut être mesurée expérimentalement à l'aide de cases lysimétriques. Une case lysimétrique est un bac exposé en plein air qui  contient un sol couvert d'un certain type de végétation, ou laissé à nu, dont on évalue la quantité d'eau infiltrée et drainée par rapport à celle apportée par les précipitations. Certains lysimètres peuvent être pesés régulièrement pour connaître le volume d'eau contenu dans le sol.

On calcule plutôt  l'évapo-transpiration à l'aide de formules empiriques comme celle de Thornthwaite, de Penman ou de Turc. On distingue l'évapotranspiration potentielle (ETP) qui est le pouvoir évaporant de l'atmosphère sur un sol avec couvert végétal disposant de l'eau en abondance. L'évapotranspiration réelle (ETR) correspond à la perte en eau d'un sol quand l'eau vient à manquer: l'ETR est fonction de l'ETP et de la quantité d'eau présente dans le sol.

 
 



Figure 9: Evaporation et évapotranspiration potentielle et réelle.
 
 
 
 




ETP   =   k ( T/(T+15) ).(Rg+50) 

(mm/mois)



      T: température mensuelle moyenne 
      Rg: radiation solaire globale 
      k= 0,37 pour février        k=0,40 pour les autres mois

 



Rg = Iga (0,18+0,62 h/H) 



      Iga: radiation solaire directe en l'absence d'atmosphère 
      h/H: durée réelle d'insolation/durée maximale possible  (varie entre 1 et 0,1) 



Valeurs d'Iga 





latitude nord 

40°

50°


janvier

364

222


février

495

360


mars

673

562


avril

833

764


mai

944

920


juin

985

983


juillet

958

938


août

858

800


septembre

710

607


octobre

536

404


novembre

390

246


décembre

323

180


       

  TABLEAU 6-C : Calcul de l'ETP par la formule de Turc.
 
 




TABLEAU 6-D : Calcul de l'ETR par la formule de Turc (cette formule peut être utilisée lorsque les valeurs décadaires ou mensuelles de la température et des précipitations ne sont pas disponibles).
 
 

TABLEAU 6-E: Bilan annuel calculé dans un site de Turquie.

L'ETP varie largement selon les régions et les périodes de l'année: dans le Bassin Parisien, elle n'est que de quelques mm dans un mois d'hiver mais peut atteindre 200 mm en juillet. La valeur moyenne de l''ETR en France correspond aux 3/5 des précipitations.

Les précipitations efficaces sont égales à la quantité d'eau apportée par les précipitations moins l'évapotranspiration réelle: c'est la quantité d'eau qui pénètre dans le sol et qui constitue la réserve utile; une partie descend vers la nappe quand la capacité maximale de la réserve utile est dépassée. Le cas de la neige est particulier. Initialement, l'humidification du sol, l'infiltration et le ruissellement sont nuls. L'évaporation a lieu sous forme de sublimation (passage directe de l'état solide à l'état gazeux). A la fonte, l'infiltration est importante car l'apport d'eau est lent. Le ruissellement est généralement faible; il est en revanche grand quand le sol est gelé en profondeur et s'oppose à l'infiltration.

  Figure 10: place de l'eau du sol dans le cycle de l'eau




L'étude du bilan hydrique a une grande importance pour les cultures industrielles. L'évaluation de la réserve utile du sol permet de décider de la nécessité de l'irrigation bien avant les signes de fanaison de la plante. Néanmoins, l'ETP est une valeur moyenne calculée pour une couverture végétale et un sol naturel qui ne correspond pas aux conditions particulières des terres de culture. Il faut tenir compte de l'espèce végétale cultivée et de son état de végétation. On module la valeur de l'ETP par un coefficient cultural kc peut être supérieur à 1 en période de pleine activité de la plante. Cette valeur de l'ETP sur terre cultivée est l'Evapo-Transpiration Maximale ou ETM.

 

ETM = ETP . Kc


 
 

Pour obtenir un rendement maximum, il faut que les plantes disposent toujours de suffisamment d'eau pour évaporer une quantité égale à l'ETM. Il faut donc compléter le volume d'eau apporté par les précipitations par des prélèvements au réseau de surface ou à la nappe. Cette pratique peut entraîner une surexploitation de la ressource si le volume supplémentaire prélevé est supérieur selon les cas au ruissellement et/ou à l'infiltration à la nappe.
 
 

TABLEAU 6-F: Importance de l'évapo-transpiration dans le cycle de l'eau mondial.
 
 
 



MOIS 

OCT 

NOV 

DEC 

JAN 

FEV 

MAR 

AVR 

MAI 

JUIN 

JUIL 

AOUT 

SEPT 

TOTAL 

28.6 

53.4 

70.3 

41.4 

86.5 

14.1 

64.3 

9,1 

56,2 

39,4 

11,8 

30 

505,1 

ETP 

40.0 

9.2 

17.1 

16.2 

35.1 

50.9 

80.9 

120.6 

104.7 

143.2 

118,7 

67,4

804 

P-ETP 

-11.4 

44.2 

53.2 

25.2 

51.4 

-36.8 

-16.6 

-111.5 

-48.5 

-103.8 

-106.9 

-37.4 

-298.9 

RFU

0.0

44.2

97.4

100.0

100.0

63.2

46.6

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

451.4

transfert

0.0

0.0

0.0

22.6

51.4

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

74.0

ETR 

28.6 

9.2 

17.1 

16.2 

35.1 

50.9 

80.9 

55.7 

56.2 

39.4 

11.8 

30.0 

431.1 

Rambouillet, 1989-90 (modifié d'après Coulomb, 1992)

TABLEAU 6-G: Bilan hydrique à Reims (d'après Chiesi) et à Rambouillet (d'après Coulomb).



 
 
 

4.UTILISATION DE L'EAU DU SOL PAR LES VEGETAUX

Les racines des plantes puisent l'eau dans la réserve utile du sol et la disperse dans l'atmosphère par évapo-transpiration. Si l'eau disponible diminue tandis que la tension de succion du sol augmente, les racines ont de plus en plus de difficulté d'extraire l'eau, l'évapo-transpiration diminue; elle devient inférieure à l'ETP: c'est l'ET Réelle. Au dessous de d'une tension de succion de 1 atmosphère (1000 hPa), l'absorption de l'eau par les racines est fortement diminuée; elle devient nulle lorsque le point de flétrissement est atteint (en général 16 atmosphères, soit pF = 4,2). Ce point de flétrissement permanent varie beaucoup avec la texture du sol.
 
 

Sol

Point de 
flétrissement

Capacité au champ

Eau disponible pour 
la plante

Argile

0,28

0,44

0,16

Terre argileuse

0,23

0,44

0,21

Terre grasse

0,14

0,36

0,22

Terre sableuse

0,08

0,22

0,14

Sable

0,05

0,15

0,10

TABLEAU 6-H: Point de flétrissement, capacité au champ et eau disponible pour la plante en fonction de différents types de sols. Les valeurs sont exprimées selon le rapport (volume de l'eau contenue/volume du sol) - inspiré de ROWELL, 1994 -.

Le volume occupé par les racines d'une plante dans le sol a une grande importance pour l'absorption de l'eau. L'espace racinaire varie selon les plantes et la nature du sol. Les racines du blé s'enfoncent à 50 cm dans un sable, mais peuvent atteindre 1,50 m dans un limon; l'enracinement du maïs atteint 1,70 m de profondeur; les racines de pommes de terre ne dépassent pas 0,60 m. En zone semi-aride, les racines d'une graminée comme l'Alfa s'enfonce à 2 m. Dans une forêt tempérée, l'espace racinaire effectif des arbres ne dépasse pas 1 m pour l'approvisionnement en eau. En générale, les racines superficielles peuvent vaincre des tensions de succion supérieures et se procurer de l'eau même dans un sol apparamment sec.

Les exigences en eau varient selon les plantes. Les espèces hydrophiles demandent de l'eau facile à absorber: il faut donc que la réserve utile soit réapprovisionnée par ascension capillaire à partir d'une nappe (cas du peuplier, de l'aulne...). Les espèces xérophiles sont adaptées à la sécheresse, elles peuvent extraire l'eau pour des tensions de succion voisines du point de flétrissement (pin sylvestre, plantes herbacées des pelouses sèches). Les plantes mésophiles ont un comportement intermédiaire.


5. RUISSELLEMENT ET EROSION DU SOL

5.1 Les facteurs naturels agissant sur le ruissellement

L'intensité du ruissellement superficiel dépend essentiellement des conditions climatiques, topographiques, pédologiques et végétation.

* Facteurs climatiques

Il s'agit de l'intensité, du volume, de la fréquence des pluies et de leur répartition au cours de l'année. Ces caractères conditionnent notamment l'importance du couvert végétal qui s'oppose au ruissellement en absorbant l'eau. L'eau ruisselle lorsque la vitesse d'arrivée de l'eau sur le sol est supérieure à la vitesse d'infiltration. Le volume d'eau en excès à la surface dépend de l'intensité (hauteur d'eau par rapport à une durée) de la pluie et du volume total précipité. Il existe un seuil d'intensité au-dessous duquel le ruissellement ne se forme  pas. L'indice classique de WICHMEIER, défini en 1959 pour quantifier l'érosion des sols aux U.S.A. , place cette limite pour une intensité moyenne de 25 mm/h pendant au moins 30 minutes. Cette valeur a été remise en question par les auteurs européens qui ont montré que le ruissellement pouvant apparaître pour des valeurs seuils bien plus faibles (2 à 10 mm/h). Les précipitations peuvent se faire sous forme d'averses violentes qui entraîne un ruissellement important. En climat méditerranéen, les précipitations journalières peuvent atteindre 100 mm, les intensités instantanée 5 mm/minute. Les pluies d'orage s'accompagnent de fortes intensités dans le Nord de la France (une intensité de 220 mm/heure a été relevée à proximité de la vallée de la Marne en septembre 1987.) Sous les climats subdésertiques, le ruissellement est augmenté encore par la faiblesse du couvert végétal. Un cas particulier est fourni par la fonte des neiges: en climat froid, le sol reste gelé et imperméable au printemps tandis que la neige fond. L'eau de fonte ruisselle et grossit les rivières. En revanche, la fonte de la couverture neigeuse sur sol non gelé, dans nos régions,  fournit lentement l'eau qui peut être complètement absorbée par le sol.

*Facteurs pédologiques

La perméabilité de surface et la capacité de rétention en eau du sol favorisent l'infiltration et donc s'opposent au ruissellement. Le flux d'infiltration dépend de l'état de surface et du système de porosité, eux-même conditionnés par la compacité, la fissuration et l'activité biologique (macropores, galeries). Sous l'action des pluies, la surface du sol passe d'un état fragmentaire poreux et meuble à un état plus continu et compact. La couche superficielle forme une croûte de battance qui diminue la vitesse d'infiltration donc favorise le ruissellement. Les croûte de battance se développent surtout sur les sols limoneux: la vitesse d'infiltration peut passer de plusieurs dizaines de mm par heure à moins de 1 mm par heure lorsque s'est formée la croûte de battance; l'eau ruisselle alors que le sol n'est pas saturé en eau en profondeur L'histoire hydrique du sol intervient  également: un sol saturé par une précipitation ne pourra absorber la précipitation suivante. La profondeur du sol joue aussi un rôle: un sol peu épais sur une roche imperméable sera une zone de ruissellement favorisée.

* Facteurs topographiques

La valeur de la pente conditionne la vitesse d'écoulement de l'eau en surface; sa longueur favorise des débits importants et la concentration des filets d'eau.

* Couvert végétal

La végétation s'oppose au ruissellement et favorise l'infiltration. Les tiges constituent des obstacles à l'écoulement superficiel qui diminuent la vitesse des filets d'eau. Les racines augmentent la perméabilité du sol.


Figure 10b: Rôle de la couverture végétale sur le ruissellement
 
 

TABLEAU 6-I: influence de la nature de la couverture végétale sur le ruissellement
 
 

Figure 11: effet de l'anthropisation sur la production sédimentaire d'un  versant (d'après les travaux de Wolman sur le piémont du Maryland).
 
 

Figure 12: influence de la mise en culture sur la production sédimentaire dans le bassin versant du fleuve Potomac (d'après les travaux de Walk et Keller, 1965).
 
 

Figure 13: influence de la nature du couvert végétal sur la production sédimentaire d'un bassin versant (d'après diverses mesures de Ursic et Dendy aux USA).
 
 

Figure 13b: Intensité du ruissellement sur une parcelle de maïs en mai 1998 (LUDWIG, 1999): le compactage causé par les traces de roues favorise le ruissellement.

5.2 L'érosion des sols

Le ruissellement superficiel peut entraîner les particules du sol. Du fait de son impact économique, l'érosion des sols a été bien étudiée pour les sols de culture qui restent à nu une partie de l'année (au moins pendant le travail de la terre au cours des labours). Dans nos régions, ce phénomène d'érosion est faible ou nul sous couvert végétal naturel, c'est à dire sous la forêt de feuillus. L'érosion est en revanche intense sous les climat semi-arides à arides où la couverture végétale est réduite.

* L'effet splash

Les gouttes de pluie brisent les mottes et les agrégats et projettent les particules arrachées. Ce phénomène de rejaillissement sous l'impact, ou «splash», déplace les particules sur quelques dizaines de cm, la distance dépendant de la masse des particules et de l'angle d'incidence des gouttes de pluies par rapport à la surface. Les particules fines déplacées sont piégées entre les éléments plus grossiers et ferment les pores: la surface du sol perd de sa capacité d'infiltration et sur certains sols, il apparaît une croûte de battance. La masse de sol détachée  peut être de l'ordre de plusieurs dizaines de tonnes par hectare et par an.
 
 
 

.                                                                                         croûte structurale                               croûte sédimentaire

état initial fragmentaire, poreux et meuble                fermeture de la surface par effet splash        sédimentation dans les flaques

infiltration possible: 30-60 mm/heure                                 2-6 mm/heure                                     1 mm/heure

TABLEAU 6-K: Modification de la surface du sol sous l'action de la pluie (inspiré de BOIFFIN in BUSSIERE).
 

* L'entraînement des particules par le ruissellement

L'eau ruisselle sur le sol sous forme d'une lame d'eau, de filets diffus ou d'un écoulement concentré. Elle exerce sur le sol une force de cisaillement qui arrache les particules puis les transporte. Les conditions d'arrachement, de transport et finalement de dépôt dépendent de la vitesse du courant et de la taille des particules. il existe ainsi pour un sol donné une vitesse critique d'arrachement et une vitesse limite au-dessous de laquelle les particules sédimentent. L'érosion se fait en nappe (érosion aréolaire) dans le cas de ruissellement diffus; l'arrachement des particules est sélectif, il est produit par le splash sur l'ensemble de la surface, le transport est faible et le dépôt proche sous forme de colluvionnement. L'érosion en rigoles apparaît lorsque le ruissellement se concentre et acquiert un pouvoir d'arrachement suffisant pour mobiliser localement l'ensemble des particules. Il se forme d'abord de simples griffures, puis des rigoles décimétriques qui peuvent évoluer en ravines métriques.

* Les facteurs favorables

En plus des facteurs favorisant le ruissellement, l'entraînement des particules du sol est facilitée par les caractères du sol comme sa texture, sa minéralogie et la matière organique qu'il contient. Les sols limoneux et limono-sableux sont les plus sensible à l'érosion, alors que les sols argileux plus fins résistent mieux à l'action du cisaillement par l'eau de ruissellement. Les sols de granulométrie grossière sont peu érodés du fait de la masse importante des particules ou de la stabilité des agrégats.  Le détachement des particules est important pour des tailles de grains compris entre 63 et 250 µm. La stabilité des agrégats maintient la structure du sol et s'oppose à l'érosion. Les argiles gonflantes comme les smectites diminuent la résistance des agrégats, la matière organique favorise au contraire l'agrégation des particules et l'infiltration.
 

UNIVERSAL SOIL LOSS EQUATION



A = R.K.L.S.C.P



A= perte de sol
R= facteur d'érosivité des pluies
K= sensibilité du sol à l'érosion
L= longueur de la pente
S= inclinaison de la pente
C= couverture du sol
P= mesures de protection du sol

TABLEAU 6-K: Erosion d'un sol d'après la formule de WICHMEIER
 
 
 

5.3 L'action de l'homme

Les aménagements routiers et urbains qui augmentent les surfaces imperméables favorisent le ruissellement. Si des mesures apropriées ne sont pas prises pour le gérer, ces eaux de surface contribueront à l'entraînement du sol. Le coefficient de ruissellement en zone urbaine et sur chaussée goudronnée dépasse généralement eacute;passe généralement 90%. Mais ce sont les transformations récentes de l'agriculture dans nos régions qui ont accéléré l'érosion des sols.

Le remembrement qui s'est intensifié dans les années 60 aboutit à l'augmentaton de la taille des parcelles et corrélativement à la suppression des haies, des talus et des fossés. Les prairies  (Surfaces Toujours en Herbe) sont en régression au profit des terres labourées (conséquence de l'augmentation de la production des vaches laitières et des quotas laitier). Les cultures de printemps, encouragées par les subventions, se généralisent (tournesol, maïs, betterave). L'emploi de produits phyto-sanitaires s'intensifie et les rendements à l'hectare s'envolent (pour le blé, le rendement de 100 quintaux à l'hectare est dépassé). La reconquête de terrains pentus pour le développement de la vigne (Champagne). La destruction des plantes adventices par les herbicides laisse le sol à nu entre les plants cultivés.

La modification des méthodes de travail du sol par la mécanisation augmente les risques d'érosion. Le travail du sol est plus profond, le labour se fait dans le sens de la pente, le sol est tassé par le poids des engins de plus en plus volumineux, une semelle de labour compacte et peu perméable se forme en profondeur sur laquelle peut apparaître un ruissellement profond (« hypodermique »). La multiplication des façons culturales affine éxagérément de sol qui est beaucoup plus vulnérable à l'entraînement.

La fertilisation par engrais minéraux au dépend de fumure organique augmente le rendement immédiat mais déstructure peu à peu le sol. La teneur du sol en matière organique diminue (elle est passé de 3% à 2% en 20 ans), les agrégats sont moins stables et sont plus facilement dispersés par les pluies. La diminution de la teneur en matière organique et l'utilisation de produits phyto-sanitaires (défanants, pesticides...) entraîne une diminution corrélative de l'activité biologique du sol. Les lombrics, moins nombreux, n'assurent plus le « labour biologique » assurant l'homogénéisation et l'aération du sol alors que la formation des croûtes de battance est favorisée.

5.4 Les dégâts causés par l'érosion des sols

A coté des dégâts bien visibles concernant les terres cultivées, il existe des dégâts en aval beaucoup plus insidieux provoqué par l'augmentation du ruissellement et l'entraînement des particules du sol.

* Dégats ressortant des « catastrophes naturelles »

On peut ranger ici les coulées de boues, inondations,  sapement de chaussées, colmatage des réseaux d'assainissement et des ouvrages de retenue des eaux pluviales, envasement des cours d'eau...

* Dégradation de la qualité des eaux

Les eaux de ruissellement alimentent les rivières qui se chargent en M.E.S. L'augmentation de la turbidité des eaux modifie l'équilibre trophique et peut même entraîner l'asphyxie des poissons. L'envasement a un effet négatif sur le développement des alevins. Le lit de la rivière peut être colmaté et l'échange avec la nappe alluviale interrompue.

L'entraînement des particules de sols dans les eaux superficielles s'accompagne également de celui des intrants agricoles ( engrais, pesticides) et des polluants d'origine industrielle, urbaine, routière. L'apport d'azote et de phosphore provoque l'eutrophisation de la rivière (ou de la zone littorale). L'impact écologique des produits phyto-sanitaires est reconnu mais plus difficile à évaluer du fait de la multiplicité de ces substances et de leur large spectre d'action. Les métaux lourds sont également transportés par les eaux de ruissellement.
 

5.5 Les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols
 

* Amélioration de la structure du sol (Soltner, 1992)

Renforcer la résistance du sol à l'entrainement par l'eau et le vent en améliorant la stabilité de sa structure par des amendements humifères et des amendements calcaires qui stabilisent les complexes argilo-humiques.

Augmenter la perméabilité du sol, donc diminuer le ruissellement, par un travail approprié du sol:

Eviter:

* Création d'obstacles au ruisellement

Couverture permanente du sol

La végétation protège le sol de l'impact des gouttes de pluies, elle ralentit les filets d'eau superficiels et favorise ainsi l'infiltration. La couverture végétale peut être faite de végétaux vivants ou morts.

Rideaux

Un rideau se forme à la limite d'un champ en pente quand le labour est fait parallèlement à cette limite. Des broussailles, puis des arbres y poussent et s'opposent au ruissellement et à l'entraînement du sol.

Banquettes

Ce sont des levées de terre de faible hauteur (0,50 m) établies selon les courbes de niveau; elles sont généralement enherbées.

Figure 14: Rideaux et banquettes.



Levées de terre: ce sont des banquettes plus importantes (jusqu'à 1,80 m de hauteur); elles sont plantées d'arbres.

Fossés de protection

Ces fossés sont creusés en amont du terrain à protéger pour intercepter les eaux de ruissellement. Ils sont enherbés. Ils débouchent dans un exutoire adéquat.

Exutoires naturels: ce sont des prairies permanentes installées dans des dépressions pouvant être fauchées ou pâturées, des bois ou taillis sur pente faible composés d'espèces à fort pouvoir de pompage (peupliers, saules...), des petits ravins à couvert végétal...

Exutoires artificiels: larges fossés engazonnés, bassins de rétention ...
 


REFERENCES
 

BROOKS K.N., FFOLLIOTT P.F., GREGERSEN H.M. et THAMES J.L. (1991) - Hydrogeology and the management of watershed. Iowa state univ. press, Ames, Iowa.

BUSSIERE M. (1996) - L'érosion des sols cultivés en France. Mém. D.E.S.S., Univ. Picardie, 136 p.

CASTANY G. (1979) - Principes et méthodes de l'hydrogéologie. Dunod.

CHIESI F. (1993) - Transfert et épuration dans la zone non saturée de la craie en Champagne. Thèse, univ. Reims.

CHOISEL E. et NOILHAN J. (1995) - La prévision des sécheresses. La Recherche, p. 34-40.

COULOMB C. (1992) - Etude de la circulation de l'eau dans un sol argileux drainé. Thèse, Paris-Sud, n° 2154, 245 p.

DE MARSILY G. (1981) - Hydrogéologie quantitative. Masson

DUCHAUFOUR P. (1991) - Pédologie. Masson.

GAUCHER G. (1968) - Traité de pédologie agricole. Le sol. Dunod.

LAMBERT R. (1996) - Géographie du cycle de l'eau. P.U.M. Toulouse.

LUDWIG B. (1999) - Les bassins versants expérimentaux de Tavaux et Pontséricourt & de Nampon St Martin. Rapp. INRA Laon Péronne, 8 p.

MOREL R. (1996) - Les sols cultivés. Lavoisier, Paris.

NEWSON M. (1994) - Hydrogeology and the river environment. Clarendon Press, Oxford.

ROWELL D.L. (1994) - Soil Sciences. Methods and Applications. Longman.

SOLTNER D. (1992) - Base de la production végétale. Coll. Sciences et techniques agricoles.


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  Jacques.beauchamp
u-picardie.fr

03/11/03